La république démocratique du Congo et le défi planétaire du réchauffement climatique. Responsabilités et opportunités conventionnelles internationales.par Matthieu MUKENGERE NTAKALALWA Université de Kinshasa - Diplôme d’Etudes Supérieures en Relations Internationales 2018 |
Paragraphe 2. Les faiblesses ou les limites de la stratégie REDDLes communautés locales, que ce soit autour de Tayna ou de Kisimba-Ikobo, ne participent pas au processus préparatoire. Certains ayants-droits fonciers ont signé avec le projet, un acte d'engagement interprété comme leur consentement au projet, même si ce consentement semble biaisé par les informations parcellaires et même incomplètes qui leur ont été communiquées sur base des promesses de développement et des gains individuels qu'apporterait le projet. Ces promesses paraissent naturellement attrayantes dans un contexte de pauvreté absolue. La question des droits sur le carbone n'est pas élucidée, ni même discutée avec les communautés concernées. Les mécanismes de partage des bénéfices que pourrait générer le projet ne sont ni clairs pour les responsables du projet, ni pour les communautés et encore moins pour l'Etat congolais qui, du point de vue légal, est le véritable propriétaire des réserves naturelles sur lesquelles porte le projet pilote de REDD. Cette étude de cas révèle tout simplement les risques de marginalisation des communautés locales dans un processus qu'elles ne comprennent pas et auquel elles ne participent pas. Elles se laissent cependant appâter par les promesses de développement massif et de gains personnels qui changeraient leur vie pour le mieux, sans que soient précisés les indicateurs de ce changement260. L'intégration du REDD parmi les mesures d'atténuation des changements climatiques, présente certains dangers chez les peuples autochtones. Si leurs forêts sont désignées comme « puits carbone », qu'elles sont utilisées pour l'échange de permis d'émission, il est possible qu'on leur empêche d'utiliser leurs forêts à des fins cérémoniales, l'agriculture itinérante, la cueillette des produits forestiers ligneux et non ligneux et autres activités agro-forestiers. L'exploitation minière à grande ou petite échelle a des impacts sur l'environnement, l'écologie, la biodiversité et donc sur le REDD. En effet, les activités qui entourent l'exploitation des minerais sont, au même titre que l'exploitation elle-même, source de dégradation des écosystèmes. La plupart des fois, les carrières minières sont situées en pleine forêt et nécessitent donc à ce que les arbres soient coupés pour une bonne exploitation. En plus l'installation des mineurs dans les environs du lieu d'exploitation entraine mêmement des impacts non négligeables sur l'environnement et par conséquent sur le climat et, au final, sur le processus REDD lui-même. Le rapport du PNUE de 2010 sur les activités minières [247 ] dans la Province du Katanga en RDC est révélateur à ce sujet. Selon ce rapport, la plupart des opérations minières au Katanga, le principal centre minier de la RDC, sont des exploitations à ciel ouvert qui entrainent une importante dégradation des sols et du paysage261. Le Code forestier congolais de 2002 prévoit que tout déboisement doit être compensé par un reboisement équivalent, en qualité et en superficie, au couvert forestier initial réalisé par l'auteur du déboisement. Toute personne qui, pour les besoins d'une activité minière, industrielle, urbaine, touristique, agricole ou autre, est contrainte de déboiser une portion de forêt, est tenue au préalable d'obtenir à cet effet un permis de déboisement. Pour les activités agricoles, ledit permis n'est exigé que lorsque le déboisement porte sur une superficie égale ou supérieure à deux hectares262. Au fur et à mesure que les forêts prendront de la valeur et que l'empiètement sur les forêts des peuples autochtones par les gens de l'extérieur s'élargira, les conflits augmenteront. Le REDD+ pourrait ainsi entraîner un grand nombre des conflits entre les communautés et même au sein des communautés, vu la valeur accrue des forêts et les bénéfices attendus des programmes, mais aussi entre les exploitants locaux et les propriétaires forestiers. Dès que les compensations au titre de REDD+ commenceront à être versées, le risque existe aussi que les conflits augmentent et qu'il en surgisse de nouveaux entre les communautés si des mesures judicieuses ne sont pas prises pour s'assurer que les différentes communautés et les mécanismes et les ménages au sein de ces communautés bénéficient à parts égales de ces, compensations. D'autres aspects sont à prendre en considération dans le processus de REDD+ ; il s'agit du changement de mode de vie des peuples autochtones par le fait qu'avec le REDD+, certaines pratiques d'utilisation des terres, par exemple, devront être abandonnées par les peuples autochtones. Il en est ainsi de l'agriculture itinérante faite avec usage du feu qui est une pratique combattue aujourd'hui à travers le monde. Il s'agit également du contrôle approfondi des forêts visant à améliorer la diversité de l'habitat pour le gibier ou les pâturages pour le bétail, la collecte de feu, la coupe d'arbres pour la construction de maisons ou à d'autres fins, et même la cueillette des produits forestiers non ligneux considérés comme une forme de « dégradation » par le mécanisme REDD+. Et comme le REDD+ 261CAMV, Le Forestier 10, Op.cit., p.24. 262Art.52 et 53 Code forestier. [248 ] vise à réduire la déforestation et la dégradation des forêts, les communautés autochtones sont et seront de plus en plus prises pour cible par ces programmes. Cela aura des répercussions sur le mode de vie et la sécurité des moyens de subsistances des communautés touchées263. S'agissant de l'absence de limites claire entre les habitations et les aires protégées, disons que les parcs et aires protégées de la RDC sont en danger à cause des activités humaines, déplore le Congolais Raymond Lumbuenamo, expert au Fonds Mondial pour la Nature « WWF » ». Il cite notamment les travaux de champs, la chasse et l'exploitation de bois ou des minerais qui, selon lui, perturbent la biodiversité dans ces aires protégées : « Les pluies qui tombent sur le bassin du Congo dépendent à plus de 80% de la forêt. Si nous coupons la forêt, il n'y aura plus d'eau ; il n'y aura plus de fleuves, il n'y aura plus rien. En tant que Congolais, nous devons faire un effort de protéger les forêts pour nous-mêmes, d'abord et le reste, ensuite. Si les aires protégées sont entamées, nous perdrons la mèche qui ramène l'eau dans l'atmosphère pour qu'il pleuve encore sur le Congo. Lorsque la forêt disparaît, c'est nous Congolais qui perdons », déclaré, mercredi 16 Novembre 2016, Raymond Lumbuenamo. Il souligne que les activités humaines détruisent également les habitats des animaux. Cet expert en environnement attribue cette situation à l'absence de limites claires entre les habitations et les aires protégées : « Les intérêts économiques poussent certains opérateurs véreux à obtenir des documents nécessaires pour exercer leurs activités sur ces sites, en détruisant toute la flore », ajoute-t-il. Environ 17% du territoire national de la RDC est constitué d'aires protégées. Pour assurer la sécurité de ces espaces, Raymond Lumbuenamo recommande au gouvernement de promouvoir une collaboration avec les populations riveraines264. 263 CAMV, Le Forestier 10, Op.cit., pp.44-45. 264Interview accordée par Raymond Lumbuenamo à radio okapi, in http://www.radiookapi.net/2016/11/17/actualite/environnement/rdc-les-activites-humaines-menacent-les-aires-protegees consulté Mercredi, le 08 Février 2017 à 18h30'. [249 ] |
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