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De la particularité des traités portant délimitation des frontières étatiques en droit international.


par Jordan Abetcha Mbuya Salumu
Unilu - Graduat 2020
  

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CHAPITRE DEUXIEME : L'INTENGIBILITE DES FRONTIERES AFRICAINES ET LES MOYENS MIS A LA DISPOSITION DES ETATS EN CAS DE MENANCES ETRANGERES OU INTERNES SUR LEURS FRONTIERES

SECTION I : L'INTENGIBILITE DES FRONTIERES AFRICAINES

Vers la fin du XIXème siècle, la plupart des frontières des pays africains sont établies en vue de précéder aux naissances des nations africaines, mais hélas ces frontières sont tracées selon le bon vouloir de puissances colonisatrices dans un climat de tension entre elles-mêmes, n'ont pas tenu compte des réalités ethniques, linguistiques, religieuses et même politiques des peuples d'Afrique.

La négligence européenne du substrat géographique et des divisions socio-politiques traditionnelles africaines sont à la base de nombreuses difficultés que les premiers commissaires d'abornement ont relevé dans leurs rapports, ils tenaient compte parfois de limites naturelles infranchissables vu les moyens et la technologie de l'époque, mais parfois ils pouvaient tracer des lignes droites sur l'inconnu et les appeler frontières. Lord Salisbury, l'un de participant à la conférence de Berlin disait « nous avons entrepris de tracer sur les cartes des régions où l'homme blanc n'avait jamais mis les pieds. Nous nous sommes distribué des montagnes, des rivières et des lacs, à peine gênés par cette petite difficulté que nous ne savions jamais exactement où se trouvaient les montagnes, des rivières et des lacs » ces propos illustrent bien les mystères de l'Afrique de l'époque et l'acharnement de l'homme blanc pour diviser un ensemble qu'il ignore complètement.

Un demi-siècle plus tard, l'envahisseur blanc s'est heurté à la vague des indépendances dû au réveil nègre .Au moment des indépendances, les nouveaux Etats africains étaient confrontés aux conflits de contestations frontalières. Robert Waters en dénombra 32 au total.16 Alors les dirigeants africains ayant pris conscience de la fragilité de leurs pays délimités par des frontières artificielles et aléatoires et du danger que représentait une telle situation au futur, ont pour la plupart soutenu la remise en cause du tracé territorial colonial. Ils ont estimé qu'il parait logique que l'Afrique après la colonisation corrige les erreurs des découpages coloniaux qui n'ont pas tenu compte des réalités quotidiennes africaines tant sociales que politiques. Le

16 Robert Waters,African Boundary problems,Uppsala,1969,p.183

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groupe des dirigeants africains favorables à la remise en cause des frontières s'appelle le Groupe de Casablanca; ce groupe voulait matérialiser ses idées en 1963.

Paradoxalement, d'autres dirigeants africains de l'époque étaient favorables au maintien du tracé frontalier qui émane de la colonisation. Réunis au sein du groupe de Monrovia ; pour ces derniers le maintien des frontières ; legs territorial colonial garantirait la paix entre les Etats et leur offrirait des possibilités de développement, et ces Etats pourraient réussir à se transformer en Etats-Nations.

Pour mettre fin à la controverse au sujet des frontières des Etats africains, que la conférence des chefs d'Etats et des gouvernements de l'organisation de l'unité africaine réunie au Caire, en Egypte opta en faveur du principe de l'intangibilité des frontières en Afrique le 24 juillet 1964.La charte de l'OUA en 1963 dispose sans ambiguïté que l'intégrité territorial de ses Etats membres constitue l'un des piliers centraux de l'Organisation de l'Union Africaine comme stipulent les articles 1,2 ,et 3 de ladite charte.17

Ce principe déclare solennellement que tous les Etats membres s'engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l'indépendance. Interdisant les Etats membres d'exprimer une quelconque revendication territoriale ; et de vouloir procéder à une modification du tracé colonial au détriment d'un Etat tiers. Pour les dirigeants africains, cet impératif concerne d'une part, tout mouvement sécessionniste venant de l'intérieur de nature à mettre en cause les frontières issues de l'independances.16

Mais les conflits ont persisté, ce qui pousse plusieurs observateurs à développer la thèse selon laquelle la persistance des conflits armés, des tensions entre Etats découlent de l'application du principe de l'intangibilité des frontières africaines. Que la pratique de l'intangibilité des frontières n'a pas vraiment contribué à la stabilisation politique et territoriale, ni au développement économique raison pour laquelle elle a été décidée.

En effet dès les premiers années de son adoption l'intangibilité des frontières fut l'objet de graves confusions du point de vue sémantique et conceptuel .L'intangibilité des frontières a été immédiatement assimilée au principe de l'intégrité territoriale ,rapporte Ladji OUATARA, ,en absence d'une définition précise et univoque, les auteurs ont été amenés à faire des

17 Charte de l'Organisation de l'Unité africaine

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assimilations approximatives, voire des confusions conceptuelles, confondant l 'intangibilité avec l'UTI POSSEDETIS et l'inviolabilité des frontières .18

L'histoire nous renseigne que certains dirigeants africains de l'époque ont estimé que l'adoption de l'intangibilité des frontières violait le droit à l'autodétermination des peuples ,inscrit dans la charte des nations unies, faisant allusion aux mouvements Touaregs au Mali en 1962 et 1963,au début de la guerre sud-soudan et la guerre du Biafra qui a failli diviser la fédération du Nigeria en 1967.

Dans la pratique, l'application du principe de l'intangibilité des frontières fut une entreprise périlleuse, certaines frontières n'avaient pas été clairement délimitées. Antony REYNER en dénombrant 42 frontières qui n'ont jamais été démarquées ainsi que 4 jamais délimitées.19 Ces données seront confirmées par le programme frontière de l'Organisation de l'Union Africain, dont l'objectif est d'oeuvrer à la délimitation et à la démarcation précise des frontières en Afrique confirme que seulement moins de 1/3 des frontières en Afrique sont précisément définies.20

Le principe de l'intangibilité des frontières n'a pas sa place en Afrique étant donné que les frontières ne sont pour la plupart définies avec précision, et cela jusqu'à 67% des cas mais pire encore certaines frontières sont inexistantes. Cela a toujours été et demeure une source des conflits entre Etats africains, le cas de l'Ethiopie et l'Érythrée ou encore tout récemment le Soudan et le Sud-Soudan.

Au vu de ce qui précède nous disons que l'intangibilité des frontières a été un problème de plus, ajouté aux tonnes auxquels se heurtent les nations africaines car sa compréhension présentait des difficultés et des zones d'ombre dans le chef des dirigeants africains, et en plus les frontières demeurent imprécises jusqu'à 2/3. Son adoption ne garantissait que des conflits frontaliers en Afrique.50 ans après son adoption, le continent n'est pas plus avancé qu'avant son élaboration, les conflits frontaliers sont quasi-quotidiens dans certains pays africains, et l'objectif de son adoption qui se résume en une garantie de paix et de stabilité territoriale

18 Ladji OUATARA « frontières africaines 1964-2014 Le défi de l'intangibilité », La Revue Géopolitique (en ligne) http//diploweb ?utm_source_=widget&utm_medium=tipbutton&utm_campaign=diploweb, p 5 (consulté le 29 juillet 2020)

19 Jon WORONOF, « Différends frontaliers en Afrique », Le Mois de l'Afrique, 1972, p.62

20 Rapport de la réunion d'experts sur le programme frontière de l'Union Africaine, Bamako, Mali, mars 2007

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pouvant mener les nations africaines vers le développement et les transformer en Etat-nation. D'ailleurs, en optant pour le maintien des frontières héritages de la colonisation en avaient conscience, ils visaient un processus d'unité par étapes progressives qui commencerait d'abord par la consolidation des unités intermédiaires que sont les territoires nationaux, nous renseigne LADJI OUATARA21.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore