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La république démocratique du Congo et le défi planétaire du réchauffement climatique. Responsabilités et opportunités conventionnelles internationales.


par Matthieu MUKENGERE NTAKALALWA
Université de Kinshasa - Diplôme d’Etudes Supérieures en Relations Internationales 2018
  

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Chapitre III

LA RDC DANS LA LUTTE CONTRE LE RECHAUFFEMENT
CLIMATIQUE SUR LE PLAN NATIONAL

Partout dans le monde développé, les forêts ont été décimées pour fournir du bois pour les voiliers et, plus tard, pour alimenter la révolution industrielle et faire fonctionner les machines à vapeur. Comme conséquence, l'Europe a perdu 80 % de son couvert forestier, par rapport à la période préhistorique. Aujourd'hui, seul un dixième de la couverture forestière primaire existe sur le globe. Globalement, la déforestation se poursuit avec quelques exceptions notables, comme ici dans le bassin du Congo, soit par défaut ou grâce à des politiques de gestion durable, car les forêts extraordinaires de cette région sont, en grande partie, intactes.

Le défi auquel les pays doivent faire face est de savoir si on doit poursuivre une voie de développement qui minera l'immense capital naturel et les ressources naturelles face à l'urgence de sortir les gens de la pauvreté et à des fins de croissance économique. Il y a une voie plus intelligente qui investit et réinvestit dans les forêts du bassin du Congo en vue d'accélérer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, une économie verte, et qui pourra augmenter les revenus par habitant, créer des emplois pour les jeunes tout en gardant l'empreinte écologique de la planète dans des limites acceptables.

La preuve est que ces dernières années, il a été reconnu que les pays qui sont les gardiens de ces vastes écosystèmes qui rendent des services à la planète, estimés à des milliards de dollars, ont choisi une gestion durable de leurs ressources naturelles par rapport à une exploitation insoutenable de ces actifs nationaux, régionaux et même mondiaux.

Ce faisant, il s'agit de faire preuve de leadership, non seulement sur le changement climatique, mais sur une myriade de défis multiples qui peuvent et doivent offrir des opportunités pour réaliser les Objectifs du Millénaire liés à la pauvreté et atteindre les objectifs de développement, notamment par rapport à la perte de la biodiversité, et à la conservation et l'amélioration de l'approvisionnement en eau. La région apporte, de manière délibérée, une contribution décisive dans un domaine de l'économie mondiale qui soutient l'emploi et la subsistance de 1,6 milliard de personnes.

En raison de l'importance des enjeux environnementaux du pays sur le plan international, sa situation et son évolution font l'objet d'un important suivi de la part des Organisations

[202 ]

Le voyage que les pays de cette région ont entamé, est une police d'assurance en termes d'adaptation aux changements climatiques et de fourniture de services vitaux en termes d'atténuation au niveau global, la déforestation étant responsable d'environ 18% des émissions actuelles de gaz à effet de serre. C'est une police d'assurance, non seulement pour cette génération, mais bien au-delà, pour garantir la survie de notre planète car les deux tiers des formes de vie terrestres se trouvent dans les forêts.

Ce riche et varié trésor de la biodiversité et des ressources génétiques feront partie de la révolution biologique et industrielle de ce siècle, qui va marquer une rupture fondamentale avec les révolutions industrielles du passé qui étaient fondées sur la destruction plutôt que sur la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers.

La direction de la RDC avec Joseph Kabila repose sur un partenariat, entre la République Démocratique du Congo, le Gabon, le Cameroun, la République du Congo et toutes les autres nations de cette région, un partenariat plus large, basé sur le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo « PFBC » et sur des relations étroites avec certains pays développés comme la Norvège, et aussi, avec le système multilatéral dont le PNUE est fier de faire partie ; c'est également un partenariat avec la science, cette science qui sous-tend les politiques à mettre en oeuvre ; un partenariat avec une économie verte qui met en exergue l'énorme valeur de la nature; son capital naturel qui, de par le passé, était complètement invisible dans les comptes nationaux et mondiaux.

Cette science ainsi que de nombreuses études économiques mettent en exergue les potentialités de la RDC car ce pays héberge environ la moitié des forêts tropicales humides d'Afrique, et 50% des ressources en eau douce du continent. Jusqu'à 43 milliards de tonnes de carbone pourraient être émis par le changement d'utilisation des terres en RDC, ce qui équivaut à 4 ans d'émissions mondiales.

La RDC réalise donc l'énorme potentialité économique en termes d'opportunités de développement pour le pays et les aspects stratégiques pour la RDC, pour la sous-région et pour l'Afrique dans le cadre des négociations sur le climat.

Un des moteurs pour catalyser des changements positifs dans l'environnement ainsi que dans le développement durable est la Réduction des Emissions résultant de la Déforestation et de la Dégradation des forêts « REDD + ».

[203 ]

internationales comme les Nations Unies. Les acteurs institutionnels disposant de prérogatives et de missions dans le domaine de l'environnement sont principalement le Ministère de l'Environnement, de la Conservation de la Nature et du Développement Durable, disposant de représentations provinciales, et un certain nombre d'établissements sous la tutelle (Fonds Forestier National, Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, Agence Congolaise pour l'Environnement...).

La RDC a adopté différents codes réglementant les activités du pays (Codes minier, agricole, des investissements, foncier et forestier) de même que des lois, décrets et ordonnances recommandant de prendre en compte l'environnement et le patrimoine du pays dans toute activité publique et privée203. Mais, qui en sont alors les acteurs ?

Section 1ère : Acteurs intervenant dans la protection de l'environnement en ROC

Les forêts (et même les eaux) constituent la propriété de l'Etat : leur exploitation et leur utilisation par les personnes physiques ou morales de droit privé ou de droit public sont régies par les dispositions du Code forestier et ses mesures d'exécution.

Paragraphe 1. Acteurs internes

La mise en place de la politique forestière est du ressort avant tout du Ministère ayant les forêts dans ses attributions. Dans cette tâche, le Ministère est aidé par d'autres acteurs tant privés que publics. Citons entre autres :

? Le Ministère ;

? Les exploitants forestiers ;

? Les représentants des communautés locales ;

? Les représentants des populations autochtones pygmées ;

? Les organisations de la société civile

Dans le cadre de l'élaboration de la politique forestière nationale, le Ministre implique donc l'ensemble des acteurs tant publics que privés concernés, à tous les échelons territoriaux. La politique forestière nationale est adoptée en Conseil des Ministres sur proposition du ministre et

203 Systra, L.B., Etude du Plan Directeur National intégré des transports en République Démocratique du Congo, Contrat N°114/MITP/CI/BAD/2016, RAPPORT PHASE 1, Collecte de données, analyse & investigation, S.l, S.d, Mai 2017, p.18.

[204 ]

approuvée par décret du président de la République»204. La responsabilité de la gestion, de l'administration, de la conservation, de la surveillance et la police des forêts incombent donc au Ministère ayant les forêts dans ses attributions. Ce Ministère travaille constamment en collaboration et en concertation avec les autres Ministères dont les attributions peuvent avoir une incidence sur le secteur forestier.

Le Président de la République, le Parlement et le Gouverneur de Province ont chacun, en ce qui le concerne, des compétences que le Code leur attribue notamment et successivement en matière de gestion de la forêt, création de Parcs nationaux et réserves naturelles intégrales, l'élaboration de la politique forestière nationale, l'approbation d'une concession dont la superficie dépasse 400.000 hectares et la politique d'allumage des deux hâtifs de forêts.

Au-delà des acteurs institutionnels (Ministère, Organisations internationales...), des personnes privées jouent un rôle important dans le domaine de l'environnement ; les ONG ou Associations économiques sont particulièrement actives dans ce domaine. Rappelons également qu'en application du principe de participation, toute personne a le droit d'être informée et de participer205.

A. Le Ministère de l'Environnement (Ecologie) a) L'Administration centrale

Entre 2007 et 2010, le Ministère en charge de l'Environnement a changé 4 fois de dénomination et de champ d'action. Il a même perdu son Ministre et a été rattaché au Premier ministre en Février 2012 jusqu'à la constitution du nouveau Gouvernement en Mai 2012. Il est devenu Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie.

Le Ministère comprend notamment : le Secrétariat général, le Commissariat général au développement durable, la Direction générale de l'énergie et du climat, la DG des infrastructures, des transports et de la mer, la DG de l'aviation civile, la DG de l'aménagement, du logement et de la nature, la DG de la prévention des risques, etc.

Le Ministre exerce une tutelle exclusive ou conjointe avec d'autres Ministères, sur plusieurs établissements publics tels que le Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie « ADEME » (la cotutelle étant exercée

204 Art.5 Loi n°11/2002 du 29 Août 2002 portant Code forestier. 205Omeonga Onakudu, J. et alii, Op.cit., p.51.

[205 ]

par les Ministères chargés de l'industrie et de la Recherche), le Musée national d'histoire naturelle (en cotutelle avec le Ministère chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche)...206

Il a été créé plusieurs Directions au sein du Secrétariat Général à l'Environnement et Développement Durable. Il s'agit des Direction suivantes :

- Direction de Développement Durable ;

- Direction inventaire et Aménagement Forestiers ;

- Direction reboisement et horticulture ;

- Direction de Conservation de la Nature ;

- Direction de la gestion forestière ;

- Direction des ressources en eau207.

b) Les services déconcentrés

Les Directions Régionales de l'Environnement « DIREN », les Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement « DRIRE » et les Directions Régionales de l'Equipement ont été regroupées à compter de l'année 2009 pour former des Directions Régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement « DREAL ». Placées sous l'autorité du Préfet de région, elles pilotent et déclinent en région les politiques de développement durable.

c) Les collectivités territoriales208

Malgré les avancées de la décentralisation, l'environnement relève encore principalement de la compétence de l'Etat. Cependant les collectivités territoriales disposent de compétences que nous ne pouvons énumérer ici : la Commune, par exemple, est traditionnellement compétente en matière de déchets, d'eau et d'assainissement. Les Départements et Régions disposent également de certains pouvoirs (espaces naturels sensibles des Départements ou parcs naturels régionaux, élaboration des schémas régionaux du climat de l'air et de l'énergie, et des schémas régionaux de cohérence écologique...).

A noter également qu'une Direction Départementale des Territoires « DDT » ou, pour les Départements Littoraux, une Direction Départementale des Territoires et de la Mer « DDTM » est

206Omeonga Onakudu, J. et alii, Op.cit, p.51.

207 Nos enquêtes sur terrain d'Octobre 2017 à Février 2018.

208 En 2010, fut créée, à Kinshasa, la Régie d'Assainissement et des Travaux Publics de Kinshasa « RATPK » pour assainir la ville lors du 50ème anniversaire de l'indépendance.

Op.cit., p.33.

[206 ]

créée dans chaque Département. Placée sous l'autorité du Préfet de Département, elle met en oeuvre des politiques d'aménagement et de développement durables des territoires, de prévention des risques naturels, de protection et gestion durable des eaux, espaces naturels, forestiers, ruraux...).

Le Préfet joue un rôle important par le biais de ses pouvoirs de police spéciale (police des installations classées pour la protection de l'environnement, police de la chasse...). Il exerce également son autorité sur les services Départementaux de l'Etat (DREAL). Le Préfet de Région a désormais autorité sur les services régionaux de l'Etat et sur les Préfets de Département209.

B. Le secteur prive économique (patronat)

Par secteur privé économique nous entendons les exploitants forestiers, les entreprises qui sont chargées de l'exploitation du bois, des produits connexes mais aussi de leurs transformations. Nombreux sont les exploitants forestiers qui soutiennent n'avoir pas eu d'influence notable sur l'élaboration et l'adoption du Code.

« L'industrie forestière s'oppose à certains éléments du Code et réclame actuellement qu'il soit revu et corrigé. On sait toutefois que le secteur privé a joué un rôle plus proactif dans l'élaboration et la mise en oeuvre des décrets d'application. Tous les projets de Décrets sont censés être revus et approuvés par un Comité de pilotage formé des fonctionnaires gouvernementaux, des représentants du secteur privé, d'ONG et des Conseillers spéciaux pour ensuite être envoyés au Ministre ou au Président de la République pour approbation finale... »210.

Il existe une pression exercée par les exploitants forestiers sur le Gouvernement. En effet, Bien que le processus d'élaboration de politiques forestières soit entravé, le secteur privé réussit de toute évidence à convaincre le Gouvernement d'attribuer des parties importantes des forêts aux fins d'être exploitées.

« Ces obstructions et ces pressions semblent avoir été provoquées, pour la plupart, par les changements apportés avec l'appui de la Banque Mondiale au régime fiscal forestier, lequel est en soi une partie importante de la politique forestière du Gouvernement, par exemple, en 2002,

209Omeonga Onakudu, J. et alii, Op.cit., pp.51-52.

210 FERN, Gouvernance forestière en RDC, le point de vue d'une ONG, Mars 2006, p.21 in CAMV, Le Forestier 8,

[207 ]

la taxe de superficie était de 0.00143 $ par, hectare, ce qui signifiait qu'une concession de 200,000 hectares n'apportait au Gouvernement que 286 $ par année.

La Banque Mondiale a fait pression sur le Gouvernement pour qu'il augmente substantiellement ces taxes, recommandant vivement de les porter à 0.5 S par hectare par an (ce qui est encore bas par rapport au reste de pays du Bassin du Congo et très bas par rapport au reste du monde). Bien que le Gouvernement y ait d'abord consenti, l'industrie forestière s'est farouchement opposée à ces changements et a réussi à convaincre le Gouvernement d'introduire graduellement les taxes de superficies et de faire en sorte qu'elles ne s'appliquent qu'à un quart de la zone de concession. La taxe est actuellement de 0.20 $ par hectare»211.

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