CHAPITRE VIII - INTERPRÉTATION DES
RÉSULTATS
En vue d'établir une relation entre le style de coping
et le niveau de stress scolaire chez des élèves de
troisième et terminale d'Abidjan, trois hypothèses de recherche
ont été formulées.
Selon la première hypothèse, les
élèves de 3ème et terminale au style de coping
non productif, expriment un niveau de stress scolaire supérieur à
celui de leurs pairs au style de coping productif. La seconde hypothèse
présume que les élèves de 3ème et
terminale au style de coping non productif expriment un niveau de stress
scolaire supérieur à celui de leurs pairs au style
référence aux autres. Quant à la troisième
hypothèse, elle prétend que les élèves de
3ème et terminale au style de coping référence
aux autres expriment un niveau de stress scolaire supérieur à
celui de leurs pairs au style de coping productif. Ces pronostics ont
été soumis à l'épreuve des statistiques ; le test
du t de Student a confirmé les deux premières hypothèses
et contredit la dernière prédiction.
De façon globale, les résultats montrent que le
style de coping productif est le plus exploité par les
élèves, suivi du style non productif et du style
référence aux autres. En outre, les niveaux moyens de stress
scolaire prouvent que le style non productif est associé à un
stress plus élevé que le style productif et le style
référence aux autres, qui génèrent (tous les deux)
un stress faible. Ces résultats corroborent la thèse de
Frydenberg et Lewis (1993) selon laquelle la capacité des adolescents
à s'adapter aux différentes exigences de leur environnement
dépend de leur répertoire de stratégies d'ajustement. Il
est reconnu que certaines stratégies favorisent l'adaptation, alors que
d'autres la rendent plus difficile.
Nos résultats indiquent une similarité entre le
style productif et le style référence aux autres dans le sens
d'une réduction du niveau de stress, à l'opposé du style
non productif qui agit différemment des deux autres. Si l'on se
réfère à
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l'approche théorique de Lazarus et Folkman (1984), les
résultats obtenus s'expliquent par le processus psychologique mis en
place par les utilisateurs de ces styles de coping pour surmonter leurs
difficultés.
Dès lors qu'un individu juge une situation
menaçante, les processus d'évaluation cognitive et de coping
entrent en interaction. Quelques soient les différentes sortes de
craintes éprouvées par les élèves vis-à-vis
de l'école, les stratégies qu'ils mettent en place sont
essentiellement en rapport avec la façon dont ils jugent leur
environnement et leurs compétences. Face à une situation
stressante, l'individu traite l'information et évalue
l'événement auquel il est confronté, ainsi que ses
compétences ou ses ressources pour l'affronter (traitement cognitif). Il
procède à une analyse du contexte dans lequel il va pouvoir
mettre en oeuvre telle ou telle stratégie. Le contexte correspond
à la fois à l'environnement externe et à l'état
interne provoqué par la perception qu'a le sujet de cet environnement.
Il faut souligner que la situation scolaire est une situation où
l'élève doit produire publiquement une performance, et il existe
une incertitude quant au résultat qu'il peut obtenir ; son estime de soi
est donc menacée en cas d'échec. Devant lui se profile l'inconnu,
l'imprévisible : « Puis-je m'en sortir ? Que va-t-il arriver ?
»
Une fois cette analyse réalisée,
l'élève s'organise pour chercher à diminuer ou à
faire disparaître le stress en déployant un certain nombre de
stratégies, en tenant compte de ses buts d'accomplissement. Elliot et
Dweck (1988) expliquent à ce sujet que chaque but d'accomplissement
évoque des pensées, des émotions et des comportements
spécifiques, déclenche un programme avec des règles de
décision, et des modes de raisonnement distincts. En d'autres termes,
chaque but provoque des conséquences cognitives, affectives et
comportementales qui lui sont propres.
Avec le style de coping non productif, il y a une focalisation
sur les émotions et ce qui compte pour les élèves, c'est
de réduire à court ou à moyen terme les effets
négatifs du stress au niveau de leur ressenti et de leurs
pensées. Leur but,
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c'est juste d'éviter la situation qu'ils jugent
menaçante et l'inconfort qu'elle leur occasionne. Ces
élèves évaluent négativement leurs
compétences : ils s'auto-dévalorisent, pensent que le contexte
leur est défavorable et n'escomptent donc pas la réussite. Ils
ont une vision pessimiste, aussi ils préfèrent fuir toute
réalité qui leur est désagréable, et ne se donnent
pas de chance de vaincre leurs faiblesses. Ils choisissent des
stratégies d'évitement des difficultés. Ils
espèrent échapper à la réalité en ignorant
les tâches scolaires et en laissant le travail s'accumuler. Des
stratégies comme « adopter une pensée magique » «
s'inquiéter » ou « ne rien faire » révèlent
une posture passive et de non contrôle. À force de subir les
évènements sans chercher à résoudre les
problèmes, les élèves de ce groupe de coping se laissent
envahir par la situation et par les émotions négatives.
L'inquiétude s'amplifie, et ils ont de plus en plus de mal à
résister psychologiquement. Dans ces conditions, le niveau de stress
augmente. C'est pourquoi les résultats obtenus attestent que les
élèves au style de coping non productif expriment plus que leurs
pairs de style référence aux autres, et productif, un niveau de
stress scolaire élevé.
Par ailleurs, les tests statistiques établissent un
niveau de stress faible pour le style de coping productif et le style
référence aux autres ; ces résultats suggèrent une
similarité entre ces deux catégories de coping. Cela s'explique
vraisemblablement par la caractéristique commune que partagent les
élèves de ces deux groupes : l'optimisme. En raison de la vision
positive qu'ils se font de leur situation, ces élèves vise le
même objectif de réduire ou d'éliminer les demandes du
stresseur. Cependant, les stratégies qu'ils élaborent devant les
problèmes sont différentes.
Dans le style productif, les élèves
évaluent positivement leurs compétences, et ont confiance en
eux-mêmes. Ils orientent donc leurs stratégies dans le sens de
contrôler l'impact des difficultés et de surmonter les obstacles
par leurs propres
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moyens. Les actions qu'ils déploient démontrent
une volonté de travailler de façon autonome, de maitriser leur
potentiel et d'accroitre leurs performances. Les habitudes cognitives et
comportementales développées, impliquent des efforts
intellectuels soutenus, une attention focalisée sur la réflexion
et le travail. Les stratégies telles que « travailler à
résoudre le problème », « se centrer sur le positif
», « travailler fort pour réussir », montrent que ces
élèves s'engagent dans les activités scolaires parce
qu'ils les considèrent comme quelque chose de cohérent avec leurs
valeurs et leurs buts. Ils ne réalisent pas les tâches scolaires
pour répondre à une pression externe, mais parce qu'ils jugent
cela important pour atteindre leurs buts de réussite. Qu'il s'agisse par
exemple d'acquérir de nouvelles connaissances, de rédiger des
travaux ou de présenter un exposé, les élèves au
style productif ont plus de chance de d'obtenir un bon rendement. La
stratégie « se détendre, se divertir » renforce leur
état affectif positif et a pour effet la baisse des tensions ou du
stress.
À côté de cette catégorie, les
comportements affichés dans le coping référence aux
autres, expriment plutôt l'intention de profiter de l'aide des autres
pour atteindre leurs objectifs. Par contraste avec le coping productif, dans le
style référence aux autres les élèves ont plus
tendance à faire confiance aux autres qu'à leurs propres
aptitudes. Ils comptent sur leur entourage et pour répondre aux
exigences de leur environnement. Ainsi, pour surmonter les craintes
liées à la situation menaçante, l'élève
s'engage dans des stratégies telles que « investir dans ses amis
», « entreprendre des actions sociales » ou « rechercher de
l'aide professionnelle ». Il profite de l'opportunité que lui offre
son réseau relationnel et s'évertue à obtenir le concours
et les ressources des autres, afin de réaliser ses tâches. S'il
reçoit le soutien recherché la pression éprouvée
sera réduite ; dans le cas contraire, il risque d'être
perturbé. Cela peut expliquer le fait que les élèves du
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groupe référence aux autres, ont obtenu une
moyenne plus élevée que les élèves du groupe
productif.
En définitive, les résultats de nos
investigations permettent de se rendre compte que le stress scolaire est un
défaut d'adaptation à l'environnement scolaire ; il est
rattaché selon divers degrés, à des réponses
psychologiques de type "non productif", "référence aux autres" et
"productif". L'élève confronté à un décalage
entre les exigences de son environnement scolaire et ses propres
capacités, puise dans ses tendances habituelles pour produire ses
réponses de coping. Ces styles d'ajustement traduisent le processus qui
débouche sur le choix d'éviter de faire face à la
situation stressante, de l'affronter en la résolvant, ou de chercher de
l'aide auprès d'autrui.
Nos résultats ainsi interprétés feront
l'objet d'une confrontation avec ceux des travaux antérieurs et le
prochain chapitre de notre étude est consacré à cette
discussion.
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