La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application( Télécharger le fichier original )par Caroline Levron Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007 |
ConclusionQue ce soit dans les années 1990 ou 2000, les lois relatives à la mixité sociale sont souvent nées pour répondre à une situation d'urgence : les émeutes de banlieue devenant récurrentes depuis le début des années 1980 ou la crise des logements sociaux se traduisant par une faible dynamique de construction. Le principe même de la mixité sociale n'est pas remise en cause par les différents bords politiques, qu'ils soient de gauche ou de droite. Cependant, les positions divergent sur la façon de mener à bien cet objectif. Si les gouvernements des deux tendances politiques se sont accordés sur les mesures favorisant la discrimination positive afin de réduire les inégalités, ce n'est plus que le premier groupe qui a instauré les mesures visant à la répartition des ménages modestes sur l'ensemble du territoire. Ainsi le début des années 1990 a vu la mise en place de politique favorisant la mixité sociale à l'échelle des communes par des gouvernements de gauche. Mais par la suite, ces législations ont été vidées de leur contenu par les successifs gouvernements de droite, qui ont de nouveau privilégié les mesures reposant sur la discrimination positive et sur des politiques intensives d'accès à la propriété privée. De plus, avec ces législations sur la mixité sociale, l'Etat prenant un rôle grandissant, l'opposition de droite a systématiquement cherché à réduire son rôle au profit des collectivités territoriales. C'est dans ce cadre que s'inscrit la loi SRU. Elaborée à la fin des années 1990, son but est de relancer la construction de logements sociaux et parvenir à favoriser la mixité sociale sans se référer à la discrimination positive. Néanmoins, dès la présentation de son projet de loi, elle a dû faire face à de nombreuses attaques de l'autre bord politique. Et elle a dû lutter contre les stéréotypes et les amalgames faits entre logements sociaux et problèmes sociaux (pauvreté, violence...) et particulièrement développé par les médias depuis les années 1980. Ainsi, les communes refusant cette loi SRU cherchaient avant tout « à protéger » leur territoire et préserver cette « ghettoïsation par le haut » qui se révèle être un obstacle au mélange social. Perçue comme étant la législation la plus ambitieuse depuis le lancement de la politique de la ville, la loi SRU a fait parler d'elle à la hauteur de son ambition. Elle s'est vue défendue ou fustigée par l'ensemble de la classe politique ou par les associations qui en appelaient à son maintien ou à son retrait. Au fil des amendements, souvent lancé par les élus de droite, la loi SRU s'est retrouvé vidée en partie de sa substance, mais les polémiques qui ont suivi ont permis de retrouver l'esprit original. Finalement, la loi SRU a réussi à légitimer son objectif des 20 % de logements sociaux par commune. La crise du nombre de l'habitat social qui peine à se résorber, la hausse de la demande et du nombre de familles éligibles à ce type d'habitat, ou encore la croissance des prix du foncier font de la loi SRU une législation qui désormais ne peut plus être abrogée. Même si certains élus cherchent à le contourner et même si Nicolas Sarkozy prône l'accès à la propriété privée, la loi sera maintenue ; elle est aujourd'hui devenue une référence. D'ailleurs, la hausse des sanctions par les préfets va dans ce sens, tout comme le renforcement par certaines instances locales à leur échelle (comme c'est le cas en Ile-de-France avec le nouveau SDRIF). Et au début de l'année 2006, un sondage montrait l'attachement de l'ensemble de la société à cette loi. 64 % des personnes interrogées jugeaient « efficace » l'obligation de réaliser les 20 % de logements sociaux dans chaque commune et 68 % des maires avaient la même opinion concernant l'article 55 de la loi SRU.127(*) Désormais, si modifications il y a, celles-ci portent plus sur le caractère technique de la loi et les outils d'urbanisme (mise en place de nouveaux plans de cohérence territoriale...) mais ne remettent pas en cause l'esprit original de loi SRU. La situation d'urgence étant toujours pressente, la loi Solidarité et Renouvellement Urbains ne peut plus être considérée comme une loi en péril. La question est désormais de savoir quel degré d'impact lui donner ; selon les couleurs politiques du gouvernement, elle sera amenée à jouer un rôle plus ou moins contraignant. Mais comme l'analyse Thierry Repentin, sénateur socialiste de Savoie, « l'article 55 fait désormais partie du patrimoine législatif qui survivra à toutes les alternances politiques ».128(*) * 127 Sondage Nexity-TNS Sofres réalisé en janvier 2006 auprès de 1 000 personnes et 400 maires de France. * 128 SERAFINI Tonino, « Comment la "loi HLM" a survécu à la droite ». Libération, jeudi 13 juillet 2006. |
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