§2- LES MOYENS DE LUTTE CONTRE L'EROSION
Plusieurs voix se sont élevées depuis le
début des années quatre-vingt pour demander
l'établissement d'un plan national de lutte contre l'érosion que
subissent les côtes tunisiennes, ce qui a poussé les pouvoirs
publics à entreprendre quelques actions qui visaient à en
réduire les dégâts.
En effet, le besoin d'avoir une gestion intégrée
des plages était devenu de plus en plus pressant (infrastructures et
équipements, entretien et hygiène, nettoyage et collecte des
déchets), conciliant les contraintes environnementales et les
activités économiques et humaines, devant les multiples menaces,
les convoitises et les agressions diverses dont ces espaces sont l'objet.
Comment limiter la vulnérabilité des plages
vis-à-vis de l'érosion, assurer un contrôle efficace et
préserver la qualité des eaux de baignade? Tels sont certains des
défis qui se posent aux gestionnaires de ces espaces
récréatifs et de ce patrimoine naturel.
Divers types de solutions existent pour lutter contre
l'érosion marine. Les moyens techniques ont eu, de longue date, la
préférence des hommes. Les ouvrages de défense (digues,
enrochements, épis et brise-lames) sont généralement
efficaces, mais perturbent l'équilibre morpho dynamique des littoraux.
D'autres méthodes, comme le rechargement des plages en sédiments,
sont possibles.
En effet, il y a eu des essais de
régénération de quelques plages dégradées
par l'utilisation de techniques appropriées et en particulier celles
dites "douces" : rechargement artificiel de la plage, reconstitution du cordon
dunaire,...
Parmi les recommandations de l'UNESCO au séminaire de
Mahdia de juin 199920, celle du professeur Roland Paskoff, qui avait
préconisé la reconstitution du bourrelet dunaire littoral dans le
secteur des plages publiques où il avait été
profondément dégradé par une fréquentation
anarchique du bord de mer. Cette restauration s'imposait à un double
titre : d'abord, parce que le bourrelet dunaire constitue une réserve en
sable, indispensable à l'équilibre sédimentaire de la
plage; ensuite, parce qu'il empêche le sable d'envahir intempestivement
l'avenue qui longe la côte.
Des travaux de réhabilitation de ce bourrelet dunaire
ont été entrepris le 10 novembre 2000 sur une linéaire de
650 m. Ces travaux ont été réalisés par l'Agence
pour l'Aménagement et la Protection du Littoral (APAL) avec l'assistance
technique d'un organisme d'Etat français, l'Entente
Interdépartementale pour la Démoustication (EID), organisme
basé à Montpellier, qui a en charge des problèmes de
gestion du littoral Méditerranéen et en particulier celui de
l'entretien des dunes.
L'opération a été à l'origine d'un
transfert de technologie puisque les deux ingénieurs et le chef de
chantier venus de France ont profité de l'occasion pour former des
praticiens tunisiens.
Certaines méthodes utilisées sont cependant
inappropriées, en effet, si l'on continue à tenter de
résoudre le recul des côtes par le recours aux murs de
béton, on aura un mur gigantesque le long du littoral.
20 Développement urbain et ressources en eau dans les
petites villes côtières historiques, Colloque, Mahdia, juin
1999.
Cette méthode a un autre effet secondaire, bien connu
des géomorphologues: Si l'on "protège" une côte rocheuse,
on annule brutalement le renouvellement du sable qui était le produit de
l'érosion. Or ce sable, surtout dans le contexte actuel
d'épuisement du stock sédimentaire et de relèvement du
niveau de la mer (1,2 à 1,5mm par an), constitue justement un capital
à valoriser et non à gaspiller, surtout pour les régions
touristiques dont il constitue la principale richesse.
Il est important aussi de maîtriser l'impact des grands
ouvrages sur l'équilibre du littoral.
D'un autre côté la richesse écologique des
côtes tunisiennes a intéressé les organisations
internationales qui ont oeuvré à leur tour à sa protection
et à sa préservation par certaines mesures dont le classement du
site du lac « Ichkeul » comme patrimoine commun de l'humanité
en plus des efforts de protection des espèces vivantes dans l'île
de Zembra.
Mais ces efforts ont eu un effet très relatif, car
malgré la création du ministère de l'Environnement et de
l'Aménagement du Territoire et de L'Agence Nationale pour la Protection
du Littoral (APAL)21, les dégradations que subit le domaine
public maritime n'ont pas cessé pour autant.
Malgré les études conduites en ce domaine, qui
ont abouti à plusieurs mesures tendant à limiter les effets de
l'érosion, dont la plus importante est la création d'une zone
non-constructible le long du littoral22, il est regrettable de voir
que ces mesures sont la plupart du temps ignorées et non
respectées par l'administration elle-même et aussi par les
particuliers surtout dans les régions côtières non-
touristiques où l'on constate de nouvelles constructions
élevées pratiquement dans l'eau.
21 Créée en 1995, suite aux recommandations de
la conférence Med21, et qui a pour missions de protéger et
d'améliorer l'utilisation ainsi que l'organisation de l'espace littoral
et d'empêcher les abus pouvant nuire à l'environnement
côtier en particulier dans le domaine public maritime, ainsi que de mener
des études sur la réhabilitation et la protection des zones
sensibles et humides.
22 Cette bande est d'une largeur variant entre 25 et 100
mètres selon l'existence ou non d'un plan d'aménagement dans la
zone concernée, avec la possibilité d'élargir cette
surface dans les zones menacées par l'érosion et chaque fois que
les nécessités écologiques l'imposent.
En outre, les dépassements sont toujours
présents malgré le renforcement du système des permis
administratifs pour toutes les activités qui nécessitent
l'extraction de matières premières des plages dont le sable et
leur soumission si nécessaire à des études d'impact sur
l'environnement côtier avant la délivrance du permis et
malgré le renforcement du contrôle postérieur sur son
bénéficiaire, avec pour objectif la limitation du
phénomène de l'érosion ou du moins la maîtrise de
ses effets.
Il faut aussi signaler que l'état des côtes dans
certaines régions nécessite des mesures urgentes en raison la
détérioration de leur écosystème, surtout dans les
zones à forte activité touristique telles que Nabeul, Hammamet,
Sousse, Monastir et surtout Jerba et aussi dans les régions
industrielles comme Sfax et Gabès, où ils faudrait entreprendre
des actions pour arrêter ou du moins limiter le rejet des eaux
usées et polluées dans la mer et des actions de
réaménagement de certaines zones en tenant compte de
l'environnement et des actions de classement de certaines autres zones comme
parties du domaine public maritime.
L'érosion n'est pas le seul mal qui ronge les
composantes du domaine public maritime, un problème encore plus
important les concerne, c'est la pollution marine
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