SECTION 2 : UNE PREROGATIVE EXCLUSIVE DANS SON
DECLENCHEMENT
La seconde lecture est une prérogative que le
Président de la République exerce sans partage, qui lui
appartient à lui seul. Il est donc clair que le Président de la
République dispose de plusieurs prérogatives dont les unes sont
partagées et les autres lui sont exclusives. Cette exclusivité
est établie par rapport aux organes constitutionnels principaux,
c'est-à-dire ceux qui ont été établis dans le cadre
de la séparation des pouvoirs à savoir : le législatif et
le judiciaire. Mais avant de faire appel à ces derniers, l'analyse
portera d'abord les autres corps qui constituent le pouvoir exécutif
à savoir : les membres du gouvernement. Le Président de la
République maitrise donc la seconde lecture dans la mesure où il
ne partage pas son déclenchement avec les membres du gouvernement
(paragraphe 1) et les autres pouvoirs constitués (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'EXCLUSIVITE PAR RAPPORT AUX MEMBRES
DU GOUVERNEMENT
Le Président de la République ne partage pas la
prérogative de seconde lecture avec le Premier Ministres et les
Ministres qui pourtant sont les auteurs des projets de loi. Il faut tout de
même préciser que cette exclusivité est observable depuis
1972202 ; elle était partagée sous l'autonomie
interne203 et sous la Constitution de 1961204,
excepté la Constitution du 4 mars 1960205. La constitution du
18 janvier 1996 se situe dans la continuité de celle de 1972 dans la
mesure où elle ne consacre aucun moyen de partage tel que le contreseing
(A), la consultation et la délégation (B).
202 GUIFFO MOPPO (J. P.), op. cit., p. 107.
203 Ibid., p. 12.
204 Ibid., p. 25.
205 Ibid., p. 78.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
A- L'ABSENCE DE CONTRESEING
Le contreseing est une prérogative importante en
régime parlementaire. Elle a été consacrée en
France ainsi : « Les actes du Président de la République
autres que ceux prévus aux articles 8 (1er alinéa),
11, 12, 16, 18, 54 56 et 61 sont contresignés par le Premier
Ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables
»206. Ainsi, lorsque la nouvelle
délibération est demandée en France, elle doit absolument
être contresignée par le Premier Ministre ou l'un des ministres.
Tel n'est pas le cas au Cameroun où, le Président de la
République formule la demande de seconde lecture sans exigence de
contreseing. Il convient de s'appesantir sur la notion (1) et les implications
(2) du contreseing.
1- La notion de contreseing
Selon Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, le contreseing
désigne « la seconde signature apposée à
côté de celle de l'auteur d'un acte »207.
Pour Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, le contreseing désigne
« la signature apposée par un ou plusieurs ministres, à
côté de la signature du chef de l'Etat, en vue de l'authentifier,
c'est-à-dire de la certifier »208. Enfin pour
Gérard CORNU, le contreseing désigne « la signature
apposée par une autorité sur un acte déjà
signé par une autre autorité, auteur de l'acte, afin
d'authentifier cette signature et marquer la collaboration des autorités
signataires »209.
Au regard de ces définitions similaires, il apparait
que la notion de contreseing est axée sur des éléments
tels que : la signature de l'auteur d'un acte ; une seconde signature
apposée par une ou plusieurs autres autorités qui en
l'espèce sont le Premier Ministre ou les Ministres ; et les
nécessités d'authentification et collaboration. Cependant, le
contreseing entraîne des implications non négligeables
2- Les implications du contreseing
Le contreseing est « un mécanisme fondamental
des régimes parlementaires »210 et un
procédé d'identification des régimes
parlementaires211 car « tout acte du chef de l'Etat doit
obligatoirement être contresigné par le chef du gouvernement
»212. De la sorte, la première
206 Art 19 C. française de 1958
207 AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Lexique de droit
constitutionnel, op. cit., p. 31.
208 GUINCHARD (S.) et DEBARD (Th.), Lexique des termes
juridiques, op. cit., p. 273.
209 CORNU (G.), (dir.), op. cit., p. 265.
210PACTET (P.), op. cit., p. 144.
211 ALLAND (D.) et RIALS (S.), Dictionnaire de la culture
juridique, P.U.F, 2003, p. 285.
212 PACTET (P.), op. cit., p. 144.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
implication est que le cabinet exerce les pouvoirs
constitutionnels du chef de l'Etat213 ou accepte les
décisions prises par lui. De la sorte, le refus de contreseing constitue
un refus de la décision prise par le chef de l'Etat. Cependant, ce sont
des implications classiques et juridiques car le contreseing a connu une
évolution dans la mesure où ses implications sont devenues
politiques. Ainsi, par le contreseing, « le gouvernement
endosse la responsabilité politique des actes du chef de l'Etat
et peut donc être mis en cause sur ce fondement par le parlement
»214.
Le contreseing implique donc l'endossement de
responsabilité. Ainsi, lorsque le Premier Ministre ou un ministre
contresigne un acte du Président de la République, il ne se
limite pas à l'authentifier, mais aussi à porter la
responsabilité qui peut en découler devant le parlement. La
nouvelle délibération fait donc partie des prérogatives
qui exigent le contreseing en France ; lorsque la demande est formulée,
le gouvernement engage sa responsabilité en apposant son contreseing. Il
y a donc transfert de responsabilité car le Président de la
République est irresponsable.
Au Cameroun, la demande de seconde lecture n'exige pas une
intervention des membres du gouvernement par contreseing alors qu'il s'agit
d'un régime parlementaire. De la sorte, cette prérogative est
aménagée de manière identique que le véto dont
dispose le Président américain. Il la déclenche seule,
n'assume pas de responsabilité et les membres du gouvernement n'en
adossent pas la responsabilité. En clair, personne n'assume la
responsabilité de la demande de seconde lecture au Cameroun.
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