2.2. Une décentration perceptive
Avant trois ans, l'enfant a une pensée
égocentrique, c'est-à-dire qu'il ne parvient pas à se
mettre à la place d'autrui d'un point de vue perceptif, selon Thommen
(2001). Il a l'impression que tout le monde voit comme lui, et que sa
façon de voir est la seule possible. Sa représentation du
réel équivaut, selon lui, à la réalité
concrète. Ainsi, l'enfant agit en fonction de sa centration. Piaget,
cité par Doise, Mugny et Perret-Clermont (1997) définit la
centration comme un schème cognitif qui n'est pas encore
inséré dans une structure d'ensemble. Progressivement, il va
comprendre que la perception varie en fonction du point de vue adopté.
Selon Thommen (2001), à un an, il ne parvient pas encore à
orienter un objet de manière à ce qu'il soit visible pour une
autre personne, ayant un point de vue différent. En revanche, à
deux ans, tous y parviennent. A trois ans, il réussit à montrer
ou cacher correctement un objet de la vue de l'expérimentateur. Ainsi,
à trois ans, il comprend que chacun ne perçoit pas la
réalité de la même manière. La perception de la
réalité diffère selon les personnes qui se trouvent avec
lui étant donné que la situation n'est pas observée depuis
le même endroit. En revanche, il ne conçoit pas qu'une même
réalité peut être perçue de multiples
manières simultanément. Par exemple, lors d'une tâche
où deux enfants face-à-face doivent guider une voiture sur un
itinéraire, demander au partenaire de faire tourner la voiture vers la
gauche fera sortir la voiture de la route et provoquera un conflit. Comme ils
se trouvent l'un en face de l'autre, la gauche de l'un ne correspond pas
à la gauche de l'autre. Il s'agit alors de se centrer sur la droite ou
la gauche de la voiture, c'est-à-dire décentrer son point de vue.
Cette décentration sera facilitée par les actions et leur
investissement dans la tâche.
Cette décentration perceptive est un premier pas, un
préalable, vers une décentration plus générale. En
effet, grâce à cette dernière, il comprend que ses
représentations ne correspondent pas exactement à la
réalité. Il distingue l'apparence de la réalité
(Flavell, 1999). Il développe, à partir de cette prise de
conscience, la capacité à coordonner les différents points
de vue. Selon Flavell (cité par Thommen E., 2001), la coordination des
points de vue demande plus de compétences et s'acquiert vers quatre
à cinq ans. De nombreuses représentations différentes,
voire contradictoires, peuvent coexister selon les points de vues des
personnes, pour une même réalité.
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