Paragraphe 3. Exploitation des forêts sans programme
de régénération naturelle ou de reboisement
(exploitation irrationnelle)
Au regard de l'article 52 du Code forestier, tout
déboisement doit être compensé par un reboisement. Dans
l'objectif d'enrichir le compte du trésor public, de lutter contre la
pauvreté des communautés locales à travers l'exploitation
durable des ses forêts, l'Etat, responsable de la reforme
forestière, soustrait l'obligation faite qui, a la responsabilité
de la gestion, de la conservation, de la surveillance et de la police des
forêts a soustrait cette obligation aux exploitants forestiers de
reboiser d'eux-mêmes ; il a, à cet effet, fixé des taxes
entre autres de « reboisement» que les exploitants forestiers doivent
payer. C'est ce qui ressort des articles 121 et 122 du Code forestier en leurs
alinéas.
Mais, dans la réalité, l'Etat ne reboise pas
pendant que les exploitants forestiers, eux s'acquittent de leurs obligations.
Pouvons-nous croire que cet argent est toujours conservé dans la caisse
de l'Etat ou c'est le contraire ? Et, dans cette dernière
hypothèse, où va alors cet argent ? En lisant les dispositions du
Code forestier du début jusqu`à la fin, on trouve que l'Etat est
le premier acteur intervenant dans la gestion des forêts et des
ressources forestières en RD Congo ; il est donc le garant d'une bonne
réforme dans le secteur forestier dans le but d'aboutir à une
gestion durable des forêts au profit de toute sa population, en
particulier et de toute l'humanité, en général.
Ainsi, avec la reforme forestière introduite en 2002,
1'Etat étant le premier responsable de la gestion des forêts, il
lui appartient donc de remplir efficacement son rôle tout en impliquant
tous les acteurs dans la détermination d'atteindre l'objectif
assigné par le nouveau Code forestier dans le cadre de la réforme
forestière en RD Congo. Malheureusement, sur le terrain, la
réalité est toute autre ; soit 1'Etat accomplit ses tâches
sans consulter les autres parties soit il ne les accomplit pas tout simplement
et cela au détriment de sa population surtout celle qui dépend
directement de la forêt dont les peuples autochtones.
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et des ressources qu'elles renferment. Les communautés
locales sont l'un des acteurs qui doivent être indispensablement
impliquées dans cette gestion étant donné qu'ils
dépendent quasi totalement des forêts et de par leurs
connaissances mêmes, elles ont su les conserver sans porter atteinte
à l'environnement entendu dans son sens le plus large.
Les exploitants forestiers ont droit d'accès à
la ressource forestière avec comme obligation la gestion durable de ces
ressources et de contribuer au développement socio-économique du
pays et des communautés locales. Cependant dans la pratique, ces
exploitants exercent leurs droits sans tenir compte des obligations auxquelles
ils sont assujettis.
Tout étant mal parti avec l'absence d'une bonne
négociation du cahier des charges entre les exploitants et les
populations riveraines, celles -ci se trouvent dépourvues des moyens de
subsistance et, par conséquent, condamnées à demeurer dans
la pauvreté. Ainsi, au lieu de participer au processus de réforme
proprement dit, les communautés locales se trouvent exclues de la
scène.
Un appel vibrant est alors lancé au Gouvernement de la
RD Congo de pouvoir organiser des ateliers de formation à l`intention
des communautés locales sur la manière de négocier le
cahier des charges. Ainsi, au lieu de jouer leur rôle en tant qu'acteur
dans la gestion des forêts, cette dernière semble n'être pas
atteinte suite à une déforestation accrue due à
l'exploitation industrielle.267
Le principe de participation est à l'origine de la
responsabilisation des populations locales à la gestion viable à
long terme de leur environnement. L'idée générale
d'associer les populations vient de la prise de conscience de leurs
méthodes et de leurs connaissances concernant l'environnement. Celles-ci
leur permettent effectivement de tirer profit du milieu, en maintenant, en
principe, sa capacité de régénération et en
préservant la biodiversité. A cette fin, les acteurs locaux
doivent être associés aux processus de décision et
bénéficier d'une sécurisation foncière
environnementale, c'est-à-dire des droits sur la terre et
vis-à-vis de l'exploitation des ressources naturelles renouvelables et
de la conservation des écosystèmes.
Dès 1977, la Conférence des Nations Unies sur la
désertification recommande expressément cette participation
locale comme « partie intégrante des mesures de
prévention et
267CAMV, Le Forestier 08,
Op.cit., p .33 ; Articles 32 al 2 et 28 ; Déclaration des Nations
Unies mies sur les droits des peuples autochtones in CAMV, Le Forestier 09,
Les communauté et l'exploitation des ressources naturelles en RD
Congo : cas de forêts, de mines et de terres, Bukavu, 2011, p.7 ;
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de lutte contre la désertification ». La
Stratégie mondiale de la conservation de 1980 considère avec
force que le soutien à la Conservation doit être assuré par
la participation des populations rurales268.
Les communautés locales et peuples autochtones dont
question sont ceux ayant vécu depuis des milliers d'années en
relation étroite avec leurs terres et avec la nature, en
général. Le Code forestier définit ces communautés
locales comme étant une population traditionnellement organisée
sur la base de la coutume et unie par des liens de solidarité clanique
ou parentale qui fondent sa cohésion interne.
Elle est caractérisée, en outre, par son
attachement à un terroir déterminé. Les plantes et les
animaux qui habitent leur territoire sont leur source de nourriture, de
médicament et de toute leur subsistance. Leurs ressources ne leur sont
pas seulement utiles, mais sont sacrés à leurs yeux. Plusieurs
d'entre eux maintiennent un mode de vie où ils produisent et
récoltent ce qu'il faut mais aussi où ils veillent à ce
que les ressources naturelles soient toujours disponibles pour les
générations à venir. C'est ce qu'on appelle «
utilisation durable des ressources ».
C'est en raison de cette relation étroite et de ce lien
de dépendance avec l'environnement naturel que l'impact des changements
climatiques est plus grave pour les communautés locales et autochtones
que pour d'autres peuples. Par exemple, une augmentation de la
température mondiale d'un degré Celsius occasionnera des
changements dans la croissance des plantes dans la forêt et dans la
reproduction des poissons dans la mer. Avec une augmentation de deux
degrés Celsius, plusieurs plantes et animaux disparaîtront et
seront remplacés par d'autres.
De plus en plus de gens seront touchés par des
inondations, des sécheresses, l'augmentation des maladies, des
phénomènes météorologiques extrêmes et
l'extinction des espèces. Les peuples autochtones qui vivent selon un
mode de vie traditionnel n'utilisent pas beaucoup d'intrants de
l'extérieur sous forme de machines, de combustibles, de fertilisants et
d'autres produits industriels.
Les modes de vie de communautés locales et peuples
autochtones émettent très peu de carbone ou autres GES dans
l'atmosphère. Ils prennent soins de leur environnement et font une
utilisation durable des ressources. Ils améliorent, de par leurs
connaissances traditionnelles, le
268CAMV, Le Forestier 09, Idem, p.26.
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piégeage (séquestration) du carbone dans le
monde naturel. En termes scientifiques, leurs modes de vie ont, dans bien de
cas, « un bilan carbone neutre ».
Ce qui signifie que tout le carbone qu'ils émettent est
à nouveau absorbé par la végétation dont ils
prennent soin grâce à leurs pratiques de gestion des ressources.
Grâce à l'utilisation durable qu'ils font des ressources, les
peuples autochtones avaient préservé la biodiversité de
leurs terres. Cependant, bien que les peuples autochtones aient
contribué le moins aux changements climatiques, c'est sur leurs terres
et territoires que les impacts des changements se font le plus sentir.
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