PARAGRAPHE 2 : LA DECADENCE DU PARLEMENT LEGISLATEUR
La décadence traduit ici l'idée d'une chute
progressive du parlement dans l'exercice de sa fonction législative.
Ainsi, le parlement législateur est décadent dans la mesure
où la seconde lecture apparait comme l'une « des contraintes
qui encadrent son action, limitent son autonomie et réduisent sa place
dans le système politique »234. En clair, la
seconde lecture constitue non seulement un vice à la souveraineté
du parlement (A), mais aussi une directive adressée au parlement (B).
A- LA SECONDE LECTURE COMME VICE A L'AUTONOMIE DU
PARLEMENT
L'autonomie désigne dans le langage courant «
la faculté d'agir librement »235. Dans le langage
juridique, il désigne « le pouvoir de se déterminer
soi-même ; faculté de se donner sa propre loi »236
. Le parlement, incarnation de la volonté du peuple, dispose donc
en principe du pouvoir de se déterminer soi-même, de se donner sa
propre loi sous réserve du respect de la Constitution. Mais on peut se
rendre compte que ce pouvoir est effrité avec la seconde lecture car
cette dernière est un vice non seulement à la volonté
directe du parlement (1), mais aussi à la volonté indirecte du
peuple (2).
1- Un vice à la volonté directe du
parlement
« Le parlement donne des lois qui doivent être
validées sans exception, c'est la sagesse de l'Etat. Ni Dieu, ni le roi
ne peut déroger à une loi»237 . Cette
affirmation de Carl SCHMITT est suffisamment éloquente. Elle traduit
l'autonomie dont doit disposer le parlement dans l'exercice de sa fonction
législative. Malheureusement, elle ne saurait prospérer face
à la seconde lecture car « si la règle est que le texte
échappe à l'exécutif dès que le parlement
l'examine, les systèmes à autonomie en surface tendront à
faire du parlement un organe de réponse »238 .
Ainsi, la volonté du représentant du peuple est viciée
234 FAVOREU (L.) et Alii.,op. cit., p. 732.
235Le Robert pour tous, op. cit., p. 78.
236 CORNU (G), (dir.), op. cit., p. 106.
237 Carl SCHMITT, Théorie de la Constitution,
Duncker et Humblor, Berlin, 1989, p. 279.
238 FAVOREU (L.) et Alii., op. cit., p. 731.
MBENGUE EYOUM DANIEL Page 75
LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
par le Président de la République. Il en va de
même de la volonté du peuple, mais de manière indirecte.
2- Un vice à la volonté indirecte du
peuple
La loi est l'expression de la volonté
générale. Cette volonté générale est celle
du peuple, qui l'exprime directement par voie de referendum ou indirectement
par des représentants élus. De la sorte, le peuple peut
être sollicité pour manifester sa volonté face à un
texte. La loi qui sera adoptée ne pourra être
réexaminée en seconde lecture par le parlement ou par le peuple
lui-même car elle aura un caractère absolu. La volonté
directe du peuple par voie référendaire ne peut donc être
viciée par une seconde lecture.
Par contre, lorsque la volonté du peuple est
exprimée indirectement par le parlement, elle peut être
viciée à tout moment par la demande de seconde lecture. Son avis
doit être pris en compte et c'est la raison pour laquelle la seconde
lecture apparait davantage comme une directive adressée au parlement.
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