Le droit international est longtemps resté un droit
qui ne considérer que l'Etat et les organisations internationales. Les
individus n'apparaissaient pas dans les obligations ni dans les droits, sinon
par intermédiation de l'Etat. Pour une certaine doctrine89,
les individus étaient des simples objets de droit, ne pouvant exister en
dehors du cadre étatique, avec comme
89 Comme les tenants du positivisme orthodoxe.
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conséquence qu'ils ne pouvaient détenir des
droits et des obligations dans la société internationale.
Cependant, on assiste de plus en plus à une
évolution qui tend, dans certaines matières, à
considérer l'individu comme titulaires des droits et débiteurs
des obligations. Et cette évolution dériverait de deux
phénomènes dont: d'une part, la prise en considération des
droits de l'homme; et la prise en considération de la
responsabilité individuelle dans certaines situations de guerre d'autre
part (la seconde guerre mondiale, le crime contre l'humanité et à
ce jour le terrorisme).
Les sanctions sont censées être une solution de
dernier recours quand il s'agit de répondre à des violations
massives des droits de l'homme, de lutter contre la contrebande illégale
ou de stopper des groupes extrémistes. De plus en plus, les sanctions
sont également utilisées pour soutenir les efforts de paix, pour
assurer que des élections aient lieu, ou pour démobiliser des
groupes armés.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies,
à la suite l'intensification de la lutte internationale contre le
terrorisme depuis le début des années 2000, a été
emmené à autoriser les Etats membres de l'organisation à
prendre des mesures dites « ciblées »90, autrement
dit, des mesures qui, sans passer par le filtre de l'Etat, visent directement
les personnes suspectées d'avoir des liens avec des organisations
terroristes. Inaugurées à l'égard de l'organisation
terroriste Al Qaïda et de son chef Oussama Ben Laden, ces mesures ont
depuis lors été étendues non seulement à d'autres
organisations terroristes, mais également à des
personnalités ou entités dont le comportement est
considéré comme contraire au droit international et, directement
ou indirectement, responsable de crises internationales. Ces mesures sont
considérées comme plus efficaces et moins discriminatoires et
dommageables pour les personnes qui ne sont pas responsables de ces
comportements, dans la mesure où elles « n'affectent pas la
totalité des
90 Lire à ce sujet la résolution
1373 adoptée le 28 septembre 2001 par le Conseil de
sécurité des Nations Unies (S/RES/1373(2001), dans laquelle il
qualifie les actes de terrorisme de menaces à la paix et à la
sécurité internationales, demandant à tous les Etats, en
vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, de prendre toutes les
mesures appropriées, y compris ciblées, pour lutter contre ce
phénomène; lire également la résolution
S/RES/1390(2002) du 16 janvier 2002 relative aux mesures à prendre
à l'encontre d'Oussama Ben Laden, du réseau Al Qaïda et des
Talibans.
91 Doc. 15579/03, 3 déc. 2003, p.6. Conseil
de l'UE, Lignes directrices concernant la mise en oeuvre et l'évaluation
de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique
étrangère et de sécurité commune de l'UE.
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transactions d'une catégorie particulière avec
un pays tiers mais la partie de ces transactions qui concerne une
catégorie bien définie de personnes et d'entités
»91.
C'est ainsi que certains dirigeants des Etats, parce qu'ils
sont supposés conduire leurs Etats dans la logique de la violation du
droit de la paix et de la sécurité internationales, se voient
sanctionnés en tant que dirigeants ou à cause de leur rôle
dans la situation contraire au droit international.
Lorsque le Conseil de sécurité prend des telles
mesures à l'encontre des individus, il affirme toujours qu'il s'agit des
sanctions contre l'Etat dont relèvent les individus sanctionnés.
Lorsqu'il sanctionne des membres d'un groupe terroriste, c'est le groupe
terroriste qui est visé.
Malgré le fait que le Conseil est l'Organe
habilité à décider des mesures coercitives contre ceux qui
violent la paix et la sécurité internationales, s'adresser
à des individus pour des violations du droit de la
sécurité internationale, peut paraître dangereux aux droits
et libertés individuelles.