Pour conclure sur cette thématique, nous avons pu
confirmer nos hypothèses et rajouter des éléments
supplémentaires dont auraient besoin les formateurs.
En ce qui concerne l'acculturation, cela commence par
susciter l'intérêt de nos collaborateurs. Il faut qu'ils puissent
comprendre la plus-value de ces outils digitaux dans les pratiques
pédagogiques et dans leur posture de formateur.
Par la suite, la formation est évoquée par nos
interlocuteurs, cette fois, ils mettent l'accent sur l'après-formation.
En effet, dans la majorité des cas, les formateurs s'arrêtent
à la formation de quatorze heures sur le SPOC et ne vont pas
jusqu'à la journée en présentiel qui se fait hors de notre
région par les administrateurs nationaux, faute de temps et de
proximité. Ici, le rôle des ingénieurs de formation, est
primordial. Mais faut-il déjà pas qu'ils
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puissent être identifiés ? C'est ce qui nous a
semblé difficile cette année lors de notre prise de poste.
En outre, il faut avoir conscience que la
disponibilité des ingénieurs de formation, quant à elle,
est tout autant nécessaire. Cela permet aux formateurs de se sentir
rassuré et soutenu lors des difficultés rencontrées.
En ce qui concerne l'expérience, l'environnement
numérique est aussi pointé du doigt. En effet, comme nous
l'avions évoqué précédemment (hypothèse 1 -
thème 1), il faut un équipement fonctionnel pour éviter
une mauvaise réalité des outils. Nous savons que dans la plupart
des cas, dès qu'un outil ne fonctionne pas et que nous ne savons pas
où chercher la solution, nous l'abandonnons. Sur ce point, le
problème est que les ingénieurs de formation ne peuvent que
remonter l'information auprès de la direction des systèmes
d'information, et cela nécessite aussi des contraintes en termes de
budget.
Il est annoté que les entretiens ont été
fait avant la crise sanitaire débutant le seize mars deux mille vingt.
Cette situation épidémiologique a entrainé de nombreux
bouleversements au niveau économique, impactant le quotidien des
organismes.
En ce qui concerne l'AFPA, leur plateforme de formation
Mètis a été d'un grand secours. Des formations rapides
digitales ont alors été activement planifiées pour former
les
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formateurs n'ayant pas été formés
à la plateforme. Les ingénieurs de formation de toute la France
se sont alors mobilisés pour la préparation, l'organisation et
l'animation de ces formations. L'idée était d'organiser des
ateliers de formation à travers des formats d'une
demi-journée.
Si nous nous basons sur les chiffres du Grand-Est, nous
avions auparavant, moins de cent collaborateurs formés sur la
plateforme. À travers les formations rapides, une centaine de
collaborateurs ont été formés par ces ateliers de
formation rapides, ce qui double le nombre de formateurs formés en peu
de temps.
Cette situation a intensifié l'utilisation des outils
digitaux et a fait évoluer les modes de pensée des plus
réfractaires. De plus, le marché de la formation s'est
développé par des demandes de formation partiellement ou
totalement à distance auprès des organismes de formation.
Ce que nous pouvons souligner est que l'AFPA a fortement
devancé ses concurrents et sa plateforme numérique a
représenté, jusqu'à ce jour, un incontournable atout.
4. DISCUSSION
Sur le marché de la formation, de nouveaux acteurs
entrent en jeu, présentent des coûts de structure moins
élevée et se modernisent par la digitalisation. Les organismes de
formation déjà présents n'ont plus d'autre choix que
d'opter pour cette nouvelle tendance du digital pour pallier la concurrence.
En ce qui concerne l'AFPA, à l'interne elle a mis en
oeuvre des projets de changement de pratiques de ses formateurs, notamment dans
le remplacement de leurs pratiques traditionnelles au profit de la nouvelle
plateforme de formation, Mètis. Le but était de proposer un
produit, l'enrichir de ressource et le servir de support pour des actions de
formation à différentes modalités
Aujourd'hui, la digitalisation est considérée
comme une évidence pour l'avenir de la formation. Certes, ces
dispositifs ont été assez convaincants, à l'image d'un
avenir prometteur et indiscutable qui profitera au plus grand nombre.
Néanmoins, pour qu'un projet soit efficace il faut que toutes les «
parties prenantes » soient de la « partie ».
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Rappelons que lors de notre enquête et de notre analyse
des données, nous avons interrogé les formateurs de l'AFPA sur la
mise en place de la plateforme numérique Mètis. Tous les
formateurs n'ont pas changé leurs pratiques pédagogiques, non pas
parce qu'ils n'en avaient pas les capacités car le métier de
formateur demande de s'adapter continuellement, mais d'autres causes entraient
en jeu et orientaient les prises de position. Notre enquête, nous a
permis d'en élucider quelques-unes...
Cause 1 : environnement de travail
En premier lieu, toute conduite de projet doit passer par un
changement de l'environnement de travail. L'environnement est lui-même un
facteur essentiel à réorganiser. Cette réorganisation doit
être en lien avec le bien-être des salariés et les contenus
de leurs missions. De ce fait, l'environnement de travail doit être
propice pour accueillir de nouveaux produits.
Cependant à l'unanimité, les formateurs
interrogés nous ont fait part des contraintes et des freins qu'ils
rencontraient dues aux postes informatiques d'anciennes
générations, au réseau de mauvaise qualité et aux
matériels inadaptés à leurs actions. Il est à
savoir que l'organisme de formation, l'AFPA, est en pleine crise
financière pendant la durée du projet. La réalité
de l'environnement est que l'achat de nouveaux matériels et
d'équipements a pu être non envisageable pour cette
dernière.
Cause 2 : La méthode de départ du projet de
changement
Hormis la problématique de la réorganisation de
l'environnement de travail des formateurs, la méthode de départ
adopté par l'organisme pour promouvoir sa plateforme de formation
Mètis n'a pas semblé être un grand succès. Tous les
formateurs n'ont pas été convaincu de cette plateforme tant
révolutionnaire sur le marché de la formation, permettant la mise
en place de la multimodalité au grand besoin des entreprises et d'un
public demandeur. Certes, la plateforme représentait de nombreux atouts,
mais en notre sens, l'approche de l'organisme auprès des formateurs n'a
pas été persuasif.
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La mise en place de la plateforme d'e-learning
dépassait les paradigmes traditionnels de l'acte formatif. Les
formateurs interrogés étaient tous conscients des enjeux des
nouvelles technologies pour l'organisme de formation et pour leur posture.
Néanmoins, ils avaient déjà leurs habitudes, ils n'y
voyaient pas l'intérêt, ça leur faisait peur ... et encore
d'autres raisons qui peuvent être compliquées à
gérer. Pour l'une de nos personnes interrogées, la transformation
digitale signifiait la distance qui signifiait l'oubli de l'humain, et
ça faisait perdre le sens de son activité.
Nous partons du constat que l'organisme doit repérer
en amont les attentes de ses collaborateurs et ne pas les laisser dans un
contexte d'incertitude forte. Dès le départ, les
décisionnaires devaient aller à la rencontre des formateurs pour
leur proposer ce nouveau produit et les différentes
fonctionnalités qu'elle permet, en appuyant sur l'intérêt
qu'ils pouvaient y tirer dans le cadre de leur activité.
Cause 3 : Le défaut de formation
Un autre besoin évoqué plusieurs fois par les
formateurs a été le manque de formation. Nous rappelons
l'existant des modalités de formation à la plateforme
numérique Mètis, se fait en deux temps. Un premier temps par un
SPOC de quatorze heures à distance, et un deuxième temps en
présentiel de sept heures, par l'ingénieur de formation.
Nous sommes convaincus que la formation représente un
intérêt majeur pour les formateurs, et nous comprenons les
frustrations de se sentir seul « face à l'inconnu » durant
quatorze heures de formation derrière son poste informatique. Cette
modalité nous semble possible pour les formateurs ayant une aisance
informatique, mais pour d'autres c'est une série de contraintes, de
frustrations et de freins.
Nous partons du constat que ces modalités de formation
ne sont pas la meilleure solution. D'après nous, elle devra
différer selon les besoins, les attentes et les
spécificités individuelles de chacun. Pour cela, nous avons
proposé des ateliers de formation par niveau.
Le rôle de l'ingénieur de formation sera
d'écouter, d'expliquer les différentes fonctionnalités de
l'outil, et de former les formateurs pour les rapprocher des
intérêts qu'ils peuvent en tirer. Cette proposition a
réjoui les formateurs car avant de mettre en oeuvre l'utilisation de la
plateforme de formation, il était primordial pour eux de passer par une
formation qui répond à leurs besoins.
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Cause 4 : Le manque d'accompagnement
Les formateurs ont exprimé le souhait d'avoir un suivi
régulier de la part des ingénieurs de formation.
L'accompagnement semble être nécessaire pour
gérer au mieux les mutations induites dans les pratiques des formateurs.
Nous sommes conscients qu'il doit être quasi personnel, en individuel ou
en petit groupe, dispensé par les ingénieurs de formation sur le
terrain.
Nous demanderons comme qualité aux ingénieurs
de formation, de la bienveillance, de la patience et de la
réactivité pour répondre au mieux aux attentes des
formateurs.
En parallèle, ils doivent aller à la rencontre
des formateurs pour les informer, les guider et les former en appuyant sur ce
qui peut « donner du sens » à leur activité. Ces
occasions d'échanges peuvent, en notre sens, convaincre les formateurs
d'intégrer la plateforme dans leur pratique. En outre, ces derniers se
sentiront moins seuls mais plus motivés, impliqués et
engagés.