SECTION 2 : LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC MARITIME CONTRE
LA POLLUTION
La pollution est définie comme étant «
l'introduction directe ou indirecte par l'homme de substances ou
d'énergies dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu'elle a
ou peut avoir des effets nuisibles, tels que les dommages aux ressources
biologiques et à la faune et à la flore marines, risques pour la
santé de l'homme, entraves aux activités maritimes...
altération de la qualité de l'eau de la mer du point de vue de
son utilisation... »23.
Cette pollution se trouve par ailleurs aggravée par la
situation de la Tunisie dans le cadre de la Méditerranée, mer
semi-fermée et peu profonde, où le renouvellement des eaux est
long24.
Les origines de la pollution des eaux de mer et des rivages
sont multiples (§1) ce qui nécessite l'action d'intervenants divers
pour lutter contre ce phénomène et en limiter les effets
(§2).
23 Attar Z. : « Le cadre juridique des pêches
maritimes en Tunisie », Mémoire D.E.A de droit public, FDSPT, Tunis
1989, p. 111 et 112.
24 Ravenel B. : « Méditerranée : Le Nord
contre le Sud », Paris, Harmattan 1992. Exemple : 55% des eaux
usées de 120 villes du littoral sont rejetées dans la mer sans
traitement préalable.
§1- ORIGINES DE LA POLLUTION MARINE
La pollution provient ou bien de déversements à
partir de la terre de déchets industriels et urbains (origine
tellurique), Cette pollution résulte pour la plupart de comportements
assez communs dont le déversement des déchets ménagers et
industriels sur le rivage25, le rejet des eaux usées dans la
mer, surtout que la plupart des réseaux d'assainissement dans les villes
côtières sont reliés à la mer, des études ont
même démontré que 200 milles tonnes de matières
chimiques utilisées comme détergents ménagers sont
rejetées dans la mer Méditerranée chaque
année26.
Elle provient aussi de déversements des résidus
de carburants ou d'eaux usées par les navires27 (origine
pélagique ou par émersion)28.
Ce phénomène prend, depuis quelques
années, des proportions inquiétantes sur les côtes
tunisiennes surtout celles des grandes villes portuaires, en raison des
déversements de déchets et de résidus industriels.
25 Les déchets présents sur le littoral n'ont pas
tous été déposés sur place, certains viennent de
loin, les principales familles en sont :
- Les abandons sur le littoral par les usagers, Les
déchets ainsi abandonnés sont principalement : des restes de
pique- niques (papiers gras, emballages alimentaires, restes d'aliments, etc.)
; des bouteilles en verre ou en matière plastique, des canettes en
métal ; des mégots et des paquets de cigarettes ; des journaux,
des crèmes solaires, des vêtements, etc....
- Les ports
- Les décharges
- Les activités domestiques, agricoles et industrielles
- Les navires de passage
- La pêche, la conchyliculture et la plaisance
- Les déchets d'origine naturelle.
26 Truchot, C. : « la pollution du littoral » in mer et
littoral : couple à risques, Colloque organisé par le
Ministère de l'environnement français, Biarritz, septembre 1987,
La documentation française p. 23 à 48.
27 La gestion des déchets ménagers sur
l'ensemble des navires est régie par l'annexe V de la Convention de
Londres du 22 novembre 1973 (convention "MARPOL"). La règle 3 de cette
annexe stipule que hors des zones spéciales où tout rejet est
interdit :
"l'évacuation dans la mer de tous les objets en
matière plastique, y compris notamment les cordages et les filets de
pêche en fibre synthétique ainsi que les sacs à ordures en
matière plastique est interdite ;
l'évacuation dans la mer des ordures suivantes se fait
aussi loin que possible de la terre la plus proche ; elle est interdite en tous
cas si la terre la plus proche est à moins :
- de 25 milles marins, en ce qui concerne le fardage et les
matériaux de revêtement et d'emballage qui flotteraient ;
- de 12 milles marins, en ce qui concerne les déchets
alimentaires et toutes les autres ordures, y compris les papiers, les chiffons,
les objets en verre, les objets métalliques, les bouteilles, les
ustensiles de cuisine et les rebuts de même nature.
Lorsque les ordures sont mêlées à d'autres
rebuts dont l'évacuation ou le rejet sont soumis à des
dispositions différentes, les dispositions les plus rigoureuses sont
applicables."
Il est difficile de déterminer parmi les échouages
la part des déchets provenant des navires : ceux produits à bord
sont du même type que ceux produits à terre par les
ménages.
28 Jenayeh R. : « la pollution des mers par les tankers et
le droit international », mémoire DESS de droit public, FDSPT,
1974, CERP de Tunis.
Toutes ces pratiques ont une influence très
néfaste sur l'écosystème marin, avec l'apparition d'algues
et de végétation marine polluées, ce qui contribue
à la diminution des réserves en poissons ou à l'apparition
de maladies dues à l'augmentation du taux de microbes par litre d'eau et
à l'augmentation du taux de salinité de l'eau de la
Méditerranée29, ce qui représente une menace
pour l'existence de certaines espèces marines à long terme.
Aujourd'hui en Tunisie, l'exemple le plus marquant des effets
de la pollution est celui du Golfe de Gabès, qui suite à la
pollution intensive, a vu la dégradation de ces prairies de posidonie,
et la chute de sa production de la pêche et l'élévation de
la teneur des poissons en matières toxiques, présentant un
sérieux risque pour la santé30.
Le même constat peut être fait pour les
côtes des autres villes : lac de Bizerte, le golfe de Tunis, côte
de Mahdia... 31
Le transport maritime représente quant à lui une
activité tout aussi polluante de l'environnement marin côtier et
un danger qui le guette tout à la fois.
En effet, les navires de transport maritime rejettent au large
plusieurs matières très polluantes sans aucun contrôle,
dont le produit des vidanges de leurs machines comme des huiles et des
hydrocarbures usés, en plus des excédents de marchandises
jetés à la mer en cas de tempête, ou des produits
radioactifs qui peuvent être enfouis au fond de la mer, sans parler du
risque que fait encourir le passage devant nos côtes de navires
militaires ou de commerce chargés de centaines de milliers de tonnes de
produits dangereux et très polluants et même radioactifs avec le
risque d'accidents probables conséquents à cette activité
intense et non contrôlée.
Les plages tunisiennes accueillent quant à elles chaque
année des millions de vacanciers avec une utilisation excessive qui nuit
à leur environnement.
29 Travaux préparatoires de la convention de Barcelone
relative à la protection de la Méditerranée contre la
pollution, 26 mai 1976, ratifiée par la loi n°77-29 du 25 mai
1977.
30 Hayder A. : « L'industrialisation à Gabès
et ses conséquences », Pub. De l'université de Tunis, 1986.
Chaffai-Hamza : « Etude de la bio accumulation métallique et des
métallo-thionèmes chez des poissons de la côte de Sfax
», ENIS 1993 (thèse de doctorat de spécialité).
31 Attar Z., op.cit. p. 114.
Gueddari M. : « Dynamique du littoral du golfe de Tunis
», laboratoire de géochimie et de géologie de
l'environnement, Faculté de sciences de tunis.
La présence prés des côtes de plusieurs
entreprises industrielles très polluantes comme c'est le cas surtout
à Mahdia32, Sfax et Gabès, qui rejettent leurs
déchets polluants et très toxiques sur le rivage et dans la mer
contribue pleinement à la détérioration de l'environnement
marin et de l'environnement en général et est même
très nuisible à la santé des habitants.
Il y a donc urgence en la matière et il est primordial
de lutter contre ces formes de pollution.
|