Chapitre III
LA RDC DANS LA LUTTE CONTRE LE
RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE SUR LE PLAN NATIONAL
Partout dans le monde développé, les
forêts ont été décimées pour fournir du bois
pour les voiliers et, plus tard, pour alimenter la révolution
industrielle et faire fonctionner les machines à vapeur. Comme
conséquence, l'Europe a perdu 80 % de son couvert forestier, par rapport
à la période préhistorique. Aujourd'hui, seul un
dixième de la couverture forestière primaire existe sur le globe.
Globalement, la déforestation se poursuit avec quelques exceptions
notables, comme ici dans le bassin du Congo, soit par défaut ou
grâce à des politiques de gestion durable, car les forêts
extraordinaires de cette région sont, en grande partie, intactes.
Le défi auquel les pays doivent faire face est de
savoir si on doit poursuivre une voie de développement qui minera
l'immense capital naturel et les ressources naturelles face à l'urgence
de sortir les gens de la pauvreté et à des fins de croissance
économique. Il y a une voie plus intelligente qui investit et
réinvestit dans les forêts du bassin du Congo en vue
d'accélérer la transition vers une économie à
faibles émissions de carbone, une économie verte, et qui pourra
augmenter les revenus par habitant, créer des emplois pour les jeunes
tout en gardant l'empreinte écologique de la planète dans des
limites acceptables.
La preuve est que ces dernières années, il a
été reconnu que les pays qui sont les gardiens de ces vastes
écosystèmes qui rendent des services à la planète,
estimés à des milliards de dollars, ont choisi une gestion
durable de leurs ressources naturelles par rapport à une exploitation
insoutenable de ces actifs nationaux, régionaux et même
mondiaux.
Ce faisant, il s'agit de faire preuve de leadership, non
seulement sur le changement climatique, mais sur une myriade de défis
multiples qui peuvent et doivent offrir des opportunités pour
réaliser les Objectifs du Millénaire liés à la
pauvreté et atteindre les objectifs de développement, notamment
par rapport à la perte de la biodiversité, et à la
conservation et l'amélioration de l'approvisionnement en eau. La
région apporte, de manière délibérée, une
contribution décisive dans un domaine de l'économie mondiale qui
soutient l'emploi et la subsistance de 1,6 milliard de personnes.
En raison de l'importance des enjeux environnementaux du pays
sur le plan international, sa situation et son évolution font l'objet
d'un important suivi de la part des Organisations
[202 ]
Le voyage que les pays de cette région ont
entamé, est une police d'assurance en termes d'adaptation aux
changements climatiques et de fourniture de services vitaux en termes
d'atténuation au niveau global, la déforestation étant
responsable d'environ 18% des émissions actuelles de gaz à effet
de serre. C'est une police d'assurance, non seulement pour cette
génération, mais bien au-delà, pour garantir la survie de
notre planète car les deux tiers des formes de vie terrestres se
trouvent dans les forêts.
Ce riche et varié trésor de la
biodiversité et des ressources génétiques feront partie de
la révolution biologique et industrielle de ce siècle, qui va
marquer une rupture fondamentale avec les révolutions industrielles du
passé qui étaient fondées sur la destruction plutôt
que sur la conservation et la gestion durable des écosystèmes
forestiers.
La direction de la RDC avec Joseph Kabila repose sur un
partenariat, entre la République Démocratique du Congo, le Gabon,
le Cameroun, la République du Congo et toutes les autres nations de
cette région, un partenariat plus large, basé sur le Partenariat
pour les Forêts du Bassin du Congo « PFBC » et sur des
relations étroites avec certains pays développés comme la
Norvège, et aussi, avec le système multilatéral dont le
PNUE est fier de faire partie ; c'est également un partenariat avec la
science, cette science qui sous-tend les politiques à mettre en oeuvre ;
un partenariat avec une économie verte qui met en exergue
l'énorme valeur de la nature; son capital naturel qui, de par le
passé, était complètement invisible dans les comptes
nationaux et mondiaux.
Cette science ainsi que de nombreuses études
économiques mettent en exergue les potentialités de la RDC car ce
pays héberge environ la moitié des forêts tropicales
humides d'Afrique, et 50% des ressources en eau douce du continent.
Jusqu'à 43 milliards de tonnes de carbone pourraient être
émis par le changement d'utilisation des terres en RDC, ce qui
équivaut à 4 ans d'émissions mondiales.
La RDC réalise donc l'énorme potentialité
économique en termes d'opportunités de développement pour
le pays et les aspects stratégiques pour la RDC, pour la
sous-région et pour l'Afrique dans le cadre des négociations sur
le climat.
Un des moteurs pour catalyser des changements positifs dans
l'environnement ainsi que dans le développement durable est la
Réduction des Emissions résultant de la Déforestation et
de la Dégradation des forêts « REDD + ».
[203 ]
internationales comme les Nations Unies. Les acteurs
institutionnels disposant de prérogatives et de missions dans le domaine
de l'environnement sont principalement le Ministère de l'Environnement,
de la Conservation de la Nature et du Développement Durable, disposant
de représentations provinciales, et un certain nombre
d'établissements sous la tutelle (Fonds Forestier National, Institut
Congolais pour la Conservation de la Nature, Agence Congolaise pour
l'Environnement...).
La RDC a adopté différents codes
réglementant les activités du pays (Codes minier, agricole, des
investissements, foncier et forestier) de même que des lois,
décrets et ordonnances recommandant de prendre en compte l'environnement
et le patrimoine du pays dans toute activité publique et
privée203. Mais, qui en sont alors les acteurs ?
Section 1ère : Acteurs intervenant dans la
protection de l'environnement en ROC
Les forêts (et même les eaux) constituent la
propriété de l'Etat : leur exploitation et leur utilisation par
les personnes physiques ou morales de droit privé ou de droit public
sont régies par les dispositions du Code forestier et ses mesures
d'exécution.
Paragraphe 1. Acteurs internes
La mise en place de la politique forestière est du
ressort avant tout du Ministère ayant les forêts dans ses
attributions. Dans cette tâche, le Ministère est aidé par
d'autres acteurs tant privés que publics. Citons entre autres :
? Le Ministère ;
? Les exploitants forestiers ;
? Les représentants des communautés locales ;
? Les représentants des populations autochtones
pygmées ;
? Les organisations de la société civile
Dans le cadre de l'élaboration de la politique
forestière nationale, le Ministre implique donc l'ensemble des acteurs
tant publics que privés concernés, à tous les
échelons territoriaux. La politique forestière nationale est
adoptée en Conseil des Ministres sur proposition du ministre et
203 Systra, L.B., Etude du Plan Directeur National
intégré des transports en République Démocratique
du Congo, Contrat N°114/MITP/CI/BAD/2016, RAPPORT PHASE 1, Collecte de
données, analyse & investigation, S.l, S.d, Mai 2017, p.18.
[204 ]
approuvée par décret du président de la
République»204. La responsabilité de la gestion,
de l'administration, de la conservation, de la surveillance et la police des
forêts incombent donc au Ministère ayant les forêts dans ses
attributions. Ce Ministère travaille constamment en collaboration et en
concertation avec les autres Ministères dont les attributions peuvent
avoir une incidence sur le secteur forestier.
Le Président de la République, le Parlement et
le Gouverneur de Province ont chacun, en ce qui le concerne, des
compétences que le Code leur attribue notamment et successivement en
matière de gestion de la forêt, création de Parcs nationaux
et réserves naturelles intégrales, l'élaboration de la
politique forestière nationale, l'approbation d'une concession dont la
superficie dépasse 400.000 hectares et la politique d'allumage des deux
hâtifs de forêts.
Au-delà des acteurs institutionnels (Ministère,
Organisations internationales...), des personnes privées jouent un
rôle important dans le domaine de l'environnement ; les ONG ou
Associations économiques sont particulièrement actives dans ce
domaine. Rappelons également qu'en application du principe de
participation, toute personne a le droit d'être informée et de
participer205.
A. Le Ministère de l'Environnement (Ecologie) a)
L'Administration centrale
Entre 2007 et 2010, le Ministère en charge de
l'Environnement a changé 4 fois de dénomination et de champ
d'action. Il a même perdu son Ministre et a été
rattaché au Premier ministre en Février 2012 jusqu'à la
constitution du nouveau Gouvernement en Mai 2012. Il est devenu
Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de
l'Energie.
Le Ministère comprend notamment : le Secrétariat
général, le Commissariat général au
développement durable, la Direction générale de
l'énergie et du climat, la DG des infrastructures, des transports et de
la mer, la DG de l'aviation civile, la DG de l'aménagement, du logement
et de la nature, la DG de la prévention des risques, etc.
Le Ministre exerce une tutelle exclusive ou conjointe avec
d'autres Ministères, sur plusieurs établissements publics tels
que le Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres, l'Agence de
l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie « ADEME » (la
cotutelle étant exercée
204 Art.5 Loi n°11/2002 du 29 Août 2002 portant Code
forestier. 205Omeonga Onakudu, J. et alii, Op.cit.,
p.51.
[205 ]
par les Ministères chargés de l'industrie et de
la Recherche), le Musée national d'histoire naturelle (en cotutelle avec
le Ministère chargé de l'Enseignement supérieur et de la
Recherche)...206
Il a été créé plusieurs Directions
au sein du Secrétariat Général à l'Environnement et
Développement Durable. Il s'agit des Direction suivantes :
- Direction de Développement Durable ;
- Direction inventaire et Aménagement Forestiers ;
- Direction reboisement et horticulture ;
- Direction de Conservation de la Nature ;
- Direction de la gestion forestière ;
- Direction des ressources en eau207.
b) Les services déconcentrés
Les Directions Régionales de l'Environnement «
DIREN », les Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche
et de l'Environnement « DRIRE » et les Directions Régionales
de l'Equipement ont été regroupées à compter de
l'année 2009 pour former des Directions Régionales de
l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement « DREAL ».
Placées sous l'autorité du Préfet de région, elles
pilotent et déclinent en région les politiques de
développement durable.
c) Les collectivités
territoriales208
Malgré les avancées de la
décentralisation, l'environnement relève encore principalement de
la compétence de l'Etat. Cependant les collectivités
territoriales disposent de compétences que nous ne pouvons
énumérer ici : la Commune, par exemple, est traditionnellement
compétente en matière de déchets, d'eau et
d'assainissement. Les Départements et Régions disposent
également de certains pouvoirs (espaces naturels sensibles des
Départements ou parcs naturels régionaux, élaboration des
schémas régionaux du climat de l'air et de l'énergie, et
des schémas régionaux de cohérence
écologique...).
A noter également qu'une Direction
Départementale des Territoires « DDT » ou, pour les
Départements Littoraux, une Direction Départementale des
Territoires et de la Mer « DDTM » est
206Omeonga Onakudu, J. et alii, Op.cit,
p.51.
207 Nos enquêtes sur terrain d'Octobre 2017 à
Février 2018.
208 En 2010, fut créée, à Kinshasa, la
Régie d'Assainissement et des Travaux Publics de Kinshasa « RATPK
» pour assainir la ville lors du 50ème anniversaire de
l'indépendance.
Op.cit., p.33.
[206 ]
créée dans chaque Département.
Placée sous l'autorité du Préfet de Département,
elle met en oeuvre des politiques d'aménagement et de
développement durables des territoires, de prévention des risques
naturels, de protection et gestion durable des eaux, espaces naturels,
forestiers, ruraux...).
Le Préfet joue un rôle important par le biais de
ses pouvoirs de police spéciale (police des installations
classées pour la protection de l'environnement, police de la chasse...).
Il exerce également son autorité sur les services
Départementaux de l'Etat (DREAL). Le Préfet de Région a
désormais autorité sur les services régionaux de l'Etat et
sur les Préfets de Département209.
B. Le secteur prive économique (patronat)
Par secteur privé économique nous entendons les
exploitants forestiers, les entreprises qui sont chargées de
l'exploitation du bois, des produits connexes mais aussi de leurs
transformations. Nombreux sont les exploitants forestiers qui soutiennent
n'avoir pas eu d'influence notable sur l'élaboration et l'adoption du
Code.
« L'industrie forestière s'oppose à
certains éléments du Code et réclame actuellement qu'il
soit revu et corrigé. On sait toutefois que le secteur privé a
joué un rôle plus proactif dans l'élaboration et la mise en
oeuvre des décrets d'application. Tous les projets de Décrets
sont censés être revus et approuvés par un Comité de
pilotage formé des fonctionnaires gouvernementaux, des
représentants du secteur privé, d'ONG et des Conseillers
spéciaux pour ensuite être envoyés au Ministre ou au
Président de la République pour approbation finale...
»210.
Il existe une pression exercée par les exploitants
forestiers sur le Gouvernement. En effet, Bien que le processus
d'élaboration de politiques forestières soit entravé, le
secteur privé réussit de toute évidence à
convaincre le Gouvernement d'attribuer des parties importantes des forêts
aux fins d'être exploitées.
« Ces obstructions et ces pressions semblent avoir
été provoquées, pour la plupart, par les changements
apportés avec l'appui de la Banque Mondiale au régime fiscal
forestier, lequel est en soi une partie importante de la politique
forestière du Gouvernement, par exemple, en 2002,
209Omeonga Onakudu, J. et alii, Op.cit.,
pp.51-52.
210 FERN, Gouvernance forestière en RDC, le point de
vue d'une ONG, Mars 2006, p.21 in CAMV, Le Forestier 8,
[207 ]
la taxe de superficie était de 0.00143 $ par,
hectare, ce qui signifiait qu'une concession de 200,000 hectares n'apportait au
Gouvernement que 286 $ par année.
La Banque Mondiale a fait pression sur le Gouvernement
pour qu'il augmente substantiellement ces taxes, recommandant vivement de les
porter à 0.5 S par hectare par an (ce qui est encore bas par rapport au
reste de pays du Bassin du Congo et très bas par rapport au reste du
monde). Bien que le Gouvernement y ait d'abord consenti, l'industrie
forestière s'est farouchement opposée à ces changements et
a réussi à convaincre le Gouvernement d'introduire graduellement
les taxes de superficies et de faire en sorte qu'elles ne s'appliquent
qu'à un quart de la zone de concession. La taxe est actuellement de 0.20
$ par hectare»211.
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