INTRODUCTION
A l'âge de quatre-cinq ans, l'école
représente le principal milieu où l'enfant évolue et
s'initie aux conduites sociales, hormis l'environnement familial. De multiples
interactions entre pairs émergent dans cet environnement. Comme c'est au
travers des diverses expériences sociales que se réalise le
développement social, l'environnement scolaire pourrait être
propice au développement social de l'enfant en favorisant l'apparition
d'interactions entre pairs. L'étude de l'environnement scolaire est par
conséquent d'un grand intérêt en psychologie du
développement.
Lors de notre stage de licence dans une classe d'accueil, nous
avons eu l'occasion de suivre de nombreuses situations de résolutions de
problèmes tant en groupe qu'en dyade. Ce type de situation et les
oppositions entre enfants qui apparaissaient dans ce contexte nous ont fait
réfléchir sur le lien entre le conflit socio-cognitif et la
capacité à coordonner les points de vue, capacité
découlant du développement de la théorie de l'esprit.
Ce qui a motivé ce travail, c'est le souhait
d'intégrer des concepts appartenant à des domaines de recherche
différents afin de vérifier l'existence ou non de liens entre
eux. Une mise en évidence pourrait servir à
développer l'émergence de ce type de situation dans
l'enseignement scolaire afin de stimuler tant le développement social
que cognitif.
Le sujet de ce mémoire de recherche consiste donc
à appréhender le développement social de l'enfant au
travers de l'interaction entre deux notions distinctes dans la
littérature que sont la théorie de l'esprit et le conflit
socio-cognitif.
La théorie de l'esprit a été
définie par Jean-François Dortier (2006, p. 90) comme la
capacité d'attribuer à autrui des états mentaux, tels que
des intentions, des croyances, des désirs ou des représentations
mentales.
Le conflit socio-cognitif est défini par Doise, Mugny
et Perret-Clermont comme une « situation d'interaction sociale
faisant coexister en même temps deux centrations opposées, mettant
l'enfant dans un conflit de nature tant sociale que cognitive (...) et dont la
résolution consiste à intégrer partiellement ou totalement
la centration opposée (...) pour permettre le développement vers
un équilibre supérieur » (p. 42,
1997).
Dans notre questionnement, le lien entre ces deux notions
s'est donc avéré central et plusieurs interrogations ont
orienté notre travail. D'une part, comme les compétences en
théorie de l'esprit facilitent la coordination des points de vue, les
enfants ayant les meilleures compétences dans ce domaine auront-ils
davantage de facilité à résoudre le problème
à deux ? D'autre part, étant donné que le conflit
socio-cognitif incite les enfants à coordonner leurs divers points de
vue, et parfois à attribuer des fausses croyances à autrui, il
faudra se demander si leurs compétences en théorie de l'esprit
ont évolué après avoir vécu une telle situation.
L'approche théorique constituera la première
partie de notre travail. Dans un premier temps, nous donnerons du sens au
développement socio-cognitif en l'intégrant dans l'environnement
social et en insistant sur le rôle de ce dernier. La partie suivante
présentera les principaux fondements théoriques sur lesquels
s'appuie ce mémoire. Nous passerons en revue la théorie de
l'esprit, en identifiant les différents pré-requis et facteurs
favorisant son développement, comme le rôle des relations
précoces. Il s'agira de montrer combien certaines compétences
semblent nécessaires à l'apparition de compétences plus
complexes, telles que la théorie de l'esprit. De la même
manière, nous présenterons les multiples situations
d'apprentissage entre pairs pour développer ensuite la situation plus
spécifique du conflit socio-cognitif.
Afin de tenter d'apporter une réponse aux
questionnements sur le lien entre ces deux notions, nous avons utilisé
comme méthode (seconde partie) une situation de résolution de
problème, le tangram, en dyade avec pré-test, test et post test.
Cette situation a été analysée à partir des
dialogues (verbes mentaux, oppositions) et du temps de résolution. Nous
présenterons et discuterons ensuite les résultats obtenus
(troisième partie).
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