Accompagnement et formation à la transformation digitale.par Melek BAHAR INSPE Strasbourg - Master Ingénierie de Formation et des Compétences 2020 |
2.2.3. La place de l'apprenantEn se basant sur l'approche socio-constructiviste36 de L. Vygotsky37, M. Abel et al. (2003) montrent que « l'apprenant doit avoir un rôle actif dans sa formation », ce qui signifie qu'il doit participer à la consolidation de son apprentissage. Cet apprentissage passe notamment par la zone proximale de développement38 et la mise en place d'une pédagogique 36 « Il aborde celle-ci sous l'angle de son développement, tant individuel que collectif, établissant d'étroites relations entre les processus individuels, sociaux et culturels en jeu dans la constitution et la validation des savoirs. » Legendre, M. F. (2008). Un regard socioconstructiviste sur la participation des savoirs à la construction du lien social. Éducation et francophonie, 36(2), 68-69. 37 Lev Vygotski : 1934-1997 38 « le processus de développement ne coïncide pas avec celui de l'apprentissage, mais que le processus de développement suit le processus d'apprentissage qui crée la zone du développement le plus proche » Venet, M., Correa Molina, E., & Saussez, F. (2016). Pédagogie universitaire et accompagnement dans la zone 32 active39 à travers des contraintes et des défis à relever (P. Perrenoud, L. Vygostki). Comme le souligne T. Karsenti (2016) « les TIC ne doivent pas être un objet d'apprentissage mais ils doivent être au service de la pédagogie ». De l'apprentissage personnalisé à l'autorégulation de son apprentissage Avec l'apparition des nouvelles technologies, cette dernière a entrainé le bouleversement des emplois, des compétences-métiers et des organisations de travail cherchant à s'adapter de la façon la plus efficace possible à l'évolution du marché de travail et des sociétés. La citation de B. Bloom (1984) décrit le nouvel enjeu des organismes de formation : : « Il est reconnu depuis longtemps que l'apprentissage personnalisé est plus efficace que d'enseigner de la même manière à tous ». Ces derniers, souvent confrontées à des groupes de plus en plus hétérogènes, tentent de mettre en place des formations individualisées (ou personnalisées) en adaptant la durée, le lieu et les contenus de formation en fonction des besoins, des attentes et des ressources du bénéficiaire (A-F Trollat et C.Masson, 2009). La prise en compte de la diversité des profils s'appuie sur « la régulation des processus d'apprentissage » de P. Perrenoud (1993) pour la reconnaissance des spécificités individuelles. La régulation des processus d'apprentissage repose sur la prise en compte des acquis réels de l'apprenant pour adapter son parcours de formation vers les acquis visés. Dans ce cadre, l'idée est de mettre en évidence « les acquis effectifs de chacun et les ressources qu'il peut mobiliser, pour investir en fonction du chemin qu'il lui reste à parcourir, des obstacles qu'il va rencontrer, de son adhésion au projet de formation » (Perrenoud, 2002). Par ailleurs, le point de départ de chacun devrait être de disposer de l'équipement et du matériel adéquat pour atteindre les objectifs fixés. Il faudrait aussi intérioriser cette « culture numérique » puisque les dispositifs médiatisés demandent d'acquérir l'apprentissage en toute autonomie. Dès lors, qu'on ne prend pas en compte tous proximale de développement des enseignants et enseignantes en formation initiale et continue. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 19(1), 2. 39 Lebrun, M. (2007). Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre : quelle place pour les TIC dans l'éducation?. De Boeck Supérieur. 33 les prérequis nécessaires au bon déroulé d'un parcours contenant des dispositifs médiatisés, nous orientons les apprenants vers l'échec ou l'abandon. En outre, la disponibilité du formateur reste toujours autant dominante, ce dernier intervient pour la régulation de l'apprentissage car sa présence permet le développement des individus, leur organisation et leur collaboration en favorisant les échanges et les modes d'interactions à leurs dispositions. De l'autorégulation à la théorie d'autodétermination (Knoerr, 2005) Les nouvelles modalités d'apprentissage peuvent causer des réticences et des frustrations des apprenants, surtout de la part de ceux qui n'ont pas intériorisé la culture numérique. Cela conduit à repenser les façons d'apprentissage, selon Audet (2012). Pour illustrer la conduite du rejet vers l'apprentissage des outils digitaux, nous nous appuyons sur la théorie de l'autodétermination définit par JG Laguardia et RM Ryan (2000) : « Cette théorie soutient spécifiquement en effet que les humains ont des besoins psychologiques fondamentaux et que leur satisfaction est essentielle à leur croissance, à leur intégrité et à leur bien-être [...] La satisfaction de ces besoins est ainsi vue comme un but « naturel » de la vie, et ces besoins fournissent une grande partie du sens et des intentions sous-jacents à l'activité humaine »40 En s'appuyant sur cette théorie, nous pouvons citer trois types de motivation selon les définitions de C.Louche, C.Bartolotti et J.Papet. (2006) : - L'amotivation : Lorsque l'individu effectue des comportements « sans but », indépendamment de sa volonté. - La motivation extrinsèque : Lorsque l'individu s'engage dans une activité où son comportement a un but qui lui permettrait d'obtenir une récompense ou d'éviter une sanction. La motivation extrinsèque est composée de trois sous-catégories : o La régulation externe : Lorsque l'individu effectue des comportements qui dépendent de « récompenses matérielles ou de sanctions placées sous un contrôle extérieur (par autrui) ». 40 Traduit et adapté de l'anglais par Albert Drouin, Revue québécoise de psychologie, 21(2), 2000
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- La motivation intrinsèque : Lorsque l'individu réalise une activité pour elle-même, pour la satisfaction et le plaisir qu'elle lui procure. Schéma n°2 Le continuum d'autodétermination selon Deci et Ryan (1985)41 D'après les travaux de Knoerr sur la motivation, nous considérons que la motivation est un facteur clé pour l'apprentissage. Par ces propos, Grégoire et al (1996) considère qu'il y'a trois effets positifs des TIC sur la motivation à apprendre, nous les citons : - « Le développement des compétences individuelles » - « L'intérêt pour une activité d'apprentissage » - « L'augmentation du temps et de l'attention consacrée à des activités d'apprentissage ». 41 Récupéré le 3 juin 2020, de : http://flowmanagement.fr/motivation-extrinseque-motivation-durable/ 35 L'intégration des TIC dans les parcours pédagogiques a réellement de l'efficacité s'ils tentent d'accroitre l'autonomie et la motivation à apprendre de l'apprenant. Nous considérons, par les différents enseignements reçus, que l'un des moyens pour susciter la motivation est de se baser sur la vision socioconstructiviste en fournissant aux apprenants des dilemmes et des défis à relever. Cela déclencherait l'autonomie, la curiosité et le dépassement de soi. La mise en place des situations-problèmes testerait la capacité des individus à aller au-delà des contraintes qu'ils peuvent rencontrer dans la vie courante. La réussite face à ces actions serait déterminante dans leurs apprentissages. Pour susciter ces diverses réactions, les modalités et les outils qu'offrent le digital de nos jours conduit à adopter des contenus plus ludiques et interactifs. En passant par la scénarisation des parcours, par des simulations ou des jeux sérieux42, les ingénieurs et les formateurs tentent de dynamiser les dispositifs médiatisés pour amener l'apprenti plus facilement vers la progression. De la motivation au sentiment d'efficacité personnelle L'étude du sentiment d'efficacité personnelle repose sur la théorie sociocognitive de Bandura43. Cette étude se base sur les « croyances dans ses propres capacités à organiser et exécuter les séquences d'actions propres à obtenir certains résultats » (Bandura, 199744). Ces croyances peuvent être modifiées et développées tout au long de la vie en fonction des expériences que rencontrent l'individu (B.Perrault et al., 2010). Le principe est que la capacité et le comportement d'un individu sont déterminés par la perception qu'il possède vis-à-vis de l'activité. En général, l'individu a la capacité de comprendre les situations qui vont l'orienter vers l'échec et la réussite, il va avoir tendance à éviter les activités qu'il ne se sent pas capable d'accomplir et il va se précipiter sur celles où il a la certitude de réaliser les performances attendues. Ses choix seront aussi orientés en fonction des buts qu'il s'est fixé : « la croyance 43 Année de naissance : 1925 44 Récupéré le 13 mai 2020 de : Rondier, M. (2004). A. Bandura. Auto-efficacité. Le sentiment d'efficacité personnelle. Paris: Éditions De Boeck Université, 2003. L'orientation scolaire et professionnelle, (33/3), 475476. 36 de pouvoir atteindre un but détermine non seulement la mobilisation de la personne dans cette perspective mais encore prédite l'atteinte de ce but » (B.Perrault et al., 2010). Le sentiment d'efficacité personnelle rejoint le concept de la motivation en formation, « l'idée est que les croyances que possède l'apprenant en ses capacités à réussir jouent un rôle crucial dans son engagement et ses performances », d'après B.Galand et M.Vanlede (2004). Ces croyances participent à « l'engagement initial dans une activité, à la définition des buts, à l'effort fourni pour atteindre ces buts, qu'à la persistance devant les difficultés rencontrées pour réaliser un but » (Bandura et Locke, 200345) » Malys et Rondier (2004) étayent quatre types de sources d'information permettant à l'individu « d'acquérir un certain degré d'efficacité personnelle pour un comportement donné » : - L'expérience active de maitrise se base sur la capacité personnelle des tâches effectuer : le succès de l'individu lors d'une activité lui permettrait de renforcer sa croyance en ses capacités personnelles, tandis que l'échec provoquera le sentiment inverse. - L'expérience vicariante ou l'expérience indirecte se fonde sur « le phénomène des comparaisons sociales, c'est-à-dire sur l'observation » : l'observation de la réussite d'un de ses pairs peut amener l'individu à renforcer sa croyance en ses capacités à réussir, tandis que l'échec d'un de ses pairs « remettra en doute sa propre efficacité ». - La persuasion verbale repose sur l'impact des conseils, des aides, des suggestions qui peuvent permettre à l'individu d'accroître sa confiance en sa capacité à réussir une activité. - Les états physiologiques et émotionnelles signifient que l'état aversif d'un individu peut influencer sa capacité à réussir. Si l'individu est préoccupé par son état, cela peut le mettre en doute par rapport à ses capacités personnelles, tandis que, s'il n'y prête pas attention, il sera plus enclin à réussir. 45 Meyer, T., & Verlhiac, J. F. (2004). Auto-efficacité : quelle contribution aux modèles de prédiction de l'exposition aux risques et de la préservation de la santé?. Savoirs, (5), 117-134. 37 Les mécanismes de ludification : les jeux sérieux ou serious game Dans le but d'améliorer l'engagement et d'accroître la motivation des apprenants, il peut être essentiel de mettre en place des contenus innovants. D'après P.Cohard (2015) « les nouvelles plateformes mobiles, la dématérialisation de l'offre de jeux vidéo ainsi que les nouvelles formes ludiques (serious games) sont les nouveaux axes de développement de ce marché qui témoignent de sa vitalité et d'une demande importante ». Les jeux sérieux sont des « applications d'apprentissage par le jeu » (Jercic, Astor, Adam, & Hilborn, 2012) et proposent des contenus amusantes et facile à intégrer. La réalité est que les formations via des dispositifs digitalisés ne conduisent pas toujours à des réussites, souvent les individus se découragent et cela les amènent à décrocher et à abandonner la formation. Certaines solutions s'appuient sur l'utilisation des jeux sérieux (serious game) ou sur la ludification des environnements existants (B.Monterrat et al., 2017). Les deux auront pour objectif de permettre l'engagement dans des dispositifs hybrides et ainsi de conduire vers l'activité d'apprentissage en tentant de motiver les individus à « s'engager de manière extrinsèque » (Ryan et Deci, 2000). Ces contenus sont souvent associés à des récompenses qui peuvent être sous forme de badge, de trophée ou de compteur de points et de score (B.Monterrat et al, 2017 ). Par exemple, chaque fois qu'un apprenant dans un parcours de formation aurait terminé l'activité proposé par le formateur, il aura un trophée. Ou bien, chaque fois qu'un formateur aurait apporté une contribution particulière à l'amélioration de la plateforme ou au développement de ses compétences numériques, il aura un badge Synthèse Tout au long de cette partie nous nous apercevons que la digitalisation de la formation restitue les rôles et les fonctions des formateurs et des apprenants. Depuis que l'e-formation (ou l'e-learning) a fait son émergence, les organismes de formation ont réadapté leurs modalités d'enseignement et d'apprentissage en fonction des nouvelles technologies numériques. La tendance prédominante reposait sur l'individu au centre de son apprentissage en intégrant une toute nouvelle culture du numérique pour tirer profit des contenus misent à disposition. Par ailleurs, la place du formateur est toujours fondamentale, puisqu'en plus 38 d'être le transmetteur de savoir, il devient tuteur, accompagnateur, guide et conseiller pour maintenir la motivation et l'engagement de ses stagiaires. Mais faut-il pas déjà que lui soit convaincu par l'intérêt de ces nouveaux dispositifs tant promus ? En effet, les rapports au digital se sont montrés différents en fonction des caractéristiques et des spécificités de chacun, ces derniers disposaient déjà des habitudes, des croyances et des postures bien ancrées. C'est pourquoi, bien que les organismes et les entreprises ont tout intérêt à profiter des potentialités de ces nouveaux outils, il faut convaincre les principaux usagers de la plus-value qu'ils pourraient en tirer avant de finaliser tout projet de changement. |
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