CHAPITRE 2 : LA TRANSACTION OU L'ART DE REUSSIR UN
LICENCIEMENT GAGNANT POUR LES DEUX
PARTIES
Section 1 : La transaction dans la pratique
Quand le licenciement repose sur des motifs sérieux,
le problème ne se pose pas. La transaction concerne des
séparations dont les motifs bien que réels, risquent d'être
difficiles à prouver ou à défendre lors d'un
procès.
Un manager peut souhaiter se séparer d'un
collaborateur sans qu'il soit possible d'évoquer une faute ou même
un motif réel et sérieux. Parfois, c'est le salarié
lui-même qui sent que les choses tournent mal et qui laisse entendre
qu'il accepterait un départ moyennant une compensation
financière.
La transaction est alors pour les deux parties le
moyen de tourner la page rapidement et sans se déchirer. Pour le
salarié, elle lui permet de ne pas attendre la décision d'un juge
qui peut être longue à obtenir et de percevoir rapidement son
chèque. Pour l'employeur, elle est le moyen pratique pour se garantir
contre des attaques auprès des tribunaux, ou tout simplement pour
assurer la paix sociale dans l'entreprise. Ainsi, il fait l'économie de
frais de procédure, de frais d'avocat, en plus des sommes -incertaines
par nature - que le juge pourrait attribuer au salarié.
Toutefois, entre la théorie et la pratique,
apparaît un écart important. En effet, si l'employeur n'a pas
toute confiance en son ex-collaborateur ou bien si le risque financier est
élevé, le licenciement transactionnel peut représenter un
montage risqué.
Voici comment les employeurs s'y prennent concrètement
pour déjouer les pièges.
La transaction n'est valable que si elle est
effectuée après licenciement. C'est un contrat établi en
double exemplaire, daté et signé, comportant également les
mentions « lu et approuvé » et « bon pour
transaction et désistement d'actions ». Mais dans la pratique,
cela soulève un problème : l'employeur n'est pas certain que
le salarié signera l'accord transactionnel après le licenciement
et n'ira pas devant le juge. Pour limiter les risques, les employeurs suivent
couramment le cheminement suivant, même s'il est illégal.
1) Se mettre d'accord, employeur et salarié, sur la
démarche à suivre et les concessions réciproques lors
d'entretiens informels.
2) Envoyer une lettre de convocation à l'entretien
préalable de licenciement en recommandée avec accusé de
réception.
3) A l'issue de l'entretien, une seconde enveloppe,
envoyée également en recommandée avec accusé de
réception, est censée contenir la lettre de licenciement, mais
renferme en réalité une feuille blanche. Si elle contenait la
lettre de licenciement, celle-ci ne serait pas post datable.
Dès réception, le salarié ne doit pas
l'ouvrir. En effet, il lui est à tout moment possible de se retourner
contre son employer. S'il ouvrait la lettre en présence d'un huissier,
celui-ci pourrait constater l'infraction.
4) Le salarié se rend à un nouvel entretien avec
son employeur lors duquel il signe la transaction et échange la feuille
blanche contre la lettre de licenciement
La transaction est donc signée avant le licenciement,
ce qui est illégal, mais officiellement le licenciement est
antérieur à la transaction.
Attention cependant, la jurisprudence est consciente de cette
pratique. « Une lettre blanche » envoyée en
recommandée avec accusé de réception, peut être
associée à un licenciement sans cause réelle et
sérieuse.
En somme, l'employeur pour se risquer à procéder
ainsi, doit laisser toutes les chances de son côté. Il fait donc
signer au salarié la transaction postdatée avant de
procéder à son licenciement, tout en conservant les deux
exemplaires du document « bien au chaud » tant que le
salarié n'a pas reçu la notification de son licenciement par
lettre recommandée. La lettre remise en main propre est
écartée de cette hypothèse et rend la transaction
subséquente nulle. En effet, si le salarié venait à crier
sur tous les toits (en pratique en faisant effectuer un constat d'huissier afin
de prouver le post datage du document) qu'il a signé la transaction
avant que le contrat de travail ne soit rompu, la transaction serait facilement
annulable en justice.
En rendant service au salarié, l'employeur se
prémunit contre toute tentative de contestations ultérieures du
salarié sur les conditions de leurs relations de travail ainsi que sur
la rupture de celle-ci, en échange d'une indemnité
transactionnelle minimale mais raisonnable quand même afin
d'éviter l'annulation en justice de la transaction pour absence de
concessions réciproques.
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