PARAGRAPHE 2 : UNE PREROGATIVE DE DECISION ULTIME
La seconde lecture constitue donc un véto absolu du
Président de la République dans la mesure où non seulement
elle est insurmontable, mais avec elle le Président décide sur la
loi en dernier ressort. Cette décision ultime du Président de la
République lui permet de transcender les majorités politiques (A)
et l'érige en moteur de la vie législative (B).
A- LA TRASCENDANCE DES MAJORITES POLITIQUES
L'adjectif transcendance vient du verbe transcender qui
désigne « dépasser en étant supérieur ou
d'un autre ordre, se situer au-delà de »254. La
majorité politique désigne « les
252 HAURIOU (M.), Précis de droit constitutionnel, op.
cit., p. 298.
253 OLINGA (A.D.), La constitution de la République du
Cameroun, 2e éd, PUCAC, Yaoundé, 2013, p. 106.
254 Le Robert pour tous, op. cit., p. 1129.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
membres d'une assemblée appartenant aux groupes qui
soutiennent la gouvernement »255 ; lorsque cette
majorité est du même bord que le Président on parle de
concordance, et dans le cas contraire on parle de cohabitation. Le
Président est donc supérieur à ces majorités dans
la mesure où il est législateur en période de concordance
(1) et de cohabitation (2).
1- Le président législateur en
période de concordance
La période de concordance renvoie à celle
durant laquelle le Président de la République et la
majorité des membres du parlement appartiennent au même parti
politique. Ceci renvoie techniquement au fait majoritaire. Ainsi, en
période de fait majoritaire comme c'est le cas au Cameroun, le
Président apparait comme législateur d'abord durant la
procédure normale car puisque c'est lui qui définit la politique
de la nation, il l'impulse à travers des projets de loi
déposés directement par lui-même ou indirectement par son
gouvernement. La procédure législative ne rencontre donc pas le
plus souvent d'incidents de procédure et s'achève par la
promulgation de la loi.
Mais si un facteur juridique ou factuel contraint le
Président de la République à demander une seconde lecture,
il donnera naturellement des instructions à ses partisans sur la loi
à adopter en seconde lecture. En clair, la thèse du
président législateur est indiscutable en période de fait
majoritaire.
2- Le président législateur en
période de cohabitation
La cohabitation s'établit en principe au sein de
l'exécutif entre le chef de l'Etat et le Premier Ministre. Au regard de
la définition de majorité politique susmentionnée, on peut
constater qu'il peut avoir cohabitation entre le président et la
majorité des parlementaires qui n'appartiennent pas au même parti
politique. Dans ce cas, la situation est un peu compliquée en
matière législative dans la mesure où, le Président
de la République et la majorité parlementaire d'opposition
doivent faire des concessions sur la loi. Cette loi a priori est
l'instrument de la mise en oeuvre de la politique du président et de la
majorité parlement. Une telle situation ne s'est jamais posée au
Cameroun, mais si tel devenait le cas, l'un des moyens par lesquels le
Président garderait sa prépondérance dans le travail
législatif serait la mise en oeuvre de la seconde lecture.
255 CORNU (G.), (dir.), op. cit., p. 75.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
En effet, la seconde lecture est une prérogative
« dont l'utilisation dépend de la conjoncture politique
»256 car elle permet au Président de rester
législateur en période de cohabitation et de concordance.
Cependant, le parlement disposant aussi la faculté de maintenir la loi
initiale en adoptant un vote « contre » à hauteur de la
majorité absolue, on arrivera à une situation suivant laquelle le
retour incessant de la loi au parlement le ferait fléchir. Quoi de plus
donc pour affirmer que le Président de la République est
érigé en moteur de la vie législative car avec la seconde
lecture nous constatons que « la procédure législative
est aménagée pour permettre au gouvernement de conserver la
maitrise de sa politique »257.
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