La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application( Télécharger le fichier original )par Caroline Levron Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007 |
3.2.2. La loi Borloo : un retour en arrière ?Annoncé dès octobre 2002, le projet de loi a été oublié un temps par le gouvernement et a finalement été soumis en juin 2003 au Conseil Economique et Social (qui regrettait cependant la faiblesse de l'investissement de l'Etat), puis au vote du Parlement. Finalement, la Loi du 1er août 2003 de programmation et d'orientation pour la ville et la rénovation urbaine115(*) dite « Loi Borloo » instaure un programme « visant à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible ». Plus que faciliter la répartition des classes modestes sur le territoire, c'est la rénovation urbaine qui est vue comme le moyen de maintenir la cohésion sociale. Sur un investissement de cinq ans, le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) prévoit la restauration des quartiers sensibles par le réaménagement des espaces et équipements publics et des voiries. Un deuxième axe vise à l'instauration d'un habitat de qualité par le biais de la construction ou de la réhabilitation de logements. Ainsi les objectifs ont étés fixé à 200 000 constructions de logements sociaux, 200 000 réhabilitations ou restructurations lourdes et enfin de 150 000 à 200 000 démolitions de logements vétustes. A peu près sept cents quartiers devaient faire l'objet de ces rénovations. Le financement de ces opérations est avancé par l'Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) nouvellement crée. Celle-ci réunit l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations, l'Agence Nationale Habitat (ANAH), l'Union sociale pour l'habitat et l'Union d'économie sociale du logement. De plus, pour la réhabilitation des immeubles très dégradés ou à l'abandon, la législation prévoir le renforcement du pouvoir d'intervention du préfet et du maire. La loi Borloo s'appuie avant tout sur la rénovation des Zones Urbaines Sensibles et aussi sur un soutien à la création d'emploi dans les quarante-quatre Zones Franches Urbaines (ZFU), déjà crées en 1999 mais auxquelles viennent s'ajouter quarante-un nouveaux secteurs. Lors des votes au Sénat et à l'Assemblée Nationale, les groupes socialistes et communistes avaient voté contre. Par les moyens mis en oeuvre, certains y voient un retour aux politiques de la ville exercée dans les années 1980 ou 1990 sous les gouvernements Balladur et Juppé. Celles-ci se limitant aux quartiers sensibles, les élus de gauche y voyaient une façon de « ramener la question sociale à celle de la concentration ». La question de la mixité sociale n'est pas envisagée selon un angle global mais avant tout à partir de certains quartiers dont il faut réduire les inégalités avec le reste du territoire. D'autres mettaient en avant une politique visant à rendre les lieux attrayant pour les classes moyennes mais ne prenant pas en compte un vrai développement économique et sociale ou le développement d'une offre locative conséquente. Quant à d'autres, ils s'inquiétaient des destructions qui induiraient des délogements pour des familles en situation précaires. Ces derniers estiment que ces familles ne sont que rarement dans ce genre de situation, les bénéficiaires des habitations neuves ou réhabilités. Ainsi ces ménages les plus défavorisés iront se loger dans d'autres habitations dévalorisées du parc. Et dans un pays déjà en manque de logements sociaux (un million de demandes sont en instances) et qui peine à les construire, ces destructions ne sont pas les bien venues. Toujours selon ce point de vue, la sociologue Christine Lelévrier souligne les risques de la rénovation urbaine pour la mixité sociale. L'arrivée des familles modestes dans ces nouveaux logements risque d'être contrôlée par les bailleurs et les communes d'accueil. Finalement, ce sont les ménages « stables » qui sont en priorité relogés dans les quartiers valorisés. Les familles modestes et endettées, nombreuses, monoparentales ou immigrées sont souvent relogés sur place, accentuant ainsi la ségrégation sociale. A noter que Jean-Louis Borloo est aussi l'investigateur d'un Plan de Cohésion Sociale116(*) portant son nom et promulgué en janvier 2005. Par des mesures portant sur l'emploi, l'insertion des jeunes, le logement et l'égalité des chances, cette politique vise à réduire les inégalités, notamment celles que vivent les populations immigrées concentrées dans les banlieues défavorisées. Sur la question du logement, le Plan prévoit d'augmenter le nombre de logements sociaux, passant à 500 000 logements supplémentaires entre 2004 et 2009. * 115 Loi n°2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Parue au Journal Officiel n°177, 2 août 2003. * 116 Loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Parue au Journal Officiel, le 19 janvier 2005. |
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