SECTION II : L'ENTRETIEN DU DOMAINE PUBLIC MARITIME
Le domaine public maritime étant très vaste il est
difficile qu'une seule autorité soit chargée de le
gérer.
C'est pour cela que la gestion des différentes
dépendances du domaine public maritime est éparpillée,
hétérogène et confiée à plusieurs structures
et organismes à statut variable.
Le domaine public maritime n'en devient que
plus vulnérable, et nécessite encore plus de protection.
Cependant, une gestion partagée si elle venait à
être mieux organisée, pourrait lui assurer une meilleure
protection et un meilleur contrôle de l'utilisation de ces biens.
Le domaine public maritime artificiel est géré
par des organismes sous formes d'établissements publics dotés de
la personnalité civile et de l'autonomie financière, ayant le
caractère d'un E.P.I.C (l'O.P.N.T pour les ports de commerce ; l'A.P.I.P
pour les ports de pêches) à l'exception des ports de plaisance qui
relèvent de la tutelle du M.E.H.
Les dépendances du domaine public maritime
naturel91 sont ou bien gérées par l'Etat
lui-même, ou par les conseils régionaux ou les communes pour les
dépendances qu'il est possible d'exploiter sur le plan régional
ou communal.
Cependant, la gestion est différente de l'entretien et
c'est l'article 27 de la loi n°95-73, qui définit le titulaire de
cette obligation.
C'est donc l'administration qui doit entreprendre « . .Les
travaux de protection, d'entretien et d'aménagement.. ».
L'obligation qui pèse sur l'administration dans cet
article a une nature et un contenu spécial (§1) et pose la question
de la charge de son exécution (§2).
91 Loi n°95-73 du 24 juillet 1995, relative au domaine
public maritime, art. 2 et 3.
§1- CONTENU DE L'OBLIGATION D'ENTRETIEN
L'administration doit conserver aux biens du domaine public la
destination qu'ils ont reçue et cela en procédant aux travaux
d'entretien nécessaires.
Cette obligation d'entretien protège toutes les
dépendances du domaine public et s'applique à celles qui
constituent des ouvrages publics, c'est-à-dire aux biens immobiliers qui
ont fait l'objet d'aménagements particuliers en vue de leur utilisation
par le public92.
L'administration est également tenue d'entretenir les
autres dépendances du domaine public qui n'ont reçu aucun
aménagement spécial, comme les dépendances du domaine
public maritime telles que les rivages de la mer (en ce sens qu'une plage non
aménagée ne constitue pas un ouvrage public).93
Cependant, l'administration est parfois exonérée
de toute obligation d'entretien.
C'est le cas pour les ouvrages du domaine public qui
intéressent la défense contre les eaux, l'Etat n'étant pas
tenu d'assurer la protection des propriétés riveraines de la mer
ou des cours d'eaux contre l'action naturelle des eaux94.
En droit tunisien, l'art 27 de la loi n° 95-73 pose une
obligation d'entretien du domaine public maritime contre toute forme
d'empiètement ou de dégradation :
« Le ministère chargé de l'Equipement,
entreprend par lui- même ou fait entreprendre sous son contrôle,
les travaux de protection, d'entretien et d'aménagement
programmés et ce, en collaboration avec le ministère
chargé de l'Environnement, les collectivités locales ou avec les
personnes physiques ou morales autorisées à utiliser le domaine
public maritime, ou avec ceux qui ont réalisé conformément
à la législation et à la réglementation en vigueur,
des ouvrages avant la promulgation de la présente loi ».
92 Dufau J. : « Le domaine public », t.II, 4éme
édition, p. 64.
93 CE 5 avril 1974, Allier, Recueil Lebon p.232.
94 Le Notre J.P. : « La défense des
propriétés riveraines de la mer contre l'érosion »,
Droit, littoral et mer, 1982, n°4 p. 9.
Eu égard aux spécificités de l'espace,
objet de l'entretien, son étendue et les moyens dont dispose
l'administration, celle ci devant disposer de moyens énormes pour mener
à bien cette tache, ce qui n'est pas très évident, si l'on
considère les moyens modestes dont elle dispose.
En effet, l'administration ne peut objectivement effectuer une
surveillance permanente sur toutes les dépendances du domaine public
maritime.
Il est inconcevable qu'elle établisse par exemple des
clôtures sur toutes les plages pour les protéger et les
entretenir, cela étant contraire au principe de l'affectation à
l'usage du public et au principe du libre accès aux plages.
En outre, l'administration ne peut contrôler tous les
actes nuisibles au domaine public maritime. Cela étant
matériellement impossible, elle peut seulement effectuer un
contrôle périodique.
En plus, on ne peut évoquer le manque d'entretien pour
invoquer la responsabilité de l'Etat en ce qui concerne les
dégâts causés par la nature et on ne peut donc sur cette
base exiger de celui-ci de protéger les biens du domaine public maritime
adjacents à la mer.
Dans le droit français, cette obligation est
imposée sur les propriétaires riverains depuis fort longtemps par
le biais des articles 33 et 34 de la loi du 16-09-1807, position qui a
été adoptée par la Jurisprudence
française95.
En contrepartie, la responsabilité de l'Etat pourrait
être invoquée si les dommages subis par les biens des
propriétaires riverains résultent des travaux d'entretien, comme
dans le cas où les eaux envahiraient un immeuble privé
après avoir été détournées suite à
ces travaux.
L'entreprise d'entretien du domaine public maritime doit faire
partie d'une politique globale de protection du littoral de la pression urbaine
et de la pollution maritime et de préservation de son environnement et
de sauvegarde de son écosystème.
Ces opérations d'entretien pourraient s'effectuer sous
la forme d'opérations d'assainissement des plages et de lutte contre les
atteintes qui peuvent la toucher pour faciliter son utilisation collective
suivant son affectation.
95 CE 17 mai 1946, Recueil Lebon, p.146.
Ces opérations ne sont cependant pas effectuées
par un seul intervenant, le législateur tunisien ayant chargé
plusieurs parties de l'obligation d'entretenir le domaine public maritime.
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