La seconde lecture en droit parlementaire camerounais.par Daniel MBENGUE EYOUM Université Yaoundé 2 soa - Master 2 en droit public 2018 |
III- L'INTERET ET LA METHODE D'ETUDEL'on envisagera d'une part l'intérêt (A) et d'autre part la méthode d'étude (B). A- L'intérêt de l'étudeLa détermination de l'intérêt de l'étude tient à la justification de la nécessité qui s'est présentée de la réaliser60. L'intérêt d'étudier la seconde lecture en droit parlementaire camerounais tient entre autre à l'observation des textes qui régissent ladite seconde lecture, et à l'observation de sa mise en oeuvre. Il sera question d'envisager l'intérêt sur les plans théorique et pratique. Sur le plan théorique, cette étude trouve sa raison d'être non seulement au regard de l'aménagement de la séparation des pouvoirs au Cameroun, mais aussi dans la mesure où il 57 TURK (P.), Théorie générale du droit constitutionnel, 3e éd. Gualino, 2010, p. 147 58 FAVOREU (L.) et Alii op. cit., p. 427 59 L'article (...) qui permet au président de la république de demander aux deux chambres du parlement une seconde délibération (...) établit à son profit un véritable véto suspensif. Cf. DUGUIT (L.), Manuel de droit constitutionnel, 4e éd. p. 518 et ARDANT (P.) et MATHIEU (B.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 22e éd., LGDJ, 2010, p. 489 60 ABANE ENGOLO (P. E.), «L'application de la légalité par l'administration au Cameroun », op. cit., p. 24 MBENGUE EYOUM DANIEL Page 16 LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS nous permet d'appréhender la nature du régime politique camerounais. Au regard de la séparation des pouvoirs, la seconde lecture apparait au Cameroun comme étant une manifestation de la faculté d'empêcher prescrite par MONTESQUIEU, dont le but est de limiter les abus de l'autre pouvoir. Cela participe de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs. Ainsi, avec la seconde lecture le président évince a priori toute sorte de tentative d'abus du parlement dans l'exercice de sa fonction législative. Seulement, puisque c'est une faculté du président, d'autres motivations peuvent la sous-tendre a posteriori. Par ailleurs, on ne saurait douter du fait que la consécration d'une seconde lecture est largement tributaire de la nature du régime politique en place au Cameroun. La doctrine camerounaise est largement controversée sur la question ; à l'observation de la seconde lecture en particulier et des rapports entre le président et le parlement en général, il y'a une floraison de qualification du régime : présidentialisme démocratique pour le professeur Alain Didier OLINGA , présidentialiste déconcentré pour le professeur Joseph OWONA, présidentialisme mutualiste pour le professeur Jean Claude TCHEUWA, parlementaire pour le professeur Magloire ONDOA, parlementaire dualiste rationnalisé pour le professeur Bernard Raymond GUIMDO, régime inclassable ou « batard » pour le docteur Yacouba MOLUH pour ne citer que ceux-là. Au regard de la configuration des pouvoirs et de leurs rapport, le constat effectué est celui suivant lequel la seconde lecture participe des techniques de rationalisation du régime parlementaire camerounais. Sur le plan pratique, c'est tout d'abord au niveau de l'actualité au Cameroun que l'intérêt de cette étude peut être trouvé. En effet, cette institution a pour la première fois été déclenchée en 2016 à l'occasion de l'élaboration de la Loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal camerounais. Ceci a interpellé de nombreux observateurs dans la mesure où, étant donné que la quasi-totalité des lois votées proviennent de l'exécutif, il semblait incongrue que la seconde lecture ait été demandée. Certains y voyaient même une sorte de désaveu du Président de la République à l'égard de son ministre de la justice et de sa majorité parlementaire. Tout d'abord, c'est pour conforter l'analyse purement politique de la seconde lecture que ce travail a sa raison d'être, analyse en vertu de laquelle la seconde lecture serait une arme du Président à l'égard du parlement61. 61 Maurice KAMTO « D'emblée, le MRC lance un appel au chef de l'Etat afin que, usant de ses prérogatives constitutionnelles, il demande au parlement une seconde lecture du code pénal, ouvrant ainsi la voie à un dialogue avec les différentes parties prenantes sur les dispositions litigieuses » In www. Africa-info. Org MBENGUE EYOUM DANIEL Page 17 LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS Ainsi, L'étude menée s'emploie donc à démontrer que la seconde lecture est une institution entre les mains du président de la république, mobilisable pour faire échec au parlement. Par la suite, il s'avère que l'étude de la seconde lecture au Cameroun est intéressante car elle s'inscrit dans un contexte d'inflation législative qui nécessite une conformité au droit et une adéquation aux réalités sociales. L'on se souvient encore que l'un des motifs ayant suscité la demande de seconde lecture sur la loi portant code pénal était l'inadéquation de certaines de ses dispositions avec les réalités sociales. Il s'agissait principalement des dispositions relatives à l'adultère des hommes mariés, à la filouterie de loyer et aux immunités ministérielles qui ont conduit à de virulentes contestations de la part des populations, des politiciens et des avocats62. Le but de la demande de seconde lecture alors initiée par le président de la république, était donc d'établir une sorte d'adéquation entre lesdites dispositions et la réalité sociale, auquel cas ces dispositions ne seraient pas respectées effectivement. Surviendrait donc un problème cher à la théorie du droit qui est celui de l' « effectivité » desdites normes. C'est donc à juste titre que Jean Louis BERGEL a pu affirmer que : « l'effectivité du droit dépend de son adéquation aux besoins de la vie sociale 63». C'est la raison pour laquelle cette institution comme on le verra, serait dans une certaine mesure un gage de l'adéquation entre les lois et les réalités sociales, ceci noyé dans la recherche de la qualité du droit et l'Etat de droit. Les données de constatation ainsi établies ont donc fortement participé à la prise d'intérêt d'une étude sur la seconde lecture en droit parlementaire camerounais. Cette étude exige aussi le recours à une méthode précise. |
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