Le législateur OHADA dans l'harmonisation du droit bancaire.par Maxime TAKPONON Université de Parakou - Master en Stratégie et Ingénierie Juridique des Entreprises 2018 |
Paragraphe 2: Les divergences avec le Plan Comptable ClassiqueLa spécificité de la société commerciale bancaire a impliqué une nouvelle approche quant à sa comptabilité. Ainsi, la banque possède son propre plan comptable (A). Force est de constater qu'elle est diamétralement opposée au plan comptable d'une entreprise OHADA classique (B). A- Présentation brève du Plan Comptable ClassiqueLe plan comptable OHADA est un référentiel comptable créé par cette organisation. Les travaux réalisés à la suite du Traité de l'OHADA comportent un important volet de Droit Comptable destiné à favoriser l'harmonisation comptable ; ils ont servi de constante référence dans l'élaboration du SYSCOA (système comptable de l'Ouest africain). Le SYSCOA s'appuie sur l'Acte uniforme relatif au Droit comptable prévu dans le Traité de l'OHADA. Le plan comptable lui-même a été adopté en deux étapes. Le référentiel a d'abord été adopté le 1er janvier 1998 par les 8 pays membres de l'UMOA puis a été étendu à tous les pays signataires du traité de l'OHADA à partir du 1er janvier 2002. Le Règlement relatif au Droit comptable fait obligation de tenir une comptabilité aux entreprises soumises aux dispositions de l'Acte uniforme portant Droit commercial général, aux entreprises publiques, parapubliques, d'économie mixte, aux coopératives et, plus généralement, aux entités produisant des biens et des services marchands, dans la mesure où elles exercent, dans un but lucratif ou non, des activités économiques à titre principal ou accessoire qui se fondent sur des actes répétitifs. Sont seuls exclus de son champ d'application les banques, les établissements financiers, les compagnies d'assurances, ainsi que les entreprises soumises aux règles de la comptabilité publique (art. 2 et 5). B- Un plan Comptable Bancaire diamétralement opposé au Plan Comptable OHADALes spécificités de la pratique bancaire n'ont pas épargné les grands principes de sa comptabilité. Ce caractère propre aux pratiques bancaires a donc donné naissance à une comptabilité de banque, avec son propre plan comptable. Le PCB et le SYSCOHADA diffèrent donc sur de nombreux points. La première divergence se remarque déjà dans l'esprit de conception de la comptabilité bancaire qui semble plus affirmée que celle de l'OHADA. En effet, le PCB à pour références fondatrices un cadre conceptuel bien défini, qui met en avant certaines valeurs. Ainsi, l'article 2 de la loi instituant le Plan Comptable bancaire révisé de l'UMOA dispose : « Le cadre conceptuel précise les concepts fondamentaux à la base de la préparation et de la présentation des états financiers des établissements assujettis. Il constitue le socle des dispositions normatives du présent référentiel comptable et apporte des réponses appropriées aux préoccupations relatives à la finalité, aux destinataires et à la nature de l'information financière. » Au titre des valeurs énumérées à la fin de cet article, figure la nature de l'information financière. Cette information financière va au-delà de sa fonction informative relative au seul monde de la banque, contrairement au SYSCOHADA qui se cantonne uniquement aux sociétés commerciales. En effet, l'information financière que prône le cadre conceptuel du PCB a pour finalité de fournir des données utiles sur la situation financière des établissements de crédit et leur variation ainsi que leur performance, mais plus encore, prend en compte « des données provenant d'autres sources telles que l'état général et prévisible de l'économie, les événements et le climat politique99(*) ». Les informations fournies par le PCB ont donc tendance à aller au-delà de leur dimension purement comptable. En effet, le suivi de l'activité macroéconomique est pris en compte ici, car cette dernière affecte inévitablement les activités commerciales, ainsi que les porteurs de ces activités que constituent en premier lieu les sociétés commerciales. Le PCB apporte ainsi une image d'ensemble sur les principaux indicateurs économiques d'un pays, à travers la lecture, certes technique, de la nomenclature interne d'un PCB. Aussi, à cette vocation de perspective économique, le PCB tient compte également de la température politique des pays concernés par les activités économiques en général. Le PCB se voit donc être une mine d'informations stratégique pour tout acteur du monde économique désireux de mieux connaitre des données essentielles pour participer à la destinée économique d'un pays. Le législateur OHADA à travers son plan comptable quant à lui, même s'il recommande des procédures de contrôle interne indispensables à la connaissance de la réalité et de l'importance des événements, des opérations et des situations liées aux activités des sociétés commerciales concernées100(*), il ne recommande que de la « bonne foi101(*) » pour appliquer les règles et les procédures en vigueur. Dans une lecture un peu plus technique du PCB et du SYSCOHADA, certaines différences notables sont à mettre en avant. Ainsi, l'une des premières différences remarquées les deux plans comptables est le nombre de plans de compte que possèdent chacune d'elles: en effet, le PCB en possède huit, pendant que le SYSCOHADA en possède jusqu'à neuf. Ce petit surplus de comptes de classements se justifie très certainement. En effet, le SYSCOHADA fait obligation de tenir comptabilité à un nombre d'entreprises plus grand que ce que représente le PCB a lui seul pour la banque. Cette obligation est mentionnée dans l'article 2 de l'Acte Uniforme de Droit Comptable Révisé qui cite toutes les entreprises prises en compte, sous toutes leurs diverses formes juridiques: « Les entreprises soumises aux dispositions de l'Acte uniforme portant Droit commercial général, aux entreprises publiques, parapubliques, d'économie mixte, aux coopératives et, plus généralement, aux entités produisant des biens et des services marchands102(*) » Ces dernières appellent donc à une exigence comptable beaucoup plus variée, créant ainsi de nouveaux plans de comptes selon les besoins de classement, tout aussi multiples. Le PCB apporte une précision quant à la devise à utiliser pour effectuer les opérations comptables de banque : « Les livres et les documents comptables sont établis en Franc CFA émis par la BCEAO. Par ailleurs, les livres et documents comptables relatifs à l'enregistrement des opérations en devises sont tenus dans chacune des devises utilisées conformément aux dispositions définies par instruction de la BCEAO103(*) ». A ce sujet, le SYSCOHADA ne donne pas de précisions. Ce manque d'informations pourrait être préjudiciable pour des sociétés commerciales présentes dans un espace monétaire partagé par deux banques centrales, qui possèdent chacune leurs devises. Le problème serait alors de savoir quel sera la devise à utiliser pour enregistrer les opérations comptables pour une entreprise sise dans l'espace de la BEAC, mais qui doit rendre compte à sa société mère présente dans l'espace BCEAO. * 99 Article 2 CCPCB * 100 Article 6 al 3 du Acte Uniforme Ohada Comptabilité * 101 Article 6 al 2 * 102 Article 2, CCPCB * 103 Art 66 CCPCB |
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