5.2.2.
L'intelligence collective des fourmis
De par la grande diversité des
écosystèmes colonisés (des forets vierges aux
déserts), les fourmis offrent une grande diversité de
comportements et de morphologies [41]. L'étude précise de leur
comportement (l'éthologie) est souvent limitée aux espèces
les moins populeuses pour des raisons pratiques évidentes d'étude
en laboratoire. Cette diversité exubérante est une mine
d'inspiration fascinante pour les systèmes informatiques. C'est ainsi
que les capacités des fourmis en matière de coopération,
de communication, de compétition et d'apprentissage, entre autres,
peuvent être mises à profit pour la conception de robots ou
d'algorithmes de résolution de problèmes.
5.2.2.1. La communication
Les insectes sociaux en général, et les fourmis
en particulier, ont développé des mécanismes de
communication très élaborés [44] pour les
insectes sociaux pour les animaux en général). Il a
été défini douze types de réponse mettant en oeuvre
une forme de communication [45] :
1. L'alarme ;
2. L'attraction simple ;
3. Le recrutement (pour une source de nourriture ou un site de
nidification);
4. L'entretien et la mue ;
5. La trophallaxie (échange de liquides) ;
6. L'échange d'aliments solides ;
7. Les effets de groupe (augmentation ou inhibition d'une
activité) ;
8. La reconnaissance des apparentés ou de caste ;
9. La détermination de caste ;
10. La compétition pour la reproduction ;
11. Le marquage du territoire et du nid ;
12. La reproduction (différenciation du sexe, de
l'espèce, de la colonie...).
La communication chimique est de loin la plus présente
chez les fourmis. Les phéromones (mélange d'hydrocarbures) sont
`a la base de la communication de nombreuses espèces. La
chémoréception présente les avantages suivants :
La diversité des molécules pouvant intervenir
permet de fournir des informations qualitatives ;
La stabilité du signal pour une molécule peu
volatile permet d'assurer une certaine permanence.
Par contre, les principaux inconvénients de la
communication chimique sont les suivants :
Elle n'offre que peu d'informations sur la direction ;
Sa propagation est relativement lente et elle est peu
adaptée pour la transmission de messages urgents ou pour
l'intégration de deux stimulations successives sous une forme
temporelle.
Les ouvrières sont par exemple capables de
déposer des traces chimiques sur le trajet qu'elles empruntent pour
ramener de la nourriture. Au delà du fait que ce marquage leur permet de
retrouver leur chemin jusqu'à la fourmilière pour ce qui est du
retour et jusqu'à la source de nourriture pour ce qui est d'exploiter
une source abondante, cela leur permet de transmettre à leur
congénères l'emplacement de l'aubaine.
La communication chimique est aussi mise à l'oeuvre
pour déclencher des alarmes quand le nid est attaqué et ainsi
mobiliser un grand nombre d'individus pour défendre la
fourmilière.
Ces deux mécanismes font partie des comportements de
recrutement. De plus, plusieurs phéromones peuvent être
utilisées et avec des concentrations différentes, constituant
ainsi une sorte de langage chimique. Les principales manifestations du
recrutement sont la recherche de nourriture, la construction du nid, la
défense de la colonie et la migration vers de nouveaux sites de
nidification.
Bien que peu répandue, certaines espèces ont
développé une forme de communication acoustique soit en utilisant
un grattoir ou en utilisant les vibrations du sol. Les mouvements peuvent aussi
servir de canal de communication : certaines fourmis tisserandes se livrent `a
une sorte de danse pour recruter des ouvrières. On trouve aussi des
ouvrières qui transportent d'autres ouvrières pour leur indiquer
le nouvel emplacement du nid [19]. La communication tactile entre aussi en jeu
dans de nombreux rituels d'invitation et de recrutement. Enfin la communication
visuelle est assez difficile à mettre en évidence mais certaines
espèces semblent utiliser ce canal pour déclencher des mouvements
collectifs notamment lors de l'attaque de proies.
La communication entre les individus peut se faire directement
ou indirectement.
L'utilisation des phéromones est majoritairement une
forme indirecte puisque l'échange d'information se fait grâce au
support du sol. Quand deux individus interagissent indirectement en modifiant
l'environnement on parle de stigmergie. Ce terme a été introduit
par Grassé à propos des mécanismes collectifs de
construction du nid chez les termites.
Les différentes applications informatiques qui
découlent des capacités de communication des fourmis se
retrouvent par exemple en optimisation combinatoire ou la coopération
stigmergétique s'applique parfaitement à la recherche du plus
court chemin dans un graphe. Ces applications seront détaillées
dans le chapitre suivant.
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