Paragraphe 2: Une difficulté présente dans la
réalisation d'un acte uniforme portant sur le droit bancaire
Le traité OHADA ne traite pas du droit bancaire
pour plusieurs raisons techniques (A). Aussi, le législateur fait face
à un risque de conflit de juridictions (B).
A- Les raisons techniques
L'une des principales raisons techniques qui
empêchent la réalisation par le législateur OHADA d'un
support législatif bancaire est la présence d'un dispositif
réglementaire déjà existant. L'UEMOA le consacre
entièrement. En effet, le droit bancaire à fait l'objet d'une
importante réforme quasi parallèlement dans les zones CEMAC et
UEMOA au cours des quinze dernières années. Ceux-ci harmonisent
déjà la réglementation bancaire disponible, selon les
régions. Ainsi, contrairement à certains pans de l'harmonisation
voulue par le législateur OHADA qui faisaient office de vide juridique,
le droit bancaire a toujours été marqué par l'existence et
la diversité de ses sources. On connait par exemple la pléiade
des circulaires et décisions des autorités monétaires et
l'importance que chacune d'elles revêt dans le domaine. Face à cet
état des choses, les rédacteurs du traité OHADA,
même s'ils conviennent à une prise en compte prochaine d'une
réglementation du domaine bancaire, se demandent comment ils
procéderont face aux dispositions réglementaires en place, qui
semblent avoir tout prévu. L'une des solutions envisagées par
l'OHADA serait, le moment venu, de confier à la CEMAC et à
l'UEMOA la rédaction des avants projets d'actes uniformes concernant le
droit bancaire. Les rédacteurs du traité envisagent
également d'aller sur le terrain de la pratique bancaire relative aux
différents instruments de paiement. Ici également, il faudra
impérativement tenir compte de l'importante réglementation
déjà disponible sur le sujet, et qui prend en compte les deux
régions incluses dans l'espace OHADA. Certains enjeux ressortent de
cette réflexion, et dont le législateur OHADA pourrait saisir les
opportunités qui y découlent. Il y a notamment l'impact des
nouvelles technologies dans le milieu bancaire. S'il est vrai que la
réglementation bancaire est assez fournie, elle n'a pas encore tenu
compte des nombreuses évolutions technologiques qui accompagnent le
secteur. Ce serait donc une occasion pour le législateur OHADA de
s`affirmer en apportant des innovations.
B- Le risque de conflit de juridictions
Avec la présence de plusieurs
systèmes de d'encadrement et de réglementation de
l'activité bancaire, qui revendiquent leur légitimité en
tout état de cause, la question non négligeable d'un conflit de
juridictions pourrait naitre. En effet, le législateur OHADA a
prévu, pour tous les pays membres, le règlement des litiges par
la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) qui est assez complète.
Ainsi, le Juge OHADA dispose de trois attributions : une
juridictionnelle ; une consultative et une arbitrale. La principale
fonction de la CCJA est juridictionnelle. À ce titre, elle est juge de
cassation dans tout litige concernant les matières relevant de la
législation de l'OHADA qui, selon le traité fondateur, couvrent
actuellement neuf domaines, dont le Droit Commercial Général et
le Droit des Sociétés Commerciales, auquel appartient
l'entreprise bancaire. En tant que juge de cassation, la mission principale de
la CCJA est d'assurer l'interprétation et l'application communes des
textes de l'OHADA dans les matières énumérées
ci-dessus. Elle peut être saisie d'un pourvoi en cassation contre les
décisions rendues par les cours d'appel dans ces matières et dans
certains cas, contre les décisions rendues en premier et dernier ressort
par les juridictions inférieures. Elle est également juge de
cassation pour les sentences arbitrales et les décisions statuant sur
les recours en annulation des sentences rendues dans les 17 États
Parties de l'OHADA. En cas de cassation d'une décision, la CCJA peut
évoquer l'affaire au fond, c'est-à-dire se substituer au juge du
premier degré, examiner l'affaire et la rejuger. Ainsi, le juge
OHADA a les pleins pouvoirs. Cependant, l'UEMOA a sa propre Cour de
règlement de litiges, ce qui pose la question de la norme applicable.
Ici encore, le législateur OHADA n'est pas allé en profondeur sur
le terrain de l'exercice de l'activité bancaire. Face à la
présence de plusieurs entités juridictionnelles, les acteurs du
monde de la banque seront prêtés à confusion, ou pourraient
même privilégier la juridiction la plus douce selon leurs
infractions du moment. Le législateur OHADA gagnerait donc à
clarifier les choses en adoptant un statut juridictionnel unique dans le
domaine.
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