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L'histoire des mathématiques et la motivation des élèves.


par Virginie Lazaro Jolibois
Université Joseph Fourier Grenoble - ESPE Grenoble - Master MEEF Mathématiques 2015
  

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I.4. Difficultés et contre-arguments

Malgré l'aspect innovant, original et intéressant de l'introduction de l'Histoire, des chercheurs prennent du recul sur ce qui a été fait et certains n'hésitent pas à critiquer et à donner des contre-arguments à son utilisation. C'est le cas de Michael N. Fried, un enseignant-chercheur de l'Université Ben Gourion du Neguev en Israël qui dans son article Can Mathematics Education and History of Mathematics coexist ?* en 2001 nous fait part de problèmes et difficultés de mise en place de ce type d'enseignement.

La principale difficulté discutée par les enseignants et rapportée par Fried est la gestion du temps. En effet, dans un temps limité, les professeurs doivent enseigner aux élèves un nombre important de notions, et peinent déjà à respecter ce programme. L'Histoire ajoutée étant optionnelle, certains enseignants sont réticents à son introduction.

Déjà en 1938, Bachelard écrivait que l'utilisation de l'Histoire pouvait troubler les élèves en les sortant de leur confort et de leurs habitudes de la discipline.

Par ailleurs, Fried considère qu'il est difficile de traiter convenablement l'Histoire en classe et voit les anecdotes et capsules historiques d'un mauvais oeil. Il craint une dénaturation de l'Histoire qui serait contaminée par une vision moderne des Mathématiques. L'historicité des concepts tend à se perdre. De plus, les professeurs se doivent d'enseigner des Mathématiques modernes aux élèves et de se concentrer sur les savoirs dont ils auront besoin plus tard dans leurs études scientifiques ou d'ingénieurs.

Comme Le Goff l'a écrit dans un article en 1994, l'Histoire peut être comme un « écran » devant les Mathématiques. Fried appuie cet argument en disant qu'avec ce mode d'enseignement le professeur peut perdre de vue son objectif mathématique.

Aussi, pour expliquer des notions ou raisonnements mathématiques, on peut parfois passer par des étapes de l'Histoire qui par la suite n'ont pas abouti, quel serait alors l'intérêt de se lancer dans des impasses ?

*Est-ce que l'enseignement des Mathématiques et l'Histoire des Mathématiques peuvent coexister ?

LAZARO Virginie Mémoire 'Histoire des Mathématiques et motivation des élèves'

Lors de la dixième conférence de l'ICMI (The International Commission on Mathematical Instruction) en 1998 à Luminy sur l'utilisation de l'Histoire des Mathématiques en classe, un chercheur de l'Université de Hong-Kong, Man-Keung Siu a présenté à l'assemblée une liste de treize exclamations et questions, employées à la première personne sur « pourquoi un professeur devrait hésiter ou se décider à ne pas utiliser l'Histoire des Mathématiques dans son enseignement ». Avec le temps et ses collaborateurs, sa liste est passée à seize points que voici :

1) Je n'ai pas le temps en classe !

2) Ce ne sont pas des Mathématiques !

3) Comment peut-on évaluer cela dans un test ?

4) Les étudiants ne deviennent pas véritablement meilleurs en Mathématiques !

5) Cela risque de rendre la matière encore plus complexe à leurs yeux !

6) Les élèves voient ça comme de l'Histoire et détestent l'Histoire !

7) Les élèves voient ça comme aussi ennuyeux que le sujet de Mathématiques lui-même !

8) Les étudiants n'ont pas encore assez de culture générale pour apprécier ce genre d'activité !

9) Il est ridicule de regarder en arrière quand il faut constamment progresser avec les élèves !

10) Il n'y a pas assez de ressources sur le sujet !

11) Il n'y a pas assez de professeurs formés pour cela !

12) Comment être sûr de la précision des travaux présentés ?

13) Ce qu'il s'est vraiment passé est plutôt tortueux. Dire ce qui s'est vraiment passé peut être confus, plutôt que d'éclairer la situation !

14) L'étude de textes originaux est trop difficile !

15) Cela ne fait-il pas paraître un certain chauvinisme culturel ou un aspect nationaliste au discours ?

16) Existe-t-il de véritables évidences empiriques montrant un meilleur apprentissage chez les élèves lorsque l'Histoire des Mathématiques est introduite dans la classe ?

LAZARO Virginie Mémoire 'Histoire des Mathématiques et motivation des élèves'

Pour échapper aux difficultés, certains chercheurs ont tenté d'y apporter des

solutions.

Tout d'abord Avital a écrit en 1995 : « Les professeurs se demandent 'Où vais-je trouver du temps pour enseigner l'Histoire ?' La meilleure réponse est : 'Vous n'avez pas besoin de temps supplémentaire. Donnez juste un problème historique directement lié au sujet que vous enseignez, dites d'où il vient, et laissez les élèves travailler eux-mêmes l'Histoire ». La solution d'Avital permet donc au professeur de ne pas « perdre » de temps mais comme le souligne Fried en 2001, cette réduction apparente de temps supplémentaire est simplement déplacée du cours au temps libre des élèves. Est-ce juste de les faire travailler plus eux ? Fried propose une autre idée qui ne prendrait pas plus de temps ni au professeur ni aux élèves : il s'agirait de faire les mêmes cours qu'à l'ordinaire, mais juste avec un contexte historique. Dans la même optique, le professeur Katz enseigne les savoirs anciens avec une manière actuelle. Cette dernière façon d'enseigner est qualifiée par Fried de lecture synchronique : on décode dans notre système actuel des Mathématiques anciennes.

Selon Fried, l'utilisation de l'Histoire de la discipline pour l'enseigner n'est pas à exclure. Il met en garde ses lecteurs en leur recommandant d'aborder une approche prudente et attentive. Il y a deux façons de faire : soit on reste en symbiose avec le passé, ce que Fried appelle « accommodation radicale », soit le cours mathématique reste séparé du contenu historique, il appelle cela la « séparation radicale ». Dans le premier cas, c'est une lecture d'historien que l'on fait des concepts mathématiques : on cherche à comprendre les notions dans leur contexte historique, il s'agit d'une lecture diachronique pour Fried. Ce dernier écrit que les deux types de lecture cités sont à alterner, ce qui est peu fait par la communauté des enseignants.

LAZARO Virginie Mémoire 'Histoire des Mathématiques et motivation des élèves'

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