3-2-Les inconvénients :
Si les conflits présentent des avantages, ils n'en
comportent pas moins, bien évidemment, leur lot d'inconvénients
potentiels. On a dit que les conflits permettaient généralement
de solidifier les liens entre les membres d'un groupe et d'accroître la
solidarité. Ceci est vrai durant son déroulement.
Mais, il est tout aussi vrai qu'après une
défaite, la zizanie commence alors souvent. On se serre les coudes
durant la bataille. Mais après le combat, vient l'heure des
règlements de comptes internes. On se blâme mutuellement. On
cherche des coupables. La frustration s'exprime. Evidemment, parfois il ne
s'agit que d'un post-mortem positif. Mais très souvent, le conflit se
déplace à l'interne.
De la même façon, autant une situation
conflictuelle permet de renforcer un leadership, autant la défaite
provoque la remise en question de ce leadership. Ce sont souvent les leaders
qui paient le prix de la défaite. Ce sont eux qui en portent d'abord et
avant tout le blâme. Même s'ils ne sont que des boucs
émissaires d'une situation, ils en portent tout le fardeau.
Les conflits sont une occasion d'augmenter ses gains. Mais ce
ne sont pas tous les conflits qui aboutissent en des gains mutuels pour toutes
les parties, loin de là. Certains conflits à somme nulle
aboutissent certainement à des gains pour l'une des parties, mais ces
gains le sont au détriment de l'autre quand ce ne sont tout simplement
pas les deux qui perdent. Dans le milieu de travail, la perte des acquis
antérieurs comme conséquence d'un conflit est fréquente.
Dans cette perspective, l'accroissement de l'estime de soi qui
résulte d'une victoire peut basculer de l'autre côté dans
la défaite. Nous avons probablement tout connu des personnes qui ne se
sont jamais remises émotivement d'une défaite et qui ont
tourné vers elle-même leur frustration.
« En matière de créativité, les
conflits sont une source de stimulation. Toutefois, il arrive que des
situations conflictuelles soient tellement intenses que les individus
deviennent pratiquement figés »(1). Il n'y a plus aucune
créativité. Toute la pensée est tournée vers
l'autre ; vers la manière de triompher, de régler ses comptes. La
polarisation du conflit amène à voir toute situation en noir et
blanc, à la simplification cognitive. Dans ces circonstances, peu
d'éléments nouveaux peuvent émerger de la situation.
Par ailleurs, si la pensée du groupe menace une
situation d'absence de conflits, elle menace tout autant, les parties en
conflit. Il va de soi, par essence même, que la perception est un
phénomène subjectif que l'on soit en conflit ou non. Cependant,
plus une personne est impliquée émotivement dans une situation
conflictuelle, plus saperception devient biaisée au point où elle
ne voit que le bien fondé de sa position et aucune justification
à celle de l'autre. Etendu à un groupe, ces biais de perception
peuvent aboutir à une pensée de groupe où la situation est
vue d'une manière très manichéenne et où la
réalité est complètement déformée.
Dans de telles circonstances, les conflits menacent d'apporter
de la rigidité dans le système. Devant la menace pressentie de
l'autre, une partie peut réagir négativement et se figer dans ses
positions. Au lieu de permettre de susciter de la créativité et
d'apporter de nouvelles façons de faire, les conflits imposent alors
tout le contraire.
Un autre inconvénient du conflit est qu'il consomme
temps et énergie. Souvent, même des conflits qui apparaissent, au
départ, anodins en arrivent à consommer une grande partie des
ressources matérielles et émotives des parties. Parfois, dans
certains milieux organisationnels, on a nettement l'impression qu'il y a plus
d'efforts consacrés dans les conflits que dans la production. On peut,
comme exemple probant, penser à certaines entreprises à
l'approche de déclenchement d'une grève où plus d'efforts
sont voués aux mesures de représailles de toutes sortes, incluant
le sabotage, qu'à l'atteinte des finalités de l'organisation.
Il va sans dire que, sans pousser précédemment
le conflit à son paroxysme, toute situation conflictuelle peut dans le
milieu du travail nuire au climat organisationnel. La présence de clans
opposés, la rivalitéinterdépartementale, le haut niveau de
tension, la suspicion propre au conflit ne sont pas nécessairement des
ingrédients qui favorisent un climat de travail détendu et
productif.
Enfin, en termes de climat, il est claire qu'un conflit peut
détériorer une relation voire complètement la ruiner. Tout
conflit suit un processus d'escalade qui peut aller jusqu'à
l'élimination de l'une des parties. Sans se rendre à cette ultime
limite, suite à un conflit les relations réciproques acceptables
peuvent être détruites à tout jamais. Les coups bas, les
attaques blessantes, la frustration de ne pas gagner son point, voilà
autant d'éléments qui peuvent marquer une relation.
Somme toute, on ne peut dire qu'en soi les conflits soient
positifs ou négatifs ou qu'ils soient avantageux ou
désavantageux.
On constate que les situations conflictuelles comportent les
ingrédients des conséquences positives et négatives. Si le
conflit peut renforcer un leadership, il peut aussi le détruire. S'il
suscite la créativité, il peut également la figer. Bref,
chaque conflit peut se situer sur un continuum allant du très positif au
très négatif. L'important est donc de bien gérer la
situation afin d'en retirer les avantages et, dans la mesure du possible, d'en
éliminer les inconvénients.
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