Pour conclure sur cette thématique, nous avons un
public avec des expériences spécifiques, avec quatre d'entre eux
qui étaient plus à l'aise avec le monde de l'informatique car ils
y avaient déjà eu recours durant leurs antécédents
professionnels. En outre, pour l'une des personnes interrogées, elle ne
semble pas être prête à accepter les nouvelles
modalités qu'offre le digital de nos jours, son attachement au contact
humain semble fortement primé sur un éventuel changement de
posture. La prise en compte de la singularité de chaque individu est
incontestable pour comprendre les prises de positions. Nous ne parlons pas de
résistance, car ça ne relève pas de la non-volonté
du formateur mais de ses valeurs, de ses pratiques et des contraintes qui se
trouvent face à lui. Nous estimons que la première
expérience est donc déterminante pour la continuité du
changement. Si les changements sont mal conduits, l'expérience le suit.
Il est alors essentiel d'être bien équipé pour avoir
recours aux outils digitaux et inciter les formateurs à les utiliser
aisément. Bien que les réponses obtenues démontrent un
dysfonctionnement du matériel informatique, il s'agit d'une contrainte
difficilement surmontable car sa résolution ne relève pas d'eux
mais comme ils le soulignent « ils font avec ».
Thématique 2 :
Dans un premier temps, comme le décrit S.
Gérin-Lajoie, C. Papi, I. Paradis (2019) : « l'accroissement de
l'utilisation des technologies numériques dans la formation en
présentiel ou à distance a permis l'émergence de diverses
façons ou de multiples modèles pédagogiques ou types de
cours, voire de formations ». Ainsi, l'environnement concurrentiel oblige
les organismes de formation à s'engager dans des projets de changement
vers la digitalisation. Les choix des entreprises s'orientent vers des
formations courtes, à distance et accueillant le plus grand nombre. Cela
incite les organismes à renouveler les pratiques pédagogiques de
leurs formateurs, à revoir leurs technologies numériques et
à assurer tout type de modalité de formation.
Dans le cadre de projets de changement, les formateurs
doivent être informés par les mutations qui s'introduisent dans
leur secteur d'activité. Nous pensons que dès lors que les enjeux
ne sont pas convaincants pour tous, les contraintes peuvent s'avérer
plus précoces.
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Nous nous sommes demandé si les formateurs
étaient informés par ces transformations qui influencent de plus
en plus le monde d'aujourd'hui.
Dans toutes les réponses obtenues, nous avons
constaté que les formateurs étaient conscients des nouveaux
enjeux du marché de la formation et de ces possibles évolutions.
Nous pouvons citer l'E1, qui comme nous l'avons évoqué
précédemment se tient souvent au courant des évolutions
technologiques, il explique les raisons d'opter pour des outils digitaux:
« je dirais que le marché change donc ça correspond
à un besoin du marché, parce que les commanditaires ou les
financeurs, je pense qu'ils vont basculer de plus en plus vers ces
formules-là puisqu'on a un changement du financement, on est sur des
formations plus courtes et à distance donc en principe un coût
moins élevé » (E1, annexes, lignes
34-37).
Dans un deuxième temps, une autre raison qui oriente
les formations vers la digitalisation est le délaissement des
contraintes de temps et de lieu.
Selon l'E5, les plateformes de formation à distance
sont surtout un besoin inéluctable pour former des personnes
géographiquement dispersées : « Je pense que c'est bien
encore une fois quand on a des stagiaires un peu dissimilés partout
quand on est sur la plateforme. Encore une fois, moi étant en
présentiel, je ne présente pas un grand intérêt.
» (E5, annexes, lignes 1527-1528). La dernière phrase
représente une autre explication de la prise de position de la
formatrice qui considère qu'il n'y a d'intérêt à
intégrer la plateforme dans ses pratiques seulement si on l'utilise dans
le cadre d'une formation à distance.
Dans un troisième temps, les compétences
internes représentent aussi un atout considérable pour être
en bonne position sur le marché. Ainsi dans le cadre du projet de
digitalisation de l'organisme de formation, elle a mis en place des formations
de sensibilisation à la multimodalité et à l'utilisation
de sa plateforme de formation. Nous avons alors interrogé les formateurs
pour connaitre les raisons qui démontrent les difficultés de
l'organisme dans la promotion de sa plateforme de formation.
Pour certains de nos répondants, la première
difficulté est le manque de formation. Nous faisons le constat que le
nombre de formateurs non-formés aux produits innovants sont largement
supérieurs aux personnes formées. L'E7 démontre ces faits
en expliquant que la première difficulté est « la
formation, déjà que les gens soient formés aux produits,
soient sensibilisés sur les enjeux de cette nouvelle organisation »
(E7, annexes, lignes 2304-2305). L'E4 rajoute les raisons qui peuvent
expliquer ces écarts : « J'avais des collègues qui
étaient
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réfractaires aussi à tout ce qui
était numérique parce que ça leur fait peur parce qu'ils
ont leurs petites habitudes parce qu'ils pensent qu'on va les surveiller »
(E4, annexes, lignes 1128-1130), elle continue en révélant
qu'il « y'a beaucoup de gens qui ne sont pas forcément
formés à Mètis, ça leur fait très
très peur parce que on va pas se mentir, quand t'as 50 ans et ça
fait 20 ans que t'es formateur et que t'as l'habitude d'avoir ton petit meuble
avec tes petits classeurs, tes trucs et tout bah une plateforme
numérique ça peut faire, je pense très peur
déjà » (E4, annexes, lignes 1112-1116).
Cette réflexion se tourne vers les propos de V.
Duveau-Patureau (2004), qui considère que ce genre d'outil peut
provoquer des attitudes ambivalentes selon les spécificités de
chacun, c'est-à-dire à première impression, il peut
attirer comme il peut faire peur. Généralement, ce sont les
questions d'habitude qui sont remises en cause. C'est comme si nous
étions pendant des années habitués à travailler
d'une manière dont les résultats étaient remarquables et
que le lendemain on nous imposait de travailler autrement pour obtenir les
mêmes résultats mais dans un contexte totalement différent.
Ça provoque cette marque de « peur » qui vient freiner parfois
même stopper les conduites de projets digitales car ça «
pèse sur les représentations des acteurs » (V.
Duveau-Patureau, 2004).
Pour d'autres, c'est un problème organisationnel et de
méthode de départ qui n'a pas su être profitable et qui a
donc engendré des contraintes directes à l'utilisation de la
plateforme. Aux débuts de la diffusion d'informations et du commencement
des formations à la multimodalité et à l'utilisation de
plateforme numérique Mètis, le formateur E1 explique la
problématique : « C'est nouveau pour tout le monde en fait,
tout comme le formateur comme pour l'apprenant. Il y a des méthodes
à mettre en place, on n'est pas les premiers à mettre en place la
plateforme [...] (E1, annexes, lignes 52-54) Donc, faudrait
peut-être les préparer à ça différemment,
changer de méthode au départ » (E1,
annexes, lignes 52-54). On reprend les propos de V.Duveau-Patueau (2004) qui
estime que la mise en place de ce genre de projet doit dispenser « des
moments de formation spécifiques pour chacun et des moments
d'échanges entre acteurs », autrement les organismes pourraient
voir un nombre inférieur à la moyenne dans l'inscription à
ces formations.