La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application( Télécharger le fichier original )par Caroline Levron Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007 |
2.4. Une loi perpétuellement remise en causeDès sa première lecture à l'Assemblée nationale, en avril 2000, la loi SRU a fait l'objet de vifs débats et attaques, concernant l'application du principe de mixité sociale. Avec le retour de la droite au gouvernement en 2002, les amendements se sont multipliés. Néanmoins, le quota des 20 % ayant été validé constitutionnellement et ne pouvant être remis en cause, les modifications ont porté sur le sens à donner à ces 20 % afin de pouvoir contourner l'objectif. Face à ces différentes prises de position, des groupes de pression en faveur ou en défaveur de la législation sont nés. 2.4.1. Les oppositions à la loi2.4.1.1. Une série d'amendementsL'amendement de novembre 2002 Un premier amendement est déposé en novembre 2002, par le sénateur UMP des Yvelines, Dominique Braye. Comme lors du premier débat sénatorial portant sur le projet de loi en 2000, ce dernier reprend les demandes de modifications qui avaient été défendues à l'époque. Son texte visait à « assouplir » la loi afin de contrer une législation au caractère « autoritaire, coercitif et centralisateur ne tient pas compte des spécificités locales ». Ainsi, l'amendement reposait sur des nouveaux mécanismes de volontariat et de contrat de la part des communes dans la réalisation ou non des logements sociaux. Ces procédés permettaient ainsi aux élus récalcitrants de se substituer à la loi. Enfin, une deuxième mesure prévoyait le changement d'échelle dans la comptabilisation des 20 %. L'objectif ne devait plus être réalisé au niveau des villes mais à l'échelon intercommunal, de manière à « laisser les élus décider au sein de cette zone de la répartition spatiale des logements sociaux ». Grâce à ce principe, certaines communes avaient la possibilité d'échapper à la construction et aux sanctions financières, une fois que la moyenne des 20 % était atteinte. Adoptée en première lecture par les Sénateurs, ces amendements ont été dénoncé par la majorité de la classe politique de gauche. Simultanément, le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées et de nombreuses associations de droit au logement s'étaient montrés hostiles à ce texte. Finalement, sous la pression de l'opposition, cet amendement en était resté au point mort, après intervention de l'Elysée qui avait déposé son veto. En conséquence, les modifications ne furent jamais examinées par les députés de l'Assemblée Nationale. L'amendement de janvier 2006 Fin janvier 2006, de nouveaux amendements sont déposés à l'occasion de la première lecture du projet de loi sur l'Engagement National pour le Logement par le ministre de la Cohésion Nationale, Jean-Louis Borloo. Un amendement similaire à celui de novembre 2002 avait été proposé par la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée Nationale visant à faire de l'agglomération, l'échelle de référence pour le calcul du pourcentage de logements sociaux. Quant à Gérard Hamel, député UMP d'Eure-et-Loir, il demandait que les aires d'accueil des gens du voyage soient comptabilisées dans les 20 %, tout comme les logements construits pour une opération sociale. Finalement, le premier amendement avait été rejeté par les élus et le second enlevé de lui-même par les députés UMP. La présence de l'Abbé Pierre qui ce jour-là avait assisté à la séance des députés n'y était pas étrangère. Mais à noter que le compte des aires des gens du voyage fut réintégré par un amendement voté au Sénat, en avril. Mais contrairement aux modifications précédentes, le texte proposé par Patrick Ollier, député UMP des Hauts-de-Seine avait été accepté par l'Assemblée Nationale. Il permettait d'assimiler certains programmes d'accession aidée à la propriété privée comme étant du logement social ; il en était de même pour les habitations sociales vendues aux locataires qui dès lors étaient comptabilisées pendant cinq ans. Les modifications proposées par Yves Jégo, député UMP de Seine-et-Marne demandant que les « maisons Borloo » à 100 000 €80(*) comptent comme des logements sociaux font partis de ces programmes d'accession à la propriété. Pour justifier ces amendements, les élus de droite évoquaient l'idée d'un « parcours résidentiel » : location puis accession à la propriété. Néanmoins, lors de la soumission du texte au Sénat, cet « amendement Ollier-Hamel » avait été rejeté. A l'époque, les sénateurs UDF s'étaient ralliés aux voix de la gauche. Cependant, la partie concernant les logements sociaux vendus à leur occupant avait été gardée (soit 0,1 % à 0,2 % du parc locatif social). L'amendement de mai 2006 Lors de l'examen en seconde lecture à l'Assemblée, du projet d'Engagement National pour Logement, de nouvelles modifications ont été déposées par Patrick Ollier. Ce dernier reprenait son amendement du mois de janvier, adopté par l'Assemblée Nationale mais refusé par le Sénat au mois d'avril. Cependant, aussi président de la Commission des Affaires économiques, Patrick Ollier y avait fait voter sa réintroduction dans le texte du projet de loi de Jean-Louis Borloo. Il prévoyait toujours de réintroduire dans le quota, les logements neufs dont l'acquisition aurait été financée, grâce à une aide à l'accession à la propriété, en particulier le prêt à taux zéro. Selon lui, cet aménagement faciliterait l'accès de nombreux ménages modestes à la propriété privée. Alors que la polémique enflait dans l'hémicycle, les députés de gauche ainsi que ceux du centre s'insurgeant contre cette modification, la question restaient ouverte à l'UMP et une réunion d'arbitrage y était organisée afin de trancher sur une question instauré par la force. Quant à certains députés de droite comme Etienne Pinte, député-maire UDF de Versailles ou Pierre Méhaignerie, député UMP d'Ille-et-Vilaine, ils faisaient savoir leur opposition à l'idée de toucher aux 20 %, évoquant les « besoins pour les démunis, mais aussi pour la petite classe moyenne qui peine à se loger dans le privé »81(*). Pendant ce temps, différentes associations de lutte contre l'exclusion ou pour le logement des personnes défavorisées montraient leur hostilité à toute modification. La Fondation Abbé Pierre réaffirmait sa position face à une « loi [qui] doit viser à protéger les plus modestes et non pas les écarter plus ou moins ouvertement » ou SOS Racisme dénonçait les « les ravages de la ghettoïsation »82(*), six mois après les émeutes de banlieue. Finalement, face à la pression, l'« amendement Ollier » fut retiré, et Gérard Hamel affirmait dans le même temps « qu'un autre amendement sera déposé concernant l'accession sociale à la propriété, sera sans rapport avec l'article 55 »83(*) de la loi SRU. L'amendement de février 2007 En février 2007, lors des débats du projet de loi sur le droit au logement opposable Yves Jégo avait proposé à ce que les programmes d'accession à la propriété privée soient comptés pendant dix ans. Cependant, après la polémique engendrée un an plus tôt par l'« amendement Ollier », les députés n'ont pas donné suite à cette demande de modification. Finalement, face à ces séries d'amendements qui, à chaque fois, ont fait l'objet de polémiques, de pressions de plus en plus vives de la part des associations et des élus (y compris de droite), l'article 55 de la loi SRU a gagné en légitimité. Par la suite, il a été encore amené à être renforcé toujours dans le cadre des débats du projet de loi du logement opposable, en février. Un amendement du Sénat a élargit l'article 55 à l'ensemble des villes des agglomérations de plus de 50 000 habitants ; précédemment ces dernières étaient concernées que si elles comptaient au moins une commune de 15 000 habitants. Avec ce nouveau dispositif, 237 localités supplémentaires sont désormais concernées par le quota de 20 %, qu'elles devront remplir d'ici 2014. Au-delà de la série d'amendements déposés, l'engagement tenace de certains élus contre la loi les avait incité à former un groupe de pression. * 80 Le dispositif, en vigueur depuis fin 2005, a pour objectif de permettre aux ménages les plus modestes de devenir propriétaire de leur pavillon avec un budget limité à 100 000 €. (Source : www.borloo-de-robien.com) * 81 Cité dans SERAFINI Tonino, « Comment la "loi HLM" a survécu à la droite ». Libération, jeudi 13 juillet 2006. * 82 Cité dans « Le serpent de mer de la loi SRU en discussion au Parlement le 30 mai 2006... Patrick Ollier au charbon ». AFP, mercredi 31 mai 2006. * 83 Cité dans « Retrait de l'amendement Ollier concernant le quota de 20% de logements vide à atteindre... ». AFP, jeudi 1er juin 2006. |
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