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L'histoire des mathématiques et la motivation des élèves.


par Virginie Lazaro Jolibois
Université Joseph Fourier Grenoble - ESPE Grenoble - Master MEEF Mathématiques 2015
  

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I. Etude de recherches

I.1. Constatations et motivations

En France, l'Histoire des Mathématiques n'est pas considérée comme une matière à part entière dans le cursus des élèves du secondaire, elle n'apparaît comme un objet d'étude en soi que dans les cursus universitaires et plus particulièrement dans celui des enseignants et des chercheurs. Cependant dans le Bulletin Officiel, on y retrouve quelques références qui invitent les professeurs à l'intégrer à leurs enseignements. Ainsi on peut lire que « l'Histoire de l'Humanité est marquée par sa capacité à élaborer des outils qui lui permettent de mieux comprendre le monde, d'y agir plus efficacement et de s'interroger sur ses propres outils de pensée [...]. Au terme de la scolarité obligatoire, les élèves doivent avoir acquis les éléments de base d'une pensée mathématique. » Ces recommandations sont suivies un peu plus tard d'éléments aidant à la mise en oeuvre de ce projet. Par exemple dans la liste de types de travaux pouvant être réalisés en autonomie par les élèves chez eux, il est suggéré de leur proposer d'effectuer des « lectures ou recherches documentaires, en particulier sur l'Histoire de la discipline ou plus généralement des sciences pour enrichir les connaissances ». Enfin « certains problèmes peuvent prendre appui sur des éléments empruntés à l'Histoire des Mathématiques ». L'Histoire des Mathématiques n'est donc pas laissée de côté en France, mais elle ne possède pas de programme spécifique et est peu encadrée.

Parmi les recherches effectuées autour de l'intégration de l'Histoire des Mathématiques dans les classes du secondaire, l'une d'entre elles se distingue des autres car elle fait le point sur toutes celles réalisées jusqu'alors. Il s'agit du travail de David Guillemette, doctorant en éducation à l'Université du Québec à Montréal. Il présente une analyse des apports pour les apprentissages des élèves et des méthodologies de recherches dans le domaine de l'introduction de l'Histoire des Mathématiques.

Pour mieux comprendre les motivations de David Guillemette et de ses compatriotes au sujet de l'utilisation de l'Histoire, nous pensons qu'il est important de rappeler quelle place lui est faite au sein des programmes québécois. Il est clairement indiqué que l'intégration de l'Histoire doit être effectuée en classe pour permettre aux élèves de comprendre le sens et l'utilité des Mathématiques, de cerner les liens entre cette matière et les

LAZARO Virginie Mémoire 'Histoire des Mathématiques et motivation des élèves'

besoins de la société qui ont évolué au cours des temps, mais aussi de comprendre que les Mathématiques sont le fruit de longs travaux comme nous l'avons déjà souligné dans l'introduction. Contrairement au programme français, les Québécois semblent plus exigeants sur l'utilisation de l'Histoire. Plus qu'une suggestion, l'insertion de repères historiques est ici obligatoire et complètement intégrée au programme. Des domaines précis doivent être évoqués en classe : l'élève « a l'occasion de découvrir des mathématiciens qui ont marqué l'Histoire de la Géométrie et de la Mesure, par exemple Euclide ou Thalès. Il étudie l'évolution du calcul de la valeur it, un nombre qui a de tout temps fasciné les gens. Il résout des problèmes de mesure sur lesquels plusieurs mathématiciens se sont penchés au cours des siècles, par exemple le calcul de la circonférence de la Terre (Ératosthène), du rayon de la Terre, de la distance entre la Terre et la Lune ou de la hauteur d'une pyramide. Certains instruments de mesure ont traversé les époques et d'autres ont été perfectionnés ; l'élève découvre ces instruments ainsi que l'emploi de différentes unités de mesure. ». Des indications sont également données aux enseignants sur les moyens de procéder pour introduire ces notions : « Que ce soit notamment par le moyen de situations-problèmes, de capsules historiques, de recherches, d'activités interdisciplinaires ou d'un journal ».

L'introduction de l'Histoire des Mathématiques semble donc plus aboutie au Québec qu'en France et fait l'objet de recherches plus poussées, les expérimentations sont aussi plus nombreuses.

David Guillemette, dans son article intitulé Enseignement des Mathématiques et Histoire des mathématiques : Quels apports pour l'apprentissage des élèves ?, distingue deux types de travaux de recherches. Les premiers sont les travaux de recherches sous forme de récits de pratiques réalisées en classe qui sont ensuite analysées. Mais ces travaux possèdent de gros problèmes méthodologiques que nous détaillerons plus tard. Les seconds sont les réflexions plus théoriques qui posent un regard plus aiguisé sur les arguments en faveur de l'utilisation de l'Histoire des Mathématiques. Guillemette appelle à accroître le nombre d'expériences pratiques en améliorant leur qualité. Cela serait la clé pour justifier les trois grandes hypothèses théoriques faites sur l'apport de l'Histoire des Mathématiques qu'ont théorisées certains chercheurs :

LAZARO Virginie Mémoire 'Histoire des Mathématiques et motivation des élèves'

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Ces trois hypothèses ont été répertoriées, entre autres, par Évelyne Barbin dans son document L'Histoire des Mathématiques dans la formation : une perspective historique (1975-2010).

Elle évoque tout d'abord l'« hypothèse de dépaysement », également parfois surnommée « hypothèse de réorientation ». L'Histoire aurait pour but d'étonner. En effet, les Mathématiques tout au long de leur construction ne se sont pas présentées comme nous les présentons aujourd'hui à nos élèves. Elles se sont construites à des époques et dans des lieux géographiques différents où les préoccupations et les besoins étaient différents. Le dépaysement est alors à la fois mathématique et culturel. Pour les élèves cela est source de curiosité et pour l'enseignant cela permet de mieux interpréter les erreurs commises et les questions posées. Pour obtenir cet apport Barbin suggère l'utilisation de textes originaux sans aucune modification ni transposition dans un langage moderne.

La deuxième hypothèse est celle de la vertu épistémologique de l'Histoire. Elle permet de rendre compte de la transformation d'un concept et de comprendre les liens entre différentes branches des Mathématiques. La notion de tangente est prise comme exemple avec son passage d'un problème géométrique pour les Grecs, à un problème cinématique pour Roberval, à un problème d'optique pour Descartes. L'Histoire permettrait également de comprendre les obstacles épistémologiques qu'ont dû franchir les mathématiciens. Ici c'est l'exemple de la notion de nombres qui est utilisée pour illustrer le propos. Une approche épistémologique permet en effet de gommer les erreurs très fréquentes sur les opérations, sur les nombres négatifs ou irrationnels.

La troisième et dernière hypothèse est celle de l'apport culturel de l'Histoire. Elle peut assurément aider à placer les Mathématiques dans un contexte de pensée d'une époque et créer des liens profonds avec d'autres disciplines. Le lien le plus évident qui peut être créé est celui avec la Philosophie. Par exemple, on a vu apparaître la volonté de démonstration au moment de l'établissement de la démocratie grecque. Des rapprochements sont envisageables avec le domaine littéraire, artistique, économique, de la Physique ou de l'Histoire.

Dans notre travail expérimental, nous allons nous concentrer sur la vérification de l'hypothèse de dépaysement qui est très fortement liée à la motivation, nous verrons aussi la sensibilité des élèves à la vertu épistémologique de l'Histoire des Mathématiques.

LAZARO Virginie Mémoire 'Histoire des Mathématiques et motivation des élèves'

Hypothèses théoriques faites sur l'apport de l'Histoire des Mathématiques

Dépaysement

 

Vertu épistémologique

Apport culturel

 
 

Schéma récapitulatif des hypothèses évoquées par Evelyne Barbin

Guillemette, qui encourage l'expérimentation de ces trois hypothèses, s'interroge également sur un ordre, ou une hiérarchisation de celles-ci. Peut-on prouver par l'expérimentation qu'il y a eu un dépaysement sans observer au préalable un apport culturel ? Il se questionne également sur les moyens d'évaluer ces apports. Pour cela il suggère de donner systématiquement la parole aux élèves à travers des entrevues, des réflexions écrites, des questionnaires, ou des productions mathématiques, afin d'obtenir des données solides à analyser.

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