SECTION 2 : LA FAIBLESSE JURIDIQUE ET LE DECLIN DE
L'IDEE DE DROIT EN MATIERE FINANCIERE PUBLIQUE
Début 2013, de nombreux pays francophones ont fait face
au défi d'adopter une nouvelle loi organique budgétaire (LBO) en
lieu et place du cadre budgétaire juridique et réglementaire
existant. L'absence d'une LBO révisée a constitué un frein
considérable à la mise en oeuvre de l'élaboration du
budget-programme dans de nombreux pays de l'UEMOA et dans l'ensemble des pays
de la CEMAC83. Sur ce point, l'on observe deux limites : celle de la
faiblesse juridique (paragraphe 1) et celle du déclin de l'idée
de droit en matière financière publique (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA FAIBLESSE JURIDIQUE DU BUDGET
PROGRAMME
La faiblesse juridique comme facteur d'échec du budget
programme, s'illustre par deux attitudes : celle des Etats qui ont choisi
d'introduire le budget programme par une loi et celle des Etats l'ayant
introduit par la conditionnalité.
83 Rapport CABRI 2013, op.cit., p.
36.
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LE BUDGET PROGRAMME ET ETAT DE DROIT AU CAMEROUN
A-LE BUDGET PROGRAMME RESULTANT DE LA
CONDITIONNALITE
De prime à bord, le budget programme institué
par la loi présente a priori une force obligatoire supérieure
à celle du budget programme résultant de la
conditionnalité. Les deux exigences ne sont pour autant ni
contradictoires ni exclusives. Encore que, dans la plupart des cas, c'est la
contrainte extérieure qui conduit à la loi. La force
supérieur est alors celle induite par les bailleurs de fonds
couplée à la loi qui obligent les acteurs du budget programme
à l'exécuter. Mais cette hypothèse n'est
vérifiée que lorsque les bailleurs de fonds maintiennent la
pression parce plusieurs pays Africains se caractérisent par un faible
attachement à l'Etat de droit et au respect scrupuleux de la loi.
Toutefois, un pays sous condition dispose de très peu
de marge de manoeuvre pour opposer une autre option. Il dispose
également de peu d'enthousiasme à mener une réflexion
rationnelle tant son statut d'« assujetti » ne le prédispose
pas toujours à faire valoir son intelligence. Il est parfois plus
préoccupé des actions de survie que des actions
stratégiques. Cette situation s'observe dans les pays africains
fortement dépendant de la dette extérieure.
B-LE BUDGET PROGRAMME INSTITUE PAR LA LOI
Tout comme le budget résultant de la
conditionnalité, le budget programme institué par la loi a du mal
à s'imposer du fait du faible attachement à l'Etat de droit et au
respect scrupuleux de la loi. Par ailleurs, si l'on peut comprendre que du fait
de leur implantation récente ces pays ne se soit pas encore
véritablement appropriés le budget programme, il faut tout de
même reconnaître que son encadrement juridique reste « mou
». Il n'est prévu aucune sanction en cas de non arrimage des
administrations. Au point où en 2013, date de mise en oeuvre du budget
programme au Cameroun, la plupart des collectivités et des
établissements publics administratifs n'étaient pas encore
alignés sur cette réforme.
Trois raisons fondamentales peuvent expliquer ce fait :
d'abord la faible conscience de l'Etat de droit, ensuite la faiblesse de la loi
qui peut être violée et enfin, l'importance des institutions
juridictionnelles chargées de faire respecter la loi : conseil
constitutionnel, chambre ou cours des comptes, juridictions administratives,
parlement, etc...De la sorte, même en excluant les difficultés
techniques d'appropriation du budget programme, la pression des bailleurs de
fonds s'avère indispensable qu'elle soit ou non accompagnée d'une
institution législative.
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LE BUDGET PROGRAMME ET ETAT DE DROIT AU CAMEROUN
En somme, cette faiblesse juridique fragilise par ailleurs
l'action des acteurs stratégiques notamment la représentation
parlementaire responsable du contrôle de l'action du Gouvernement et
garante des intérêts du peuple. Il en découle une
implication insuffisante de l'ensemble des parties prenantes. Qu'en est-il
alors du déclin de l'idée de droit en matière
financière publique ?
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