SECTION 2 - LA RESPONSABILITE DE
L'ENFANT
La Convention Internationale des Droits de l'Enfant ne se
préoccupe pas de la responsabilité civile de l'enfant. Elle se
préoccupe plus de la responsabilité pénale. Le droit
français quant à lui pallie à cette lacune en
prévoyant une certaine forme de responsabilité civile de
l'enfant.
§ 1 - Les dommages
causés par l'enfant
Si la Convention Internationale des Droits de l'Enfant ignore
le dommage causé par l'enfant et sa responsabilité civile, le
droit français s'attache à rechercher comment le dommage peut
être réparé et la victime indemnisée.
Encore faut-il que l'enfant puisse être
considéré comme étant l'auteur du dommage, ce qui pose la
question de la nécessité du discernement.
§ 2 - De la
nécessité du discernement
Le droit français a évolué quant à
l'exigence d'un discernement chez l'enfant et cette évolution s'est
faite parallèlement à celle du fondement de la
responsabilité civile.
L'introduction par l'article 489-2 du code civil de la
responsabilité civile des personnes atteintes de troubles mentaux a
largement contribué à cette évolution. C'est
essentiellement à propos de l'infans (qui est un enfant en bas
âge, n'ayant pas encore atteint l'âge de raison dont le manque de
discernement ne lui permet pas de savoir s'il commet ou non une faute) que la
question a été posée.
Pendant très longtemps et même après
l'introduction de l'article 489-2 du code civil, la Cour de cassation a
considéré que l'infans ne pouvait commettre de faute puisqu'il
n'était pas capable de discerner le bien du mal (Civ.2, 28
février 1965).
Certains auteurs avaient critiqué cette jurisprudence
estimant que l'infans devait être assimilé aux personnes
visées par l'article 489-2 du code civil et devait par conséquent
être reconnu capable d'engager sa responsabilité civile.
C'est finalement en ce sens que s'est prononcée
l'assemblée plénière de la Cour de Cassation dans une
série d'arrêts du 9 mai 1984, fondés sur l'article 1382 du
code civil.
Dans l'arrêt DJOUAD, l'assemblée
plénière estime qu'il n'y a pas lieu de rechercher si l'enfant
(âgé de 9 ans) avait eu conscience du délit qu'il avait
commis (incendie d'un véhicule), dès lors qu'il avait commis
volontairement cet incendie, la faute était constituée au sens de
l'article 1382 du code civil.
L'arrêt DERGUINI (même jour) considère que
l'absence de discernement de l'enfant n'est pas de nature à
l'exonérer de sa responsabilité, sa faute résultant de
l'anormalité de son acte. La Cour de cassation confirme ici la position
prise dans l'arrêt DJOUAD : la cour d'appel «n'était pas
tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les
conséquences de tels actes ».
Enfin, l'arrêt FULLENWARTH (même jour) ne
considère même plus la question de discernement mais se borne
à constater l'existence d'un acte préjudiciable commis par
l'enfant.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation se
conforme à cette jurisprudence en considérant que les juges du
fond « n'étaient pas tenus de vérifier si le mineur
était capable de discerner les conséquences de son
acte » et qu'ils avaient caractérisé la faute commise
par cet enfant (Civ.2, 12 décembre 1984).
L'enfant pourra encore être déclaré
responsable sur le fondement de l'article 1384 alinéa 4 du code civil.
Il n'est pas nécessaire selon l'arrêt GABILLET (Assemblée
plénière de la Cour de cassation, 9 mai 1984) de rechercher si le
gardien a ou non un discernement suffisant dès lors qu'il a l'usage, le
contrôle et la direction de la chose.
Une vérification inverse doit être faite :
le fait (ou la faute) de l'enfant victime est-il de nature à
exonérer l'auteur du dommage ? Si l'on excepte le cas particulier
des accidents de véhicules terrestres à moteur, l'arrêt
LEMAIRE (Assemblée plénière de la Cour de cassation, 9 mai
1984) admet cette exonération pour un adolescent et la cour d'appel de
Douai considère que des enfants qui acceptent de jouer à la
guerre en se lançant des cailloux acceptent des risques,
entraînant une exonération, même si ces enfants sont
âgés de 4 ans. La cour d'appel de Douai (2 février 1979)
admet que le « jeu auquel se sont livré les enfants est
basé sur des gestes et des réflexes élémentaires
que tout enfant acquiert dès son plus jeune âge » mais
le TGI d'Avesnes (8 juillet 1976) estime qu'un enfant de 5 ans n'a pas le
discernement suffisant pour accepter les risques d'un jeu dangereux.
De cette jurisprudence, on peut conclure que l'enfant peut,
quelque soit son âge, être considéré comme
responsable, soit sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil pour
son fait personnel, soit sur le fondement de l'article 1384 alinéa
1er du code civil en tant que gardien de la chose qui a
été l'instrument du dommage. Mais cette responsabilité de
l'enfant ne sert en fait qu'à déclencher le jeu des
présomptions des alinéas 4 et 6 de l'article 1384 du code civil.
Cependant, si les conditions d'existence de ces prescriptions ne sont pas
réunies, l'enfant sera personnellement responsable et la victime devra
être indemnisée par lui, d'où la nécessité
d'assurer chaque enfant pour la responsabilité civile qu'il peut
encourir à titre personnel.
Lorsque l'enfant est appelé à entrer en relation
avec la justice de son pays, il bénéficie d'un système
différent de celui appliqué aux adultes. Des juridictions
spécialisées prennent en effet en charge l'enfant justiciable.
Ces juridictions sont adaptées aux spécificités de la
justice appliquée aux mineurs.
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