CHAPITRE II - CADRE THÉORIQUE
L'objectif de la présente étude est de mettre en
évidence la relation entre les styles de coping et le niveau de stress
scolaire chez des élèves en classe de Troisième et
Terminale d'Abidjan. Dans le cadre du travail scolaire qu'ils sont
appelés à fournir, les élèves en fin de cycle
secondaire ont à faire face à certaines difficultés ou
situations stressantes, face auxquelles ils mobilisent différentes
ressources à leur disposition, dont les stratégies de coping.
Comprendre la relation entre coping et stress nécessite un fondement
théorique. Un bon nombre de théories sous-tendent l'explication
du stress et du coping. Toutefois, nous nous intéresserons au
modèle transactionnel élaboré par Lazarus et Folkman, et
à l'approche de Frydenberg et Lewis.
En effet, le modèle de Lazarus et Folkman (1984) est
l'une des approches théoriques les plus influentes (Chagnon &
Mishara, 2004) dans le champ de la recherche sur le stress-coping. Ce
modèle théorique s'appuie sur les conditions contextuelles et les
mécanismes psychologiques pour expliquer la perception du stress chez
une personne, ainsi que l'utilisation de certains types de coping. Cependant
les mécanismes socio-cognitifs en question dans ce modèle
théorique ont été beaucoup plus étudiés chez
des adultes. Cette théorie ne permet pas d'inscrire le coping dans le
processus de croissance des enfants, or ces derniers se développent en
même temps que leurs compétences à gérer les
situations stressantes. La perspective développementale montre que les
habitudes de comportements utilisés pendant l'enfance et l'adolescence,
ont tendance à se cristalliser plus tard à l'âge adulte.
D'où le recours au modèle de Frydenberg et Lewis (1993), qui met
davantage l'accent sur l'étude des styles et stratégies de coping
des adolescents, dans une approche développementale.
Mémoire de Master II Conseiller Psychologue ELOYE
FLORENCE Page 13
Styles de coping et niveau de stress scolaire chez des
élèves de Troisième et Terminale à
Abidjan
1- Modèle de Lazarus et Folkman (1984)
Le modèle transactionnel de Lazarus et Folkman (1984)
s'inscrit dans une approche cognitive et contextuelle du stress. Ces chercheurs
élargissent l'étude du stress au-delà des dimensions
biologiques et sociales des travaux antérieurs sur le stress (Selye,
1956), relatifs au syndrome général d'adaptation et aux
mécanismes inconscients de défense. Grâce à leur
modèle, ils ont fait connaitre les facteurs psychologiques qui
déterminent le degré du stress perçu et expliquent les
réactions cognitives et émotionnelles de l'individu face à
la situation stressante.
D'un point de vue général, le stress couvre un
large éventail de situations, qui vont des tracas quotidiens, aux
contextes pathogènes et même à l'état de stress
post-traumatique. Lazarus et Folkman (1984) définissent le stress comme
une transaction particulière entre un individu et une situation dans
laquelle celle-ci est évaluée comme débordant ses
ressources et pouvant mettre en danger son bien-être. Le « stress
» est une expression en anglais qui fait allusion à une «
tension » entre l'individu et son environnement. Cependant, pour Lazarus
et Folkman (cités dans Bruchon-Schwitzer, 2001), le stress n'est pas
simplement une propriété de stresseurs ou
d'évènements « objectifs », mais il traduit surtout
l'expérience subjective d'un individu particulier vis-à-vis de
ces évènements. En d'autres termes, ce sont les
interprétations d'évènements indésirables,
imprévisibles ou incontrôlables qui engendrent cet état
interne de tension. Le stress est ainsi envisagé comme l'ensemble des
perceptions d'impuissance, de frustrations ou de malaise qui envahissent
l'individu face à des événements aversifs ou difficiles
à maîtriser. Une personne se sent stressée si elle a
l'impression d'être en danger (stress négatif), ou si au contraire
elle se sent suffisamment stimulée pour se dépasser ou relever un
défi (stress positif). Cette tension ressentie par l'individu sera donc
fonction de certains facteurs, notamment sa perception de la situation, la
signification qu'il lui attribue et ses croyances concernant ses
compétences à y
Mémoire de Master II Conseiller Psychologue ELOYE
FLORENCE Page 14
Styles de coping et niveau de stress scolaire chez des
élèves de Troisième et Terminale à
Abidjan
faire face. Dans l'approche cognitive et contextuelle de
Lazarus et Folkman (1984), le mécanisme du stress est
présenté comme des formes d'évaluations cognitives mises
en oeuvre par le sujet.
Pour ces chercheurs, l'adaptation est un processus cognitif
qui s'effectue à l'aide d'évaluations et de stratégies, en
vue de surmonter une épreuve difficile. L'impact d'un
évènement stressant sur les réponses d'un individu peut
s'appréhender de façon séquentielle à travers
différentes étapes : lors de l'étape d'évaluation
primaire qui correspond au concept de « stress perçu »,
l'individu évalue les caractéristiques de la situation stressante
(la personne se demande quelle est la nature et le sens de la situation
à laquelle elle est confrontée, ainsi que son impact sur elle).
Ensuite vient une autre étape d'évaluation secondaire, qui fait
référence à la notion de « contrôle
perçu » : elle correspond à l'évaluation des
ressources disponibles pour faire face à la situation (l'individu se
demande ce qu'il peut faire pour affronter la situation, de quelles ressources
il dispose, quelle sera l'efficacité de ses tentatives). Ce principe
d'évaluation où le sujet confronte l'environnement à ses
ressources personnelles, est identifié à une transaction et
constitue un point central de cette approche, d'où le vocable «
théorie transactionnelle » du stress. Cette conception
réfère aux processus impliquant des actions réciproques
entre l'individu et l'environnement (Bruchon-Schweitzer, 2001) et sous-entend
qu'avant toute action d'adaptation, il y a d'abord l'estimation de la situation
et des moyens dont on dispose.
Selon les différences d'interprétation de la
situation, un événement identique n'aura pas
nécessairement les mêmes effets sur deux individus (Paulhan,
1992). Un individu peut par exemple percevoir une expérience
vécue comme un problème insurmontable ou une menace, et ressentir
un stress élevé ; tandis qu'un autre peut concevoir la même
situation comme une occasion de profit personnel ou comme un défi et
ressentir un stress faible. Par ailleurs, certaines personnes affrontent
Mémoire de Master II Conseiller Psychologue ELOYE
FLORENCE Page 15
Styles de coping et niveau de stress scolaire chez des
élèves de Troisième et Terminale à
Abidjan
simultanément de nombreux facteurs de stress, à
maintes reprises, mais peuvent rester en bonne santé ; tandis que
d'autres personnes qui sont objectivement moins exposées à ces
mêmes facteurs de stress, seront enclines à tomber malade. Ces
constats laissent supposer que dans une certaine mesure, les pensées et
les émotions influencent la résistance aux maladies.
Deux grands types de stresseurs sont aussi distingués
dans les travaux rattachés à cette posture théorique : les
« macro stresseurs » qui sont des évènements critiques
survenant ponctuellement et ressentis de façon aigue par le sujet, et
les « micro stresseurs » constitués d'événements
anodins, irritants et frustrants qui caractérisent les échanges
quotidiens entre la personne et son environnement. La sensibilité aux
différents facteurs de stress varie d'un individu à un autre,
mais il semblerait que la répétition constante des
problèmes mineurs de la vie quotidienne, influence davantage
l'apparition d'un syndrome de stress chronique, qu'un événement
majeur. Dès lors, n'importe quel facteur d'un milieu
considéré, constitue une source potentielle de stress, dans la
mesure où ce facteur est susceptible d'affecter la plupart des personnes
évoluant dans ledit milieu.
Le modèle transactionnel de Lazarus et Folkman (1984)
s'est par ailleurs intéressé à la capacité des
individus de s'adapter à ces situations de stress. En effet,
l'évaluation des caractéristiques de l'évènement
stressant et de ses ressources personnelles par l'individu, donne lieu aux
stratégies d'adaptation ou de coping. Le "coping" est un autre des
concepts clés de cette théorie. Cette notion réfère
à l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés
à maitriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou
externes qui menacent ou dépassent les ressources d'un individu (Lazarus
& Folkman, op-cit). Le coping est donc le type de réponse produite
par un individu face à une situation difficile ; il participe à
la mise en place de comportements adaptatifs, permettant de réduire
l'intensité du stress ou de minimiser son effet sur le bien-être
physique et psychologique.
Mémoire de Master II Conseiller Psychologue ELOYE
FLORENCE Page 16
Styles de coping et niveau de stress scolaire chez des
élèves de Troisième et Terminale à
Abidjan
Lazarus et Folkman (op-cit) proposent une
catégorisation dichotomique du coping, soit les stratégies «
centrées sur le problème» et celles « centrées
sur l'émotion». La première catégorie vise la
résolution du problème par différents moyens
orientés vers l'environnement ou envers soi; l'individu entame un
processus pour faire face directement au problème. La deuxième
catégorie a pour objectif la régulation des émotions, ou
l'évitement. L'individu n'agit donc pas directement sur le
problème, mais les stratégies déployées ont pour
effet de rediriger le stress vers d'autres cibles ce qui rend la situation
problématique plus tolérable pour lui, sans pour autant la
modifier.
De ce qui précède, il apparait que dans
l'approche transactionnelle, l'individu n'est pas passif ou
déterminé à l'avance par son environnement physique ou
social. Les processus cognitifs et les capacités d'ajustement de la
personne agissent dans l'acquisition, le renforcement ou le non-maintien de ses
conduites de gestion du stress. En effet, le processus de stress-coping-stress
s'inscrit dans une dynamique cyclique intégrant un feed-back qui permet
à l'individu de savoir si sa stratégie de gestion du stress est
efficace ; s'il estime que la stratégie qu'il a mobilisé pour
faire face n'est pas appropriée, il peut réévaluer la
situation une nouvelle fois, de manière différente et mobiliser
d'autres formes de comportements. Le coping présente un caractère
dynamique, et peut évoluer en même temps que la situation
stressante se modifie. Il y aurait de cette façon une influence
réciproque entre coping et stress. Lazarus et Folkman (1984) soulignent
aussi qu'une stratégie de coping est fonctionnelle ou efficace si elle
permet à l'individu de maîtriser la situation stressante et/ou de
diminuer son impact sur son bien-être physique et psychique. En fonction
de leur efficacité, les réponses de coping diminueront plus ou
moins l'intensité du stress et ses effets néfastes sur la
santé. Toutefois, plus les facteurs de stress sont nombreux,
persistants, indésirables, imprévisibles et
Mémoire de Master II Conseiller Psychologue ELOYE
FLORENCE Page 17
Styles de coping et niveau de stress scolaire chez des
élèves de Troisième et Terminale à
Abidjan
incontrôlables, plus ils peuvent à la longue,
affaiblir les capacités adaptatives d'un individu a priori
résistant.
En somme, le modèle transactionnel apporte d'importants
éclairages dans la compréhension de la relation entre coping et
stress, à travers notamment le processus cognitif qui intervient lorsque
des individus sont soumis à des stresseurs dans leur environnement. Ce
processus consiste en un ensemble de filtres cognitifs (la perception de la
situation stressante, le degré du stress ressenti, le contrôle
perçu, les stratégies de coping) qui interagissent pour amplifier
ou diminuer la réaction de stress. Dans cette perspective
théorique, le stress peut être compris comme la perception chez un
individu, d'un décalage entre les exigences de l'environnement et ses
propres capacités à y répondre ; ou bien encore, comme
l'ensemble des perceptions de malaise, de frustrations ou d'impuissance qui
envahissent l'individu face à des événements difficiles
à maîtriser. Les stratégies centrées sur le
problème semblent être plus qualifiées à la
production d'une réponse adaptée à la situation
problématique, tandis que celles centrées sur l'émotion
seraient plus indiquées à court terme, juste pour réduire
les tensions internes. La théorie transactionnelle présente un
intérêt majeur, parce qu'elle offre un modèle d'analyse qui
ne se limite pas à des stresseurs spécifiques et peut convenir
pour n'importe quelle situation de la vie quotidienne (situation familiale,
scolaire, professionnelle etc...), pourvu qu'elle soit perçue comme
stressante par l'individu ; d'où sa pertinence comme cadre
théorique dans la présente recherche.
Il faut néanmoins objecter que cette théorie a
surtout servi à documenter le stress et le coping des adultes, avec des
échelles de mesure comme le «Ways of Coping Scales» de Folkman
et Lazarus (1980) spécifiquement conçues pour cette population
cible. Cette limite nous conduit par conséquent à nous
intéresser à la conception théorique de Frydenberg et
Lewis (1993) qui s'applique surtout à une population d'adolescents,
similaire à celle de notre étude.
Mémoire de Master II Conseiller Psychologue ELOYE
FLORENCE Page 18
Styles de coping et niveau de stress scolaire chez des
élèves de Troisième et Terminale à
Abidjan
|