B- LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, MOTEUR DE LA VIE
LEGISLATIVE
Le Président de la République est donc
érigé en moteur de la vie législative. Cette
dernière fait référence à l'existence de la loi et
au fonctionnement du parlement. Ainsi, avec la seconde lecture, le
Président de la République apparait comme la clé de
voûte d'un bon fonctionnement de la procédure législative.
A cet effet, le Président de la République est le moteur de la
vie législative parce qu'avec la seconde lecture on peut assister
à la paralysie de de la loi et du parlement d'une part (1), et d'autre
part la loi devient l'expression de la volonté présidentielle
(2).
1- La paralysie possible de la loi et du parlement
à travers la seconde lecture
La seconde lecture est une arme dont dispose le
Président de la République pour paralyser la loi et le parlement.
A sa guise et selon ses désirs, le Président de la
République peut « bloquer la promulgation des lois
»258 et décider de ne pas la promulguer en
formulant des secondes lectures sans que cela ne puisse être
contré. Bien au contraire, l'on ne sera pas étonné qu'une
résistance accrue du parlement puisque causer sa dissolution par le
Président. De la sorte, c'est le parlement qui en pâtie face
à la puissance de l'exécutif car il se trouve paralysé
dans l'exercice de sa fonction législative monopolisée par le
Président de la République. C'est à cet effet que Maurice
HAURIOU affirme que « le pouvoir exécutif (...) intervient dans
l'accomplissement de toutes les fonctions de l'Etat ; d'abord dans la fonction
gouvernementale et administrative qui constitue son domaine principal, mais,
aussi dans la
256 PACTET (P.), op. cit., p. 228.
257 ARDANT (P.) et MATHIEU (B.), Institutions politiques et
droit constitutionnel, 22e éd, LGDJ, 2010, p. 242.
258 BILOUNGA (Th.), op. cit., p. 71.
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fonction législative (...)
»259. Son intervention dans la fonction législative
ne vise pas seulement à assurer la production de la loi, mais aussi et
surtout pour exprimer sa volonté.
2- La loi, expression de la volonté
présidentielle à travers la seconde lecture
La seconde lecture confère une position
privilégiée au Président de la République par
rapport au gouvernement et au parlement dans la procédure
législative. Ainsi, c'est son opinion qui compte à un certain
moment au grand dam de la volonté du peuple exprimée par le
parlement. Ce dernier est donc appelé à «
reconsidérer une loi sur laquelle le Président a une opinion
défavorable »260 car la seconde lecture est une
prérogative « négative lui permettant de s'opposer aux
lois qui ne lui conviennent pas »261 .
En clair, à l'observation de la seconde lecture comme
prérogative du Président, on est en droit d'affirmer que la loi
n'est plus l'expression de la volonté générale, mais elle
est l'expression de la volonté générale
conformément à la volonté du Président de la
République.
259 HAURIOU (M.), Précis de droit
constitutionnel, op. cit., p. 380
260 CC, Evolution de la Nouvelle Calédonie op.
cit., Considérant n° 9
261 PACTET (P.), op. cit., p. 228.
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CONCLUSION SECONDE PARTIE
La seconde lecture est une prérogative du
Président de la République dans le travail législatif. Il
existe une relation d'interdépendance entre les deux institutions dans
la mesure où, si le Président de la République
maîtrise la seconde lecture, cette dernière quant à elle le
valorise.
En effet, le Président de la République
déclenche la seconde lecture non seulement discrétionnairement et
sans motivation, mais aussi exclusivement car les membres du gouvernement et
les autres pouvoirs constitués sont évincés. Par ailleurs,
la seconde lecture est une prérogative qui, lorsqu'elle est
demandée, non seulement ne nécessite aucune habilitation
parlementaire et contribue à la décadence du parlement
législateur. De plus, elle constitue une prérogative
insurmontable et une décision ultime du Président de la
République car, « par l'exercice de la faculté
d'empêcher, le Président de la République statue
définitivement. Il prive de ce fait l'Assemblée nationale de sa
faculté naturelle en la matière
»262.
262 BILOUNGA (Th.), op. cit., p. 71.
CONCLUSION GENERALE
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La procédure législative n'est donc pas un long
fleuve tranquille en droit parlementaire camerounais. Elle peut faire face
à des interruptions provoquées par les différents organes
intervenant dans sa mise en oeuvre. Cette étude en est sans doute la
parfaite illustration à travers son objet qui est la seconde lecture. La
préoccupation centrale qui a motivé celle-ci s'inscrit dans une
perspective de précision du langage juridique dont l'élucidation
est cruciale aux fins de satisfaire aux exigences de communication. Mais aussi
-- et surtout -- de sécurité juridique car, le critère de
l'accessibilité intellectuelle à la norme juridique qui est une
composante essentielle de la sécurité juridique passe
également par la clarté des notions juridiques. Dans cette
perspective cette étude consistait à rendre compte de la
définition de la seconde lecture en droit parlementaire camerounais.
Deux dimensions ont ainsi été retenues, la seconde lecture comme
un incident de procédure législative et comme une
prérogative du Président de la République.
D'une part, la seconde lecture comme incident de
procédure législative a conduit à la détermination
de sa nature incidente et de ses conséquences incidentes. Ainsi, la
nature incidente de la seconde lecture nous a permis de démontrer
qu'elle a la capacité d'affecter le déroulement normal de la
procédure législative normale car elle intègre la
catégorie des différents incidents de procédure. La
procédure législative normale est structurée en trois
étapes à savoir : l'initiative, la délibération et
la promulgation. Ceux-ci peuvent donc être interrompus à tout
moment du fait de la sur d'un incident de procédure tel que la navette
parlementaire, le contrôle de constitutionnalité et la demande de
seconde lecture. Cette dernière qui nous intéresse constitue un
incident du fait de ses caractères imprévisibles et
irrésistibles. Elle entraîne ainsi des conséquences
incidentes telles que la suspension de la procédure législative
et le réexamen de de loi dont les modalités sont ambivalentes et
les finalités variables. Les modalités de la seconde lecture sont
ambivalentes dans la mesure où la procédure de discussion est
identique à celle de la procédure législative normale,
mais l'adoption de la loi exige une majorité importante qui renvoie
à la majorité absolue pour les lois ordinaires et la
majorité qualifiée des membres composants le parlement pour les
lois portant révision constitutionnelle. Quant aux finalités de
la seconde lecture, elles sont variables et portent sur la production d'une loi
de qualité et la consolidation de l'Etat de droit. La loi de
qualité est une loi caractérisée par la
sécurité juridique et une effectivité ; l'Etat de droit
recherchée par la seconde lecture vise à garantir la
suprématie de la constitution et la préservation de l'ordre
social.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
D'autre part, la seconde lecture comme prérogative du
Président de la République laisse entrevoir une relation
d'interdépendance entre les deux institutions : le Président de
la République maîtrise la seconde lecture et la seconde lecture
valorise le Président de la République. Sous le premier rapport,
le Président de la République dispose de la faculté de
déclencher la seconde lecture car elle relève d'un pouvoir
discrétionnaire et elle est dispensée de motivations, qu'il
s'agisse de motifs de droit ou de circonstances. Par ailleurs, C'est une
prérogative exclusive du Président de la République car
lui seul peut la déclencher. Sont donc exclus d'une part les membres du
gouvernement du fait de l'absence de contreseing, consultation et
délégation ; et d'autre part les autres pouvoirs
constitués qu'il s'agisse du parlement à travers ses membres ou
les organes de direction, ou des juges constitutionnels et ordinaires. Sous le
second rapport, la seconde lecture est une prérogative qui valorise le
Président de la République dans la mesure où non seulement
elle rabaisse le parlement, mais elle constitue un véto absolu. La
seconde lecture rabaisse le parlement du fait de l'absence d'une habilitation
parlementaire et de la décadence du parlement législateur car
elle apparait ici comme un vice à l'autonomie du parlement et une
directive à elle adressée par le Président de la
République. Par ailleurs, la seconde lecture constitue un véto
absolu du Président car elle est une prérogative insurmontable et
une décision ultime à travers laquelle ce dernier apparait
manifestement comme étant le moteur de la vie législative.
»263.
Au final, la seconde lecture apparait comme étant une
institution située entre la légistique et les freins et
contrepoids. Si dans le premier cas elle permet d'effectuer un travail de forme
et de fond sur la loi, dans le second cas elle permet d'entrevoir
l'aménagement de la séparation des pouvoirs au Cameroun. Il faut
donc dire qu'avec elle, « la séparation des pouvoirs
présente (...) une prééminence institutionnelle d'une
institution, l'institution présidentielle, qui jouit à la fois de
la spécialisation des fonctions, de l'autonomie, qui a un pouvoir
d'influencer l'exercice des autres fonctions et le fonctionnement des autres
organes sans que la réciproque soit vraie (...)
263 OLINGA (A.D.), « Notule sur la séparation des
pouvoirs dans la Constitution camerounaise », in ONDOUA (A.)
(Dir.), La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 : bilan et
perspective, Séminaire organisé par l'Initiative Gouvernance
Citoyenne (IGC) du 17 au 19 janvier 2007, Afrédit, p. 21
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