V INTERPRETATION DES RESULTATS
1. Validation des hypothèses
1.1. Hypothèse 1
Notre première hypothèse se décomposait
en deux sous-hypothèses.
La première sous-hypothèse supposait le lien
suivant :
Les enfants ayant les meilleures compétences en
attribution d'intention utiliseraient davantage de verbes mentaux et
termineraient plus rapidement le tangram que les autres.
La première partie de cette hypothèse n'est pas
validée. En effet, les résultats obtenus au t de Student ne
permettent pas de rejeter l'hypothèse nulle. Les enfants ayant les
meilleures performances en théorie de l'esprit n'utiliseraient pas une
quantité de verbes mentaux significativement plus élevée
que les autres. Cependant, même si l'hypothèse n'est pas
validée statistiquement avec le t de student, les moyennes indiquent que
le groupe le plus fort utilise plus de verbes mentaux et termine en moyenne
plus rapidement que les autres. Un lien pourrait exister entre ces deux
variables. De plus, la quantité de verbes mentaux utilisés par L.
et A., deux sujets atypiques, tend ainsi à confirmer cette
hypothèse. Cependant, les autres sujets n'en utilisent pas autant.
Ces différences au sein d'un même groupe nous
amènent à relativiser les liens entre les variables et à
réfléchir sur la représentativité des sujets ayant
participé à cette étude. En effet, en raison de la
quantité plutôt restreinte d'enfants sur lesquels portent les
résultats et de leurs comportements forts distincts les uns des autres,
il est difficile de dire si les comportements observés correspondraient
à une tendance plus générale. Prolonger cette recherche en
faisant intervenir un nombre plus élevé de sujets pourrait nous
renseigner à ce propos.
De plus, en ce qui concerne le temps de résolution, les
résultats ne confirment pas l'hypothèse énoncée,
mais ce temps de résolution plus ou moins rapide ne correspond pas
seulement à des capacités plus ou moins bonnes de
représentations des états mentaux et de coordination des points
de vue mais semble également correspondre à la présence ou
absence de conflit. C'est ce que nous allons vérifier au travers de
l'hypothèse suivante.
La seconde sous-hypothèse, la sous-hypothèse 1B
était la suivante :
les enfants qui marquent leur désaccord
utiliseraient plus de verbes mentaux que les autres et mettraient plus de temps
pour terminer le tangram en raison du temps nécessaire pour se
justifier.
En ce qui concerne cette sous-hypothèse, cette
dernière est totalement vérifiée après l'analyse
des résultats. Cette forte corrélation entre le nombre
d'oppositions, la quantité de verbes mentaux utilisés, et la
durée nécessaire pour terminer le tangram montre à quel
point, quand un conflit apparaît principalement, les enfants ont recours
à des verbes mentaux. La plupart du temps, ils utilisent les expressions
« je sais », « tu ne sais pas » ou
encore « je me suis trompé ».
Ce type d'expression, utilisée dans ce contexte
particulier de la création d'un tangram à deux, marque bien
l'opposition entre ce que le partenaire a fait, selon sa représentation
du problème, et la propre représentation de la situation
construite par l'enfant et ce qu'il compte faire. L'enfant établit donc
un lien entre le savoir et les actions réalisées. Cette
compétence en attribution d'intentions lui permet de mieux gérer
cette interaction sociale (Thommen, 2001).
De plus, ces verbes sont souvent utilisés suite
à une action du partenaire qui n'aboutit pas. Exprimer son savoir permet
ensuite à l'enfant de tenter de prouver son savoir concrètement
en posant la forme au bon endroit et dans le bon sens. Cette volonté
d'interférer dans une action qui ne correspond pas à sa
représentation, de tenter de résoudre le problème, et de
rechercher une solution ensemble, nécessite du temps et se
répercute systématiquement sur le temps de résolution.
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