§2- LIMITES DE L'INALIENABILITE ET DE
L'IMPRESCRIPTIBILITE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME
L'application des principes d'inaliénabilité et
d'imprescriptibilité ne soulève pas de
problèmes particuliers, sauf le fait qu'ils ne sont pas totalement
absolus puisqu'il est permis à l'administration d'aliéner les
biens du domaine public maritime si elle annule préalablement leur
affectation ou les déclasse86 selon une position commune de
la Jurisprudence tunisienne87 et comparée88 et de
quelques lois89.
Mais, cette position de la Jurisprudence mérite des
éclaircissements, car la désaffectation, les changements
d'affectation et les déclassements sont relatifs dans la plupart des cas
aux parties artificielles du domaine public maritime sans les parties
naturelles.
Il est difficile en fait d'imaginer le déclassement du
littoral du domaine public maritime pour l'intégrer au domaine
privé de l'Etat ou le vendre aux tiers, comme il est difficile
d'imaginer le changement d'affectation des eaux territoriales ou de la zone de
pêche exclusive pour des raisons différentes de celles pour
lesquelles elles ont été initialement établies.
Cette exception apparaît donc comme une limite relative
à ces deux principes dans le droit tunisien.
86 En effet, lorsqu'une dépendance du domaine public
n'est plus utile à l'usage du public ou du service public ou ne
correspond plus à la nature qui a justifié son caractère
public, elle peut être selon des circonstances et procédures
particulières déclassée (C'est à dire sortir du
domaine public pour être classé dans le domaine dit " privé
" de l'Etat. L'Etat dispose d'une grande latitude de gestion pour son domaine "
privé " et peut notamment procéder à des
aliénations. Une telle pratique se rencontre surtout sur le domaine
public maritime artificiel, en accompagnement les mutations des ports qui
s'étendent sur les nouveaux espaces et génèrent parfois
des espaces "délaissés".
87 Arrêt du Tribunal administratif, n°994 du 18
février 1985.
88 C.E, 13 octobre 1967, RDP, 1968, p.887.
89 V. article 122 de la loi n° 75-33 portant loi organique
des communes.
Dans le droit français par contre, et depuis la loi du
25-7-1994 portant réforme du Code du Domaine de l'Etat90, les
concessions d'occupation du domaine public sont constitutives de droits
réels.
En effet, une telle utilisation du domaine est avant tout
économique et commerciale et les règles de gestion doivent viser
à la meilleure utilisation économique du domaine ainsi
aménagé.
Ce qui peut justifier d'importantes occupations privatives
s'accompagnant d'un régime de redevance lié à
l'activité apportée, la reconnaissance des " droits réels
" à l'occupant depuis la loi de juillet 1994, et même de la
fermeture d'une partie du domaine au public.
Ces principes fondamentaux que sont
l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité qui interdisent
les démembrements de la propriété du domaine public
maritime, sont indispensables pour la protection du domaine public en
général et du domaine public maritime en particulier.
Toutefois, elles ne sont que relatives et peuvent facilement
être détournées par la règle de la
désaffectation.
Ces règles ne sont donc pas absolues et ne permettent
pas une protection efficace sur un plan préventif, car cette protection
préventive du domaine public maritime doit être
complétée par l'entretien du domaine public maritime, obligation
qui pèse sur l'administration.
90 J.O.R.F, du 26 juillet 1994, p. 10749.
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