PARAGRAPHE II : SANCTION, LEGITIME DEFENSE ET MESURES
CORPORATIVES
La légitime défense est une notion très
bien connue en droit international. En plus, elle est même connue en
droit interne, même si les réalités internes et
internationales diffèrent quelque peu. Nous allons commencer par
préciser la notion de légitime défense.
48Il conviendrait aussi d'interpréter cette
condition en tenant compte de la résolution 2131 (XX) de
l'Assemblée générale du 21 décembre 1965 sur
l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures
de l'Etat et la protection de son indépendance et de sa
souveraineté, et de la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970
sur la déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies, qui toutes deux
condamnent l'usage de mesures économiques et politiques par les Etats
pour contraindre un autre Etat à subordonner l'exercice de ses droits
souverains ou pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce
soit.
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1. Notion de légitime défense
Prévue expressément à l'article 51 de la
Charte, qui en substance dispose: «Aucune disposition de la
présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective dans le cas où un Membre des
Nations Unies est l'objet d'une agression armée... ». Elle
serait, dans cette hypothèse, une réaction face à un acte
d'agression et se bornerait à tenter d'arrêter cette violation.
Suivant une logique comparable au droit interne, il est en principe interdit de
se faire justice à soi-même. Cependant, le droit à la
légitime défense est reconnu à chacun : il est permis de
se défendre entre le moment de l'agression et le moment de
l'intervention des autorités publiques. Elle fait partie de
circonstances qui excluent l'illicéité d'un comportement en soi
dérogatoire en droit.
Toutefois, comme en droit interne, tant que l'autorité
publique n'a pas utilisé la force, l'Etat agressé peut de
façon provisoire, dans l'urgence, se défendre. Il s'agit d'une
possibilité de recours à la force unilatérale, sans
autorisation. Ce droit à la légitime défense, cependant,
n'est pas absolu; car, il vaut « [...] jusqu'à ce que le Conseil de
sécurité ait pris les mesures nécessaires
»49.
Elle est, donc, un droit inhérent à la
qualité d'Etat. On ne peut refuser à un Etat de se
défendre contre une attaque armée actuelle et injuste, quoique
s'étant demis du pouvoir de l'usage de la force, dans ses relations avec
d'autres Etats, au profit de la communauté internationale par le
truchement des Nations Unies, plus spécialement à son organe
central qui est le Conseil de sécurité. Car, il est relié
à une logique générale : les Etats renoncent à
utiliser la force, en échange de quoi la force va être
gérée de manière collective par le Conseil de
sécurité.
La légitime défense s'exerce en droit contre une
agression. Celle-ci est définie comme l'attaque armée
déclenchée par un Etat agissant le premier contre un autre Etat
en violation des règles du droit international50. Par
ailleurs, la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 sur la
définition de l'agression a opté pour le fait de faire
coïncider les articles 2§4 et 51 de la Charte, ceci en
définissant l'agression dans les termes suivants : «
l'agression est
49 Article 51 Charte des Nations Unies.
50 DE BRICHAMBAUT (M.-P.), DOBELLE (J.-F.) et
D'HAUSSY (M.-R.), Leçons de droit international public, Paris;
Presses de Sciences PO et Dalloz, 2002, p.52.
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l'emploi de la force armée par un Etat contre la
souveraineté, l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique d'un autre Etat ou de toute autre
manière incompatible avec la Charte des Nations Unies
»51. A travers ces définitions de même
qu'à la lumière des dispositions de l'article 51, on constate
qu'au départ la qualification d'un Etat de légitime
défense se fait par l'Etat agressé mais que cette qualification
fera l'objet d'une vérification ultérieure par le Conseil de
sécurité. Il faut, par ailleurs, qu'il y ait une agression
armée pour se situer dans le cadre d'une légitime
défense.
L'article 51 sur la légitime défense peut aussi
être complété par la résolution 2625 de
l'Assemblée générale, qui est considérée
comme une interprétation authentique de la Charte. Cette dernière
ne devant être entamée ni avant le début ni après la
fin de l'agression armée. Enfin, la légitime défense doit
disparaitre une fois le Conseil de sécurité agit en vue du
maintien de la paix et de la sécurité
internationales52. Par conséquent, le droit de
légitime défense présente un caractère subsidiaire,
dans la mesure où il ne peut être invoqué qu'aussi
longtemps que le Conseil de sécurité n'a pas pris les
dispositions nécessaires au maintien de la paix et de la
sécurité internationales.
La légitime défense aurait aussi un
caractère inaliénable affirmé, entre autre, par le
même article 51 quand il la qualifie de « droit naturel ».Mais
cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit illimitée, dans la mesure
où son exercice est soumis au contrôle du Conseil de
sécurité.
La liberté d'action dont les Etats jouissent au moment
où ils sont victimes d'une agression armée n'est, du point de vue
de la Charte, que temporaire. En effet, lorsque le Conseil de
sécurité se saisit d'une affaire, il peut adopter toute
décision en vertu des pouvoirs qu'il détient de la Charte. Cela
vise essentiellement la préservation du rôle du Conseil de
sécurité en tant qu'organe ayant la responsabilité
principale pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationale.
51 AG des NU, résolution 3314(XXIX) du 14
décembre 1974 sur l'agression.
52 CORTEN (O.), Le retour des guerres
préventives : le droit international menacé, Bruxelles,
Éditions Labor, 2003,
p.79.
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Concernant le contrôle exercé par le Conseil de
sécurité, tout Etat est tenu de porter à sa connaissance
les mesures prises au titre de la légitime défense, même
si, en pratique, il est relativement rare qu'un Etat le fasse. A notre avis,
cela serait constitutif de mauvaise foi de l'Etat qui prétendrait
exercer la légitime défense. Cette position est soutenue par la
position de la Cour internationale de justice, dans le cadre de l'affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
lorsqu'elle avait mentionné le non-respect par les Etats-Unis
d'Amérique de l'obligation d'informer le Conseil de
sécurité de leurs opérations au Nicaragua pour corroborer
son jugement sur l'illicéité de leurs activités.
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