SECTION 2 : UNE PREROGATIVE CONSTITUANT UN VETO ABSOLU
DU
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
La seconde lecture valorise le Président de la
République non seulement parce qu'elle contribue au rabaissement du
parlement, mais aussi parce qu'elle constitue un véto absolu du
Président de la République. Le véto absolu est cette
faculté d'empêcher qui ne rencontre pas de limite ou de
contrepoids pour le contrecarrer ; en clair, la seconde lecture est un
« véto
241 TURK (P.), op. cit., p. 147.
242 Ibid.
243 PACTET (P.), op. cit., p. 436.
244 TURK (P.), op. cit., p. 147.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
produit des effets absolus puisqu'il ne peut
être renversé par les chambres »245.
A cet effet, la seconde lecture est une prérogative insurmontable
(paragraphe 1) et de décision ultime du président de la
république (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : UNE PREROGATIVE INSURMONTABLE
La seconde lecture est une « prérogative qui
s'impose au parlement »246 en France comme au Cameroun.
Lorsqu'elle est formulée, le parlement dispose d'un moyen de
contrecarrer le président qui est l'usage des majorités à
son avantage, mais il est clair qu'elle penchera toujours en faveur des
instructions présidentielles. Et si d'aventure le parlement maintient sa
loi initiale, le président dispose toujours d'un moyen pour affirmer sa
prépondérance sur le parlement ou pour le faire
déférer à sa demande. Ceci se traduit par le
caractère ambivalent (A) et le défaut de mécanismes
d'encadrement (B) de la seconde lecture.
A- LE CARACTERE AMBIVALENT DE LA SECONDE LECTURE
Le caractère ambivalent de la seconde lecture
relève du fait qu'elle peut changer de visage à tout moment, et
elle peut influencer la procédure législative de deux
manières en fonction de l'attitude du parlement. Ainsi, principalement
suspensif (1), son caractère peut devenir accessoirement
définitif (2).
1- Le caractère initialement
suspensif
Lorsque la seconde lecture, inspirée du véto
américain247, est formulée par le Président de
la République, elle a vocation à suspendre le déroulement
de la procédure législative et retourner la loi au parlement.
C'est donc à cet effet qu'elle constitue un « véto
suspensif permettant au chef de l'Etat de retarder mais jamais d'empêcher
tout à fait l'application d'une décision du parlement
»248. Ce véto suspensif « impose un
délai de réflexion supplémentaire au parlement, un droit
au repentir en quelque sorte »249 . Si durant ce
délai de réflexion supplémentaire le parlement n'agit pas
conformément aux exigences posées par le Président de la
République, son véto pourra être définitif.
245 FAVOREU (L.) et Alii, op. cit., p. 428.
246 AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Droit parlementaire, op.
cit., p. 206.
247 CABANIS (M.) et LOUIS MARTIN (M.), « les
constitutions d'Afrique francophone : évolutions récentes »,
éd Karthala, 1999, p. 91.
248 Ibid.
249 Ibid.
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2- Le caractère accessoirement
définitif
Selon André CABANIS et Michel LOUIS MARTIN, la seconde
lecture consacrée dans les constitutions africaines ne peut jamais
« empêcher tout à fait l'application d'une
décision »250. Nous ne partageons pas ce point de
vue, bien au contraire, la seconde lecture est consacrée en Afrique de
façon à ce que la procédure législative ne puisse
prendre fin et la loi ne puisse éventuellement être
promulguée. Conscient de cette situation, le parlement est donc en
situation de faiblesse et est obligé d'adopter une loi qui ne
reflète pas sa volonté ou son approbation en seconde lecture.
Tout ceci trouve une réelle explication dans le défaut de
mécanismes d'encadrement de la seconde lecture.
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