II- L'EVOLUTION DES MECANISMES DE FINANCEMENT DE
L'UDEAC A LA CEMAC.
La création de l'UDEAC en 1964 s'est
accompagnée de la mise sur pied des mécanismes destinés
à son financement, contenus dans le Traité de Brazzaville du 08
décembre 1964 et ses textes subséquents ainsi que dans les
statuts de la Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale
(BDEAC). L'évolution au niveau de ces mécanismes de financement
du passage de l'UDEAC à la CEMAC s'est ressentie d'abord au niveau des
ressources et des conditions de création des ressources, ensuite au
niveau de la procédure de financement et le mécanisme de
recouvrement, et enfin au niveau de la gestion budgétaire.
Au niveau des ressources, il faut noter que l'UDEAC disposait
de trois catégories de ressources :
· Les contributions des Etats membres par le biais des
paiements directs des trésors nationaux. Il s'agit des contributions
à parts égales qui constituent plus de 90% des ressources
destinées au financement du fonctionnement des institutions et organes
de l'organisation.
· Les subventions et aides extérieures
- Les ressources provenant des prestations de certains
organes de la Communauté.
La CEMAC a conservé ces acquis de l'UDEAC. Bien
qu'elle affirme être dotée des ressources propres, elle a d'abord
renforcé les modes de paiement des contributions des Etats membres.
C'est ainsi que dans un premier temps, les parties signataires du Traité
de la CEMAC ont, en dehors du paiement direct par les Trésors des Etats
membres, ajouté les produits des droits de douane institués
à cet effet par la Communauté, les produits des droits d'accises
ou autres taxes indirectes, les prélèvements sur la part revenant
à chaque Etat sur le bénéfice distribué par le
BEAC. Ensuite la Conférence des chefs d'Etat a institué un
mécanisme de financement autonome basé sur une taxe ou
prélèvement communautaire d'intégration(TCI/P). Ainsi avec
l'évolution, on est passé des contributions des Etats
basées sur le paiement direct par les Trésors nationaux aux
contributions des Etats basés principalement sur la TCI/P et
alternativement sur les autres modes de paiement des contributions de l'article
29 de l'Additif au Traité instituant la CEMAC. De plus l'affirmation
à l'article 28 de l'Additif d'un financement par des ressources propres,
traduit la volonté de la CEMAC d'avancer dans le processus de
l'intégration régionale, volonté qui se matérialise
déjà depuis l'institution du mécanisme de financement
autonome basé sur la TCI/P susmentionnée.
En ce qui concerne les conditions de création des
ressources, il faut dire que les ressources propres étant des moyens
pécuniaires qui garantissent le financement autonome de la
Communauté - dès lors qu'elles sont mises automatiquement
à la disposition de la Communautés sans possibilité pour
les Etats membres de s'y opposer -, il faut que leur création se fasse
dans des conditions qui empêchent toute opposition future des Etats
membres. Cela est tellement vrai que la substitution des ressources propres aux
contributions des Etats membres dans le cadre de l'Union européenne
s'est heurtée à la résistance de ceux-ci dont la crise
provoquée par la France en 1965 n'avait été qu'une
illustration. De toute manière, elle suppose un certain degré
d'achèvement de la construction communautaire, non seulement dans le
domaine douanier mais aussi dans d'autres domaines sensibles et la mise sur
pied des mécanismes modérateurs transitoires destinés
à éviter des variations brutales dans les reversements des Etats
membres. Dans la CEMAC, la ressource qui s'apparente à une ressource
propre est la TCI/P créée postérieurement aux ressources
de l'article 29 de l'Additif et qui garantit le financement autonome de la
Communauté. Nous nous attarderons sur l'organe compétent pour
créer les ressources, ainsi que la nature de la `'décision''
instituant les ressources .
Concernant l'organe compétent
dans la création des ressources propres dans la CEMAC, il faut noter que
le mécanisme de financement autonome de la Communauté basé
sur la TCI/P a été crée par un Acte Additionnel de la
Conférence des chefs d'Etat de la CEMAC en date du 14 Décembre
2000. Ce qui signifie que la création des ressources propres est de la
compétence de la Conférence des chefs d'Etat. La
Conférence des Chefs d'Etat de la CEMAC est en effet l'instance
suprême de la Communauté qui exerce une compétence
générale sur tous les aspects de la vie communautaire dès
lors qu'elle détermine la politique de la Communauté et oriente
l'action du Conseil des Ministres de l'UEAC et du Comité
Ministériel de l'UMAC. Elle constate l'état d'avancement du
processus d'intégration et décide des actions à
entreprendre en vu de l'achèvement du programme d'intégration.
C'est sans doute à cet effet qu'elle a adopté l'Acte Additionnel
instituant le mécanisme de financement excluant ainsi la
compétence du Conseil des Ministres dont la compétence en
matière financière demeure «d'arrêter à
l'unanimité et sur proposition du Secrétaire Exécutif
après consultation de la Chambre des Comptes, les Règlements
Financiers spécifiant notamment les modalités
d'élaboration et d'exécution du budget ainsi que les conditions
de reddition et de vérification des comptes ». La
compétence du Conseil des Ministres se limiterait donc à la
définition des Règlements Financiers devant régir
l'élaboration et l'exécution du budget alors que la
création des ressources serait de la Conférence des Chefs
d'Etats.
L'adoption des ressources par la Conférences
des Chefs d'Etat se fait sans procédure particulière ; Elle
est juste précédée d'une proposition du Secrétaire
Exécutif. Ceci se distingue de la procédure de création
des ressources propres dans le cadre de l'Union européenne.
En effet dans l'Union européenne,
l'organe compétent pour créer les ressources propres est le
Conseil de l'Union européenne. La procédure d'adoption des
ressources ici est de nature à faciliter l'application de la
décision instituant la ressource propre. L'alinéa 2 de l'article
201 du Traité sur l'Union européenne ( signé à
Maastricht le 7 février 1992 ) dispose : « le Conseil
statuant à l'humanité sur proposition de la Commission et
après consultation Parlement européen, arrête les
dispositions relatives au système des ressources propres de la
Communauté dont il recommande l'adoption par les Etats membres
conformément à leurs règles constitutionnelles
respectives. » La procédure comporte donc deux phases,
l'adoption par le Conseil et l'adoption par les Etats membres. L'adoption par
le Conseil se fait donc sur proposition de la Commission et après
consultation du Parlement européen. L'adoption par les Etats membres
est une procédure d'une particulière solennité qui
traduit l'importance de la décision et de la volonté d'associer
les parlements nationaux qui ont traditionnellement le pouvoir de voter
l'impôt, aux décisions sur les ressources propres de l'Union. Il
est donc regrettable compte tenu de l'importance de la décision sur les
ressources propres que cette procédure associant les ·Parlements
nationaux ne soient pas respectée dans le cadre de la CEMAC lors de
l'adoption des décisions sur les ressources propres.
Dans le cadre de l'UEMOA, le Traité
modifié de Janvier 2003 prévoit que les projets d'Actes relatifs
aux ressources sont adoptés après consultation du Parlement
communautaire.
Au-delà de la procédure d'adoption
des ressources faisant intervenir le ou les organes compétents, il
convient aussi de s'interroger sur le mode de prise de décision de
l'organe compétent pour créer les ressources dans la mesure ou le
mode de prise d'une décision peut déterminer l'efficacité
de cette décision. Ainsi dans la CEMAC ou la Conférence des chefs
d `Etat est compétente pour la création des ressources
propre, la décision se fera par consensus qui est le mode de prise de
décision de la Conférence des Chefs d'Etat. Alors que le Conseil
de l'Union européenne statue sur ce point à l'unanimité.
Le consensus consiste à conclure une délibération sans
recourir à un vote, tout simplement par la constatation faite qu'aucune
opposition ne se manifeste sur une proposition présentée alors
qu'en ce qui concerne l'unanimité, tous les Etats membres doivent voter
positivement, chaque Etat ayant un droit de veto. Le consensus facilite la
prise des décisions mais facilite-il aussi l'application des
décisions, a fortiori des décisions aussi importantes comme
celles créant les ressources propres ?
Pour ce qui est de la nature de la
décision instituant les ressources propres, notons tout d'abord que la
nature de la décision détermine l'efficacité dans
l'application. Ainsi contrairement aux Recommandation et Avis qui ne lient pas,
les décisions, les Directives, les Règlements et les Actes
Additionnels sont obligatoires ou lient les Etats membres quant au objectifs
à atteindre. Le mécanisme de financement autonome de la CEMAC
basé sur la TCI/P est institué par un Acte Additionnel de la
Conférence des Chefs d'Etats. Aux termes de l'article 21 de l'Additif au
Traité, «les Actes additionnels sont annexés au
Traité de la CEMAC et complètent celui-ci sans le modifier. Leur
respect s'impose aux institutions de la Communauté ainsi qu'aux
autorités des Etats membres. »Il s'agit d `une
décision qui s'impose aux Etats membres. La nature de la décision
instituant la ressource propre est donc de nature à garantir son
application au niveau des Etats membres.
En somme et pour ce qui est des conditions d'adoption de la
décision sur les ressources propres, il faut dire que la
procédure et le mode de prise de décision semblent ne pas
faciliter la mise en oeuvre de la ressource propre même si la nature de
la décision répond au souci de faciliter l'application au niveau
des Etats membres.
En ce qui concerne la procédure de financement, il faut
dire que l'UDEAC a mis sur pied des mécanismes de financement du budget
de fonctionnement des institutions et organes de la Communauté d'une
part et d'autre part des mécanismes de financement des projets
intégrateurs et du financement compensatoire. Le budget de
fonctionnement des institutions etait financé en majeure partie par les
contributions des Etats membres à travers leurs Trésors
nationaux ; le financement des projets intégrateurs était
à la charge de la BDEAC.
Le financement compensatoire etait rendu possible grâce
à l'existence du Fonds de solidarité, alimenté par les
contributions égalitaires des Etats côtiers qui étaient
supposés tirer avantage de leur situation géographique.
Avec la création de la CEMAC, le financement du budget
de fonctionnement demeure toujours du ressort des contributions des Etats
membres. Par contre le financement des projets intégrateurs et le
financement compensatoire sont désormais à la charge de
l'institution de financement du développement qui assure
désormais les attributions confiées jadis à la BDEAC et au
Fonds de solidarité qui a disparu. La BDEAC est désignée
en qualité d'Agent financier pour la gestion du Fonds de
Développement. Alimentées par une fraction de la TCI/P,
déduction faite des sommes affectées au budget de fonctionnement
des institutions et organes de la Communauté, et complétée
le cas échéant par les dons, legs et subventions, les ressources
du Fonds de Développement sont affectées au financement des
projets intégrateurs (Guichet1) et au financement compensatoire (Guichet
2) ainsi qu'il suit : Guichet 1 : 60% et Guichet 2 : 40%.
En ce qui concerne les mécanismes de recouvrement, il
faut souligner que l'UDEAC n'avait pas prévu des mécanismes de
recouvrement forcé. Il existait juste un mécanisme quasi
automatique de règlement des contributions par les Etats membres
régis par une convention avec chacun d'eux. La CEMAC a, pour garantir le
recouvrement de ses ressources, mis sur pied d'une part le mécanisme de
paiement forcé tels que prévus à l'article 31 de l'Additif
et d'autre part des sanctions de gravité croissante de l'article 32 du
même Additif.
L'évolution au niveau de la gestion des ressources est
également importante. En effet contrairement à l'UDEAC ou le
contrôle de l'exécution du budget est presque inexistant, les
parties signataires du Traité de la CEMAC ont mis sur pied des
institutions et des organes chargés du contrôle de
l'exécution du budget de la CEMAC notamment la Chambre des Comptes de la
Cour de Justice de la Communauté. Ainsi, on peut dire avec le Professeur
Maurice Kamto que l'idée selon laquelle un organe juridictionnel est
indispensable dans la panoplie institutionnelle des organisations
d'intégration régionale est largement reçu de nos jours.
Le passage de l'UDEAC à la CEMAC s'est donc
accompagné d'une rénovation des mécanismes de financement
et de gestion budgétaire. Mais que faut-il entendre par mécanisme
de financement et de gestion budgétaire ?
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