Dans la représentation dominante, financière,
de la gouvernance, la firme se réduit à un noeud de contrats
incluant les dirigeants et les investisseurs financiers. Les conflits opposent
soit les actionnaires aux dirigeants, soit les créanciers financiers
(banques, obligataires...) aux actionnaires et l'efficacité du
système de gouvernance se mesure
Figure III-5 Le modèle
complet de surveillance des dirigeants de la firme managériale selon
Fama
Marché
des
administrat
eurs
externes
Marché du
travail des
cadres
Administrateurs externes
Conseil d' administration
Administrateurs dirigeants
Dirigeants
non administrateurs
Equipe dirigeante
Marché financier
Information Surveillance Evaluation
Source: Le Joly K., (1998), p.1 16.
par sa capacité à réduire les pertes de
richesse pour les actionnaires. Dans cette perspective, ouverte par Jensen et
Meckilng (1976) et par Fama (1980), le système, dans l'objectif de
réduire les conséquences des conflits entre actionnaires et
dirigeants, est composé de mécanismes construits, «
intentionnels » et de mécanismes «spontanés ».
Parmi les mécanismes construits il y'a le CA. Celui-ci,
pour être efficace, doit simultanément inclure, pour des raisons
d'information, des administrateurs externes indépendants,
spécialistes du contrôle. Préoccupés de leur valeur
sur le marché des administrateurs, ces derniers n'ont pas
intérêt à être soupçonnés de collusion
avec le management. Le CA intervient en incitant les dirigeants à
être performants, soit par le système de
rémunération (bonus, stock-options...), soit en menaçant
de les évincer. Le marché des prises de contrôle (OPA,
OPE), mécanisme particulièrement lourd et coûteux, n'est
censé intervenir qu'en dernier recours. Le CA, est
considéré comme efficace si le coût qu'il induit est
inférieur à la réduction de perte de valeur qu'il
permet.
Les pertes de valeur ont des origines diverses
(sous-investissement ou surinvestissement, dépenses somptuaires...).
Certains modèles (Shleifer et vishny, 1989) prennent en compte les
stratégies d'enracinement des dirigeants. Ces derniers, pour se
protéger, rendraient leur remplacement coûteux en investissant de
préférence dans des projets, dont la rentabilité est
subordonnée à leur présence à la tête de
l'entreprise, ou dont la performance est moins facilement observable (Edlin et
Stiglitz, 1995). Cette approche initiale, qui privilégie
l'investissement financier et fonde l'efficience sur la mesure de performance
actionnariale et les systèmes incitatifs permettant d'aligner les
intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires, a servi de
cadre à de très nombreuses études empiriques. Les
résultats de ces études sont dans l'ensemble contradictoires et
peu concluants (voir par exemple, Bhagat et Black, 1999 et 2000, pour une
synthèse sur le lien entre performance, composition et
indépendance). Ils ne suffisent pas, cependant, à exclure le
rôle disciplinaire du CA, confirmé par toutes les enquêtes
(par exemple, Charreaux et Pitol-Belin, 1990 ou Mc Nulty et petitgrew, 1994),
mais témoignent de la complexité à tester une telle
théorie pour plusieurs raisons.
Premièrement, le CA n'est qu'un mécanisme
particulier du système de gouvernance ; il intervient, soit de
façon complémentaire, soit par substitution à d'autres
mécanismes internes ou externes. Ainsi, par exemple, son rôle
disciplinaire est faible dans les sociétés dont le capital est
dominé par la famille du dirigeant, la discipline étant
assurée directement par l 'actionnaire dominant.
Deuxièmement, sa fonction disciplinaire peut
dépasser les seules relations actionnaires et dirigeants pour
s'étendre à d'autres parties prenantes, notamment les
salariés.
Enfin et troisièmement, le CA peut assurer d'autres
rôles complétant ou entrant en conflit avec son rôle
disciplinaire.
Sur le plan des prédictions qualitatives, l'approche
financière du CA comporte de nombreuses failles ; elle ne peut, par
exemple expliquer la présence de parties prenantes telles que les
salariés ou les banques au conseil et ne peut rendre compte, de
façon plausible, ni de la diversité internationale des conseils,
ni de leurs modes d' évolution.