INTRODUCTION GENERALE
L'intégration se conçoit comme le processus par
lequel des Etats transfèrent leurs compétences à une
organisation internationale dotée de pouvoirs de décision et de
compétences supra-nationales ou supra-étatiques pour
réaliser un ensemble juridique cohérent. En Afrique comme partout
ailleurs, la création et le fonctionnement d'institutions
régionales devant oeuvrer pour l'intégration régionale des
Etats membres nécessitent la mobilisation de nombreux moyens notamment
financiers dont l'insuffisance ou l'absence peut inhiber
considérablement le processus d'intégration régionale ou
constituer un véritable obstacle au fonctionnement de l'institution
régionale. Comme le souligne le professeur P.F. Gonidec, les moyens
financiers conditionnent les capacités d'action des organisations et
«une organisation internationale, quelle qu'elle soit, ne peut produire
plus que ne lui permettent les moyens dont elle a été
dotée ». On ne peut donc concevoir un projet
d'intégration régionale ni envisager le fonctionnement d'une
institution régionale sans ressources financières. D'ailleurs
l'une des causes de dysfonctionnement des organisations internationales, c'est
l'insuffisance des moyens financiers. L'existence des ressources
financières et l'assurance d'une bonne gestion constituent la pierre
angulaire qui permet à l'institution régionale de fonctionner et
de réaliser ses objectifs ; ce qui rend l'intégration
régionale effective. L'intégration dans la sous région
Afrique centrale a longtemps souffert de l'insuffisance des ressources depuis
la création de l'UDEAC ; due au non paiement par les Etats membres
de leurs contributions au budget de l'institution, il nous semble judicieux de
nous attarder sur les obstacles à l'intégration en Afrique
centrale, l'évolution des mécanismes de financement et de gestion
budgétaire de l'UDEAC à la CEMAC, l'analyse du sujet et la
définition des termes clés, l'intérêt du sujet, la
problématique et les hypothèses de travail, la méthode et
les techniques de recherche utilisés.
I- GENERALITE SUR LES OBSTACLES A L'INTEGRATION ET AU
FINANCEMENT DANS LE SOUS REGION AFRIQUE
CENTRALE
Si les difficultés financières ont
freiné considérablement le processus d'intégration dans la
Sous-région, il existe toute fois à côté d' elles
d'autres obstacles qui ont contribué à les accentuer ou
constitué avec elles les causes de l'échec de l'UDEAC. C'est
pourquoi il convient de mettre en exergue les obstacles à
l'intégration dans la sous région qui sont d'ordre
économique, politique, juridique, institutionnel et matériel.
Les obstacles d'ordre économique sont
légion : on note la fragilité des économies due
à une dépendance accentuée vis-à-vis de
l'extérieur et à une marginalisation économique ;
l'existence des économies quasi identiques due d'une part à
l'absence de spécialisation, ce qui exclut toute
complémentarité entre les économies ;
l'étroitesse du marché due à une population faible (le
territoire de la CEMAC représente 10% de la superficie de l'Afrique avec
une population de 30 millions des 800 millions d'africains).
Constituent également des obstacles d'ordre
économique, certaines pratiques et stratégies des acteurs
économiques dans les échanges commerciaux en Afrique centrale
notamment le commerce informel qui se développe entre certains pays de
la sous région et les pays environnants (Cameroun - Nigeria). Il faut
cependant noter que le commerce informel à notre sens n'est pas en
lui-même un obstacle à l'intégration ; au contraire
s'il se développe c'est un signe qu'il y a contexte favorable aux
échanges économiques. Le procès très souvent fait
aux relations commerciales dites informelles est en effet sans fondement et ne
répond qu'à une préoccupation fiscale. A ces obstacles il
faut ajouter la responsabilité des facteurs internationaux notamment les
plans d'ajustement structurel, les implications des marchés mondiaux des
produits de base, et le poids des contraintes internationales. Les
périodes de hausse de prix sur les marchés internationaux des
matières premières ont en effet permis à certains pays
producteurs de pétrole notamment d'obtenir d'importantes recettes
d'exportation et de s'engager dans des politiques de développement ou
l'action nationale a pris le pas sur l'intérêt régional.
Les obstacles d'ordre politiques sont également
importants. On note la volonté exacerbée des Etats membres de
conserver leur souveraineté, ce qui est à l'origine du respect
limité des décisions et engagements contractuels par les Etats
membres et des égoïsmes nationaux. La déclaration du
Président du Gabon à propos de la Libre
circulation des personnes dans la sous région est
édifiante : « Nous sommes partisans
du maintien des visas et des autorisations de
séjour... Si en plus des arrivées clandestines, nous ouvrons les
vannes, nous Gabonais, serons submergés ». Les crises de
leadership entre les chefs d'Etat de la sous région constituent
également un frein au processus d'intégration sous
régionale. A ces obstacles d'ordre politique,, il faut ajouter
l'insécurité politique de plus en plus fréquente dans la
sous région ; même si les bases d'une sécurité
sous régionale ont été jetées à l'instar du
projet de Conseil paix et sécurité reformé à
Malabo(COPAX).
En ce qui concerne les obstacles d'ordre juridique, on peut
relever le non-respect de la législation fiscalo douanière qui se
traduit par la multiplication des barrières douanières invisibles
et des taxes complémentaires, le rigorisme législatif interne qui
engendre des conflits entre les politiques économiques nationales et les
politiques communes. C'est le cas du non respect de la politique
douanière, de la non application de la politique fiscale commune, et de
la politique industrielle commune. Le problème de la
sécurité juridique qui suppose une double exigence, d'une part
l'existence d'une législation couvrant l'ensemble des activités
et d'autre part l'assurance d'une saine application par un juge
débarrassé de toute influence néfaste, connaît un
début de solution avec l'unification du droit des Affaires dans le cadre
de l'OHADA ; même s'il faut noter que l'application du droit OHADA
dans le cadre de la CEMAC ne constitue qu'une situation de fait. En effet ce
droit n'étant pas généré par la CEMAC, et le juge
communautaire ne pouvant intervenir pour son application, ne saurait être
considéré comme faisant partie de l'ordre juridique communautaire
CEMAC.
Les obstacles d'ordre institutionnel sont constitués
notamment par la coexistence de deux ensembles CEEAC et CEMAC dont les
objectifs sont concurrents.
En ce qui concerne les obstacles d'ordre matériels, il
faut relever l'absence d'infrastructures de communication ; et les
difficultés financières. Les Etats de la sous région ne
sont en effet pas toujours prêt à payer leurs contributions ou
accusent régulièrement des retards dans l'acquittement de leurs
cotisations ce qui paralyse le processus d'intégration.
A tout ceci, il faut ajouter le relatif respect des
critères de convergence ou de surveillance multilatérale par les
Etats membres quand on sait que le dispositif de surveillance
multilatérale institué en vue de renforcer la
compétitivité des activités économiques et
financières, d'assurer la convergence vers des performances soutenables
et la mise en cohérence des politiques budgétaires nationales
avec la politique monétaire commune, s'appuie sur des critères de
convergences dont le respect par les Etats membres de la CEMAC peut encourager
le paiement régulier de leurs contributions au budget de l'organisation
et favoriser ainsi le meilleur financement de la Communauté.
En somme, «l'absence de cohésion sociale, la
situation économique, l'instabilité politique [et les
difficultés financières] créent un environnement peu
favorable à une intégration poussée à court
terme ». Ainsi en créant l'UDEAC, l'ambition des chefs d'Etat
signataires était de constituer un vaste territoire douanier commun et
poser les jalons vers un marché commun de l'Afrique Centrale. Mais 30
ans après la création de cette institution, les chefs d'Etat de
l'UDEAC au cours d'un sommet de Libreville de 1991 constataient l'échec
de cette organisation. La mise sur pied de le CEMAC est, comme le souligne
Monsieur Joseph Djeukou, « l'aboutissement d'un processus de relance
de la construction communautaire amorcé à la suite des premiers
signes de la crise financière de l'UDEAC apparu vers la fin des
années 1980 ». La CEMAC qui s'est substituée à
l'UDEAC est donc porteuse de nombreux espoirs ce qui appelle une
rénovation de ses mécanismes de financement et de gestion
budgétaire, d'où l'examen de l'évolution des
mécanismes de financement et de gestion budgétaire de l'UDEAC
à la CEMAC.
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