3.3.5. L'impact du conflit socio-cognitif
Le conflit socio-cognitif favorise le développement de
nombreuses compétences, dans des domaines très variés. Il
influe sur le développement et certaines fonctions cognitives mais
également sur les compétences sociales.
Le conflit socio-cognitif facilite les apprentissages
cognitifs. Les progrès réalisés sont
généralisables à d'autres connaissances du même
type. Par exemple, lorsqu'un enfant fait des progrès dans des
problèmes concernant la conservation des longueurs, il
généralisera cette acquisition. Ainsi, les problèmes
concernant la conservation des quantités seront résolus avec
davantage de facilité. Le conflit socio-cognitif permet donc à
l'enfant d'accéder à un schème de niveau supérieur.
En effet, il parvient à repérer dans une action ou une situation
ce qui est généralisable et à le transposer dans une autre
situation représentant des éléments communs avec la
précédente.
D'autres progrès ont lieu dans le domaine cognitif,
plus particulièrement au niveau des fonctions cognitives comme les
« régulateurs d'action ». Ces progrès ont
lieu grâce aux déstabilisations provoquées par les
interventions du partenaire. Cette déstabilisation concerne la
représentation du problème et des possibilités d'action.
En effet, après une intervention
« déstabilisante », le sujet change la
représentation qu'il s'était faite du problème ou sa
représentation de la manière d'exécuter la tâche.
Ainsi, les progrès se rapportent à certaines fonctions
cognitives fortement liées aux relations sociales comme les
régulateurs de l'action. Ces derniers désignent les
capacités d'organisation, de contrôle et de vérification
impliqués dans la résolution de problème. Ainsi, le sujet
développe ses capacités d'identification du problème
(déduction d'un certain nombre de faits à partir de la situation
de problème permettant sa résolution), de création de
stratégie, planification (anticipation des actions ainsi que les
résultats de celles-ci), de contrôle des opérations
(attention aux résultats des actions, et mémorisation des erreurs
pour éviter de les reproduire), ou encore la capacité de
changement de représentation du problème en cas d'impasse ...
D'autre part, les compétences sociales seront
facilitées par la participation du sujet à de telles situations
d'interactions. Les catégories mentales se mettraient en place lors de
la participation de l'enfant à des interactions sociales de nature
très variées. Le développement cognitif se structurerait
à partir de la structuration de l'environnement social (normes
représentations, règles) qui organiserait les interactions
sociales. Ces nouvelles compétences cognitives favoriseraient le
développement des compétences sociales et permettraient à
l'enfant de participer à des interactions sociales plus
élaborées. C'est dans ce contexte que Doise affirme «A tout
moment de son développement, des compétences spécifiques
permettent à l'individu de participer à des interactions sociales
relativement complexes qui peuvent donner lieu à de nouvelles
compétences individuelles qui pourront s'enrichir de nouveau lors de
participations à d'autres interactions sociales.» (pp.125-126,
1993)
De cette manière, une sorte de spirale
développementale se réaliserait dans le conflit socio-cognitif.
Les apprentissages cognitifs servent de prérequis à de futurs
apprentissages. Ils servent de base à la régulation
d'interactions sociales plus complexes, qui, elles-mêmes, permettront
l'émergence de processus cognitifs plus évolués. C'est ce
qu'exprime Doise (p. 37, 1997) en disant qu'en coordonnant ses propres
actions avec celles d'autrui, il élabore des systèmes de
coordination de ses actions et arrive à les reproduire tout seul par la
suite. La causalité que nous attribuons à l'interaction sociale
n'est pas unidirectionnelle; elle est circulaire et progresse en spirale :
par l'interaction, l'individu maitrise certaines coordinations lui permettant
alors de participer à des interactions sociales plus
élaborées, qui, à leur tour, deviennent source de
développement cognitif. Ainsi, à des niveaux précis du
développement cognitif, certaines interactions sociales, agissant comme
un de ces inducteurs de l'embryogenèse, entraînent le
développement d'une nouvelle organisation cognitive.
|