Section 2 : Contestation de la validité de la
transaction
En principe, la transaction règle de façon
définitive les litiges existant ou à naître
résultant de la rupture du contrat de travail. Ce qui implique que sa
vocation première est la conclusion d'un acte sur lequel on ne peut plus
revenir.
Cependant, certaines situations permettent de remettre en
cause la transaction postérieurement à sa signature. C'est le cas
notamment du non respect des conditions de validité ou de
l'inobservation des obligations fixées dans la transaction (A).Cette
remise en cause de l'accord transactionnel entraîne des
conséquences prononcées par le juge (B).
A. Cause de la contestation
La saisine du Conseil de Prud'hommes dans le cadre d'une
contestation de la transaction est très limitée.
Cette contestation peut avoir pour origine la
dénonciation du non respect des conditions de validité de la
transaction, ou de l'inobservation des obligations inscrites dans la
transaction.
Concernant les conditions de validité de la
transaction, seul le salarié peut en dénoncer telle ou telle
irrégularité. Ainsi, l'employeur n'est jamais à l'abri
d'une contestation et donc d'une action aux Prud'hommes, même
après transaction. « Le salarié peut invoquer
l'absence de concessions réciproques ou équilibrées si les
indemnités versées ne compensent pas les droits auxquels il
aurait eu accès en cas de licenciement: paiement du préavis,
indemnités de licenciement légales ou
conventionnelles... », intervient Patrick le Rolland, ancien
conseiller du Conseil de Prud'hommes et auteur de « Tout pour gagner
aux Prud'hommes » (Maxima). Cette notion de concessions
réciproques n'est pas évidente. « Et souvent, le
salarié ignore l'ampleur de ses droits » ajoute-t-il.
« Bref, s'il est bien indemnisé, il ne créera pas de
problème à son ancien employeur ».
Le salarié peut aussi, par le biais de son consentement
contester la transaction qu'il aurait conclue avec son ancien employeur. En
effet, si au cours de l'accord son consentement a été
vicié soit par erreur, violence ou dol, il pourra grâce à
l'aide d'un avocat, en contester la validité.
Il en va de même lorsque le protocole
transactionnel a été conclu antérieurement à la
notification de son licenciement.
Pareillement, lorsque la transaction masque un faux
licenciement.
S'agissant de l'inobservation des obligations nées de
la transaction, la contestation peut provenir soit de l'employeur, soit du
salarié si l'autre partie venait à ne pas respecter ses
engagements.
En résumé, nous retiendrons que la contestation
de la validité de la transaction est envisageable malgré
l'autorité de la chose jugée qu'on lui confère, mais
à condition de ne pas trop tarder.
B. Conséquences de la
contestation
Lorsque l'une des parties ne respecte pas les conditions de
validité ou les obligations nées de la transaction, l'autre
partie peut saisir le juge afin que ce dernier prononce soit l'exécution
de la transaction, soit sa nullité.
L'exécution de la transaction intervient en cas
d'inobservation volontaire par l'une des parties, des obligations fixées
dans la transaction. En principe, c'est souvent l'employeur qui refuse de
verser au salarié l'indemnité transactionnelle convenue.
La transaction faisant naître à la charge de la
partie défaillante une obligation de faire (ou de ne pas faire),
l'action ne peut aboutir qu'au versement de dommages et intérêts.
En effet, le juge ne peut contraindre la partie défaillante à
respecter ses engagements.
Pour ce qui est de la nullité de la transaction, la
législation étant sous l'empire de la jurisprudence qui peut
être contradictoire, on peut seulement dire selon les différents
verdicts de la Cour de cassation, qu'a priori seul le salarié peut
l'invoquer car jugeant que l'accord transactionnel est irrégulier et/ ou
défavorable à ses intérêts
Le caractère très particulier de la transaction
apparaît dans la réglementation de ses nullités. Etant un
contrat, elle devrait en principe, être soumise aux mêmes
règles que tout accord de volonté, mais elle est aussi
l'équivalant d'une décision judiciaire et doit avoir à ce
titre certaines garanties.
De là, l'application restrictive du droit commun des
nullités, afin de lui assurer un maximum de sécurité
juridique.
La transaction peut donc être annulée pour
certains vices du consentement d'une part, et d'autre part pour violation de
ses conditions de validité et d'inexécution des obligations y
figurant.
Au préalable, il est nécessaire de souligner que
si la transaction a été conclue avec un salarié
ordinaire, la nullité est relative et ne peut donc en conséquence
être invoquée que par le salarié concerné. La
Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle ce principe et y ajoute que
dans la mesure où il s'agit d'une nullité relative, elle se
prescrit sur cinq ans à compter de sa signature. Après ce
délai, il n'existe plus aucun moyen de faire prononcer sa
nullité, la transaction sera donc considérée comme
valable.
En revanche, la nullité absolue est encourue quand la
transaction en cause est conclue avec un salarié protégé.
Si la transaction est annulée, les deux parties
retrouvent tout leur pouvoir de faire valoir leurs droits à
l'égard du licenciement, et ce en principe pendant trente jours ;
en plus de cela les indemnités versées doivent être
restituées. Les parties se retrouvent alors dans la situation juridique
initiale.
· Le cas des vices du consentement
L'erreur de droit et la lésion sont sans effet sur la
transaction (article 2052 du Code civil). L'erreur de droit est une
méprise sur l'existence ou sur la portée d'un fait ou d'un acte.
La lésion quant à elle, a pour effet un préjudice
résultant pour l'une des parties, de la différence
injustifiée des concessions et prestations réciproques.
En revanche, l'erreur sur la personne ou sur l'objet de la
transaction, le dol et la violence sont des causes d'annulation de la
transaction (article 2053 du Code civil).
Il pourrait y avoir erreur sur la personne si les parties se
méprenaient sur l'identité ou sur les qualités de l'autre
partie. Les décisions jurisprudentielles sont extrêmement rares en
la matière.
Il y aurait erreur sur l'objet de la transaction, si les
parties ne pouvaient pas prévoir l'une des conséquences du
contrat ou de sa rupture au moment de la transaction.
De son côté, le dol consiste en des manoeuvres
frauduleuses pour obtenir le consentement de l'autre partie. Il ne constitue
une cause d'annulation de la transaction qu'à la condition d'avoir
été déterminant. La nullité d'une transaction pour
dol ne peut donc être obtenue que si le demandeur établit non
seulement l'existence de mensonges et de manoeuvres dolosives, mais encore leur
caractère déterminant sur le consentement (article 1116 du Code
civil français).
Concernant la violence, elle est généralement
conçue comme une contrainte morale. Elle ne se présume pas, il
appartient à celui qui l'invoque d'en apporter la preuve.
En pratique, de nombreuses décisions ne reconnaissent
pas le vice du consentement pouvant annuler la transaction. Les motifs suivants
sont régulièrement relevés :
Ø lettres établissant la parfaite conscience de
la portée des écrits ;
Ø encaissement sans réserve du montant du
chèque ;
Ø salarié ayant une culture intellectuelle lui
permettant d'apprécier la portée des clauses ;
Ø preuve que le consentement du salarié n'a pas
été surpris ;
Ø salarié détenant une intelligence
reconnue ;
Ø impossibilité de se méprendre sur la
portée de la transaction ;
Ø conseils pris auprès de
spécialistes ;
Ø contractant expérimenté.
· Le cas de l'inexécution des obligations
nées de la transaction
Lorsque les deux parties n'exécutent pas les
obligations nées de l'accord transactionnel, les juges, n'ayant aucun
moyen de les contraindre à respecter leurs engagements, ont toutefois la
possibilité d'annuler le protocole d'accord.
Outre le cas où l'employeur refuserait de verser
l'indemnité transactionnelle convenue, nous pouvons retenir comme
exemple, le cas du salarié ne respectant pas la clause de non
concurrence. Il en résultera, une possible résolution judiciaire
de la transaction, si et seulement si l'employeur en fait la demande.
· Le cas du non respect des conditions de
validité
Comme nous l'avons vu précédemment, la
transaction ne peut valablement être conclue, qu'après
notification au salarié de son licenciement par lettre
recommandée avec accusé de réception par la poste. Si elle
venait à intervenir antérieurement à la notification, les
juges pourraient être saisis pour prononcer sa nullité.
De même, la transaction qui ne comporterait pas de
concessions réciproques appréciables de la part du salarié
et de l'employeur, serait entachée de nullité.
Enfin, l'objet de l'accord transactionnel doit porter sur un
ou des litiges existants dans les faits, c'est-à-dire réels. A
défaut, une action en nullité est envisageable à ce
niveau.
En somme, le juge appelé à contrôler la
validité de la transaction et à prononcer sa nullité en
cas de non respect de ses conditions :
Ø vérifiera d'abord l'existence et le
caractère réciproque des concessions ;
Ø se déterminera ensuite sur le contrat de
transaction, sur l'existence de la lettre de licenciement et
l'énoncé de celle-ci (objet).
Mais, il ne se prononcera sur le caractère réel
et sérieux des motifs de licenciement invoqués en aucun cas.
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