DECLENCHEMENT
La Constitution dispose en son article 31 que le «
Président de la République promulgue les lois s'il
ne formule aucune demande de seconde lecture ». Dans le
même esprit, les articles 19 et 24 de la Constitution disposent que
« avant leur promulgation, les lois peuvent faire
l'objet d'une demande de seconde lecture ». Au regard de ces
dispositions, la faculté est introduite par le terme « s'il
» et le verbe « pouvoir » dont la
forme déontique infère une permission et non une obligation. De
la sorte, le Président de la République est libre de la
déclencher ou pas. C'est donc une « faculté du
Président de la République »192 car son
déclenchement est non seulement discrétionnaire (paragraphe 1),
mais aussi dispensé de motivation (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'EXERCICE D'UN POUVOIR DISCRETIONNAIRE
Le terme pouvoir discrétionnaire, par opposition
à la compétence liée, est le plus souvent employé
en droit administratif dans le cadre des compétences des
autorités administratives. Il désigne « la grande
liberté qui est reconnue à l'administration d'apprécier
l'opportunité de la mesure à prendre et la détermination
de son contenu »193 . Dans le cadre de cette étude,
la discrétion est celle du Président de la République
autorité politique, et de ce fait aucun contrôle juridictionnel ne
peut être envisagé. C'est donc dans cet esprit que le Conseil
Constitutionnel français a pu affirmer que « considérant
que (...) l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (...) ouvre au
Président de la République une option qu'il exerce
discrétionnairement dans le cadre de sa compétence de
promulgation »194. Il convient donc d'analyser
les fondements (A) et les manifestations (B) de la discrétion.
191 BILOUNGA (Th.), « La crise de la loi en droit
public camerounais », R.A.D.S.P, vol 1, n° 1, jan-juin 2013, p.
69
192 PACTET (P.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, op. cit., p. 436
193 GUINCHARD (S.) et DEBARD (Th.), Lexique des termes
juridiques, 22e éd, Dalloz, 2014-2015 p. 756
194 CC, Evolution de la nouvelle Calédonie, op.
cit., considérant n° 23.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
A- LES FONDEMENTS DE LA DISCRETION
Les fondements renvoient ici aux « bases
légales »195 qui sous-tendent la discrétion
du Président de la République dans le déclenchement de la
seconde lecture. Il est donc question de s'appesantir sur les sources du droit
parlementaire camerounais pour déceler lesdits fondements. Il s'agit du
fondement initial qu'est la Constitution (1) et des fondements
dérivés qui sont les lois (2).
1- Le fondement constitutionnel
La Constitution est la norme fondamentale au sein de l'Etat ;
c'est l'acte qui est au sommet de la pyramide des normes, la norme des normes
qui fonde la validité des autres normes juridiques. Il semble donc
évident que ce soit elle qui fonde la discrétion du
Président de la République au premier chef.
En effet, la Constitution française actuelle dispose en
son article 10 que « le Président de la République
promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au
gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il
peut, avant l'expiration de ce délai, demander au parlement une
nouvelle délibération de la loi (...) ». Dans la
même lancée, la Constitution camerounaise consacre à plus
d'un titre cette discrétion du Président de la république
dans la demande de seconde lecture. Nous avons d'abord les articles 19 et 24
alinéa 3 qui disposent identiquement que : « avant leur
promulgation, les lois peuvent faire d'une demande de seconde
lecture par le Président de la République » ; ensuite,
nous avons l'article 31 alinéa 1 qui dispose : « le
Président de la République promulgue les lois adoptées par
le parlement (...) s'il ne formule aucune demande de seconde
lecture » ; enfin, nous avons l'article 63 alinéa 3 qui
dispose qu'en matière de révision constitutionnelle, «
le Président de la République peut demander une
seconde lecture » du texte précédemment adopté.
Toutes ces dispositions témoignent donc du fondement constitutionnel de
la discrétion dont dispose le Président de la République.
La loi ne peut que consolider cela.
2- Les fondements
législatifs
La loi dérive de la constitution ; à cet effet,
elle se situe dans la continuité, le prolongement et même
l'approfondissement de la Constitution en vertu de la reproduction du droit par
degrés. La loi dont il s'agit en l'espèce c'est la loi portant
règlement intérieur des
195 CORNU (G.), (dir.), op. cit., p. 466.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
assemblées parlementaires car cette discrétion
intervient dans le cadre des rapports entre le Président de la
République et le Parlement.
En France, la loi du 14 février 2004 portant
Règlement de l'Assemblée Nationale consacre tout un chapitre
à cette prérogative discrétionnaire du Président de
la République. Il s'agit du chapitre VII intitulé « Nouvelle
délibération de la loi demandée par le Président de
la République ». Ceci témoigne de l'importance
accordée à cette prérogative discrétionnaire, au
regard de ses conséquences tant sur la procédure
législative que sur la loi si elle est déclenchée. Au
Cameroun par contre, c'est certes les mêmes conséquences qui sont
identifiables, mais ce pouvoir discrétionnaire n'a pas été
élevé dans le cadre d'un chapitre comme en France ; bien au
contraire, ce sont des articles comme les autres. En l'espèce, les
articles 65 du Règlement intérieur de l'Assemblée
Nationale et 77 du Règlement intérieur du Sénat disposent
identiquement en leur alinéa 1 que : « avant leur promulgation,
les textes adoptés par le parlement peuvent faire
l'objet d'une demande de seconde lecture par le parlement ». Ces
dispositions législatives, au même titre que la Constitution, non
seulement fondent le pouvoir discrétionnaire du Président de la
République en la matière, mais elles induisent aussi ses
manifestations.
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