II PROBLEMATIQUE
1. Problématique
Dans le système éducatif actuel, l'enseignement
s'éloigne de plus en plus des images que l'on se construit de la classe
comprenant la maîtresse à son bureau ou devant le tableau et les
élèves assis en rang qui l'écoutent silencieusement.
L'hétérogénéité des classes est devenue un
problème préoccupant. Dans un souci de transmettre le meilleur
enseignement possible dans une classe si particulière, l'organisation du
travail et de l'enseignement sont dorénavant aménagés bien
différemment, replaçant l'élève au centre de
l'apprentissage. L'apprentissage ne consiste plus, pour l'instituteur/trice,
à donner un cours en parlant devant une classe d'élèves
assis qui écoutent plus ou moins passivement. Désormais,
l'élève est replacé en tant qu'acteur de son
apprentissage. C'est en partie au travers des actions qu'il réalise avec
les autres élèves qu'il apprend. Une importante partie du temps
est consacrée à du travail par petits groupes
d'élèves, des groupes tant symétriques
qu'asymétriques, des situations de co-résolution de
problème ou d'application de règle d'orthographe par exemple (il
s'agit de remplir des fiches comprenant du texte où certains espaces ont
été laissés blancs dans les phrases. Le remplissage se
fait en suivant la consigne, à savoir la règle d'orthographe, en
groupe). Ces situations se retrouvent aussi et tout particulièrement
dans les écoles maternelles. Dans un contexte où l'apprentissage
est censé se réaliser partiellement au travers de situations
d'interactions entre enfants, rechercher les conditions d'apprentissage les
plus efficaces paraît essentiel. Comme il a été
exposé plus haut, Vygotsky (1934) avait déjà établi
le lien entre le développement des fonctions psychiques
supérieures et la transmission sociale. Cette vision a des
répercussions sur la façon d'organiser l'enseignement.
Pédagogiquement, il s'agit de s'interroger sur la façon dont se
déroule cette transmission sociale et sur les éléments
intervenant dans les situations d'interaction qui favorisent l'apprentissage.
Les recherches sur le conflit socio-cognitif et la
théorie de l'esprit ont particulièrement retenu notre attention
dans la mesure où elles se rapportent aux situations d'enseignement
actuelles et les éclairent en valorisant
l'hétérogénéité des classes. Ainsi, les
études sur le conflit socio-cognitif indiquent que l'apprentissage
cognitif se réalise au travers de la coordination des points de vue,
nécessitant un certain degré de compétences en
matière d'attribution d'états mentaux.
De la même manière, les recherches sur la
théorie de l'esprit montrent que cette compétence se
développe progressivement, vers une aisance de plus en plus apparente
dans la distinction de ses propres états mentaux de ceux des autres,
dans l'attribution d'états mentaux, puis dans leur coordination. Les
recherches montrent également à quel point les interactions,
ainsi que l'utilisation du langage, semblent essentielles pour que se
développe cette compétence.
Doise et Mugny (1997) ont mis en évidence le lien entre
ces recherches en montrant que le sujet se construit sa propre
représentation de la situation, la distingue de celle d'autrui, pour
ensuite les intégrer l'une et l'autre et les coordonner dans une
représentation plus complexe et plus élaborée. C'est donc
grâce à l'attribution d'états mentaux que le conflit
socio-cognitif favorise les apprentissages. Cette capacité à
attribuer des états mentaux joue le rôle de prérequis.
Ainsi, les enfants parvenant le mieux à se représenter les
états mentaux d'autrui coordonneraient plus facilement les divers points
de vue et tireraient davantage de bénéfices du conflit
socio-cognitif.
Mais c'est une étude de Doise (1993) portant sur les
compétences sociales qui nous a donné le plus à
réfléchir. Selon lui, des compétences spécifiques
de l'individu rendent possibles certaines interactions sociales et c'est au
travers de celles-ci que l'individu développe de nouvelles
compétences qui favoriseront l'émergence de nouvelles
compétences sociales plus évoluées. Par exemple,
l'acquisition de compétences spécifiques telles que l'attention
conjointe est nécessaire pour que se développe
l'intersubjectivité. De la même manière, Astington (1993)
affirmait qu'un entraînement langagier favorisait le développement
de la théorie de l'esprit. On pourrait alors se demander si le conflit
socio-cognitif, en tant que situation d'interaction, ne favoriserait pas
également le développement de compétences sociales comme
la représentation d'états mentaux.
En définitive, la problématique sur laquelle le
travail de recherche est centré porte sur le lien étroit unissant
la théorie de l'esprit et le conflit socio-cognitif.
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