CHAPITRE 2: LA VALORISATION DU PRESIDENT DE LA
REPUBLIQUE PAR LA SECONDE LECTURE
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Il existe un rapport d'influence réciproque entre le
Président de la République et la seconde lecture. Si la
première institution maîtrise la seconde, la seconde quant
à elle valorise la première. La valorisation renvoie à
l'action de faire prendre ou augmenter la valeur à quelqu'un ou quelque
chose. Le terme valeur désigne ici ce en quoi une personne est digne
d'estime231.
Au regard de ces définition, il apparait que la
prérogative de seconde lecture contribue à l'augmentation de
l'estime du Président par le parlement dans la procédure
législative. Ainsi, la seconde lecture valorise le Président de
la République dans la mesure où non seulement elle rabaisse le
parlement dans la procédure législative (section 1), mais elle
constitue aussi un véto absolu du Président de la
République (section 2).
SECTION 1 : UNE PREROGATIVE RABAISSANT LE PARLEMENT
DANS LA
PROCEDURE LEGISLATIVE
Le rabaissement vient du verbe rabaisser qui désigne
« ramener à un état ou à un degré
inférieur ; mettre au-dessous de la valeur réelle
»232. Ainsi, la seconde lecture est une prérogative
qui met le parlement au-dessus de sa valeur réelle. Ceci laisse entendre
que le parlement a une position ou valeur précise dans la
procédure législative, cette valeur avait été
précisée dans la théorie de la séparation des
pouvoirs : le parlement fait la loi. Mais avec la seconde lecture, nous pouvons
constater que le parlement est grandement diminué dans la production
législative. Il n'est pas sollicité pour une habilitation
(paragraphe 1) et ceci contribue à la décadence du parlement
législateur (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'ABSENCE DE RECOURS A UNE
HABILITATION PARLEMENTAIRE
Le parlement ne peut pas déclencher une seconde lecture
et n'est pas sollicité lors de son déclenchement. Ceci nous
permet de questionner le jeux des freins et contrepoids auquel MONTESQUIEU
faisait allusion dans la théorie de la séparation des pouvoirs.
Comment comprendre qu'un organe dispose d'un pouvoir imparable ? C'est pourtant
le cas avec la seconde lecture dont dispose le Président de la
République. Le parlement ne peut pas la contrecarrer lorsqu'elle est
demandée, il ne peut qu'accepter dans la mesure où il y a absence
de consultation (A) et de majorité parlementaire de recevabilité
(B).
231 Le Robert pour tous, op. cit., p. 1157.
232 Ibid., p. 927.
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A- L'ABSENCE DE CONSULTATION
Tel que précisé plus haut, la consultation est
le mécanisme par lequel une autorité ou un organisme est
consulté pour émettre son avis avant la prise d'une
décision finale. Ainsi, le Président de la République
formule sa demande de seconde lecture sans consulter les présidents (1)
et bureaux des chambres du parlement (2).
1- La non consultation des présidents des
chambres
Les instances faitières des assemblées
parlementaires sont leurs présidents. Ces derniers sont le plus souvent
consultés dans le cadre de l'exercice de leur fonction avant la prise
d'une décision importante par le Président de la
République. C'est ainsi que la Constitution dispose en son article 36
que : « le Président de la République,
après consultation du Président du Conseil
Constitutionnel, du Président de l'Assemblée Nationale et
du Président du Sénat, peut soumettre au referendum tout
projet de réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi, serait
susceptible d'avoir des répercussions profondes sur
l'avenir de la nation et des institutions nationales
»233. Au regard de cette disposition, la consultation des
autorités susvisées est obligatoire, ces derniers peuvent donc
émettre un avis favorable ou défavorable et de ce fait peser sur
la décision du Président de la République. En
matière de seconde lecture, tel n'est pas le cas quelle que soit
l'importance du texte ou ses répercussions sur l'avenir de la nation.
2- La non consultation des bureaux des
chambres
Les bureaux sont les organes de direction des
assemblées parlementaires. Ils jouent un rôle non
négligeable dans le fonctionnement du parlement et dans la
procédure législation spécifiquement. Cependant, force est
de constater que les bureaux ne sont pas consultés lors de la demande de
seconde lecture alors qu'ils le sont pour beaucoup d'autres hypothèses.
C'est ainsi que l'article 8 alinéa 12 de Constitution dispose que :
« le président de la République
peut, en cas de nécessité et
après consultation du gouvernement, des bureaux
de l'Assemblée Nationale et du Sénat prononcer la
dissolution de l'Assemblée Nationale (...) ».
Dans le même esprit de consultation, l'article 15 alinéa 4 de la
constitution dispose que : « en cas de crise grave ou lorsque les
circonstances l'exigent, le Président de la
République peut, après consultation du
Président du Conseil Constitutionnel et des bureaux de
l'Assemblée Nationale et du Sénat, demander à
l'Assemblée Nationale de décider, par une loi,
de
233 Art 36 al. 1 C. du 18 janvier 1996
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proroger ou d'abréger son mandat (...)
». Les bureaux des assemblées ne peuvent donc pas
peser sur une demande de seconde lecture formulée par le
Président de la République. Il en va de même pour les
parlementaires qui ne peuvent pas constituer des majorités de
recevabilité.
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