3. Conditions de licéité de mise en
oeuvre de Contre-mesures
Contrairement à la sanction, la licéité
des contre-mesures, notamment en ce qui concerne leur contenu et leur mise en
oeuvre, est déterminée non seulement en fonction des limites que
leur dictent la civilisation et l'humanité, mais aussi en fonction de
leur but. Le but poursuivi n'est ni de punir ni de chercher des compensations,
mais uniquement d'obliger l'Etat responsable d'avoir violé le droit
à cesser de le faire, en lui infligeant des dommages, et de le dissuader
de recommencer à l'avenir.
Formellement, dans le projet d'Articles sur la
responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite
adopté en 2001, la Commission du droit international a relevé les
conditions tant procédurales que substantielles du recours aux
contre-mesures. A ce sujet, il suffit de rappeler que pour être licites
les contre-mesures doivent satisfaire à trois conditions de base. Ainsi,
pour rester licites, les contre-mesures doivent :
- être dirigées contre l'Etat responsable de
l'acte illicite proprement dit;
- être précédées d'un avertissement
adressé à l'Etat en question, lui demandant de mettre fin audit
acte;
- être proportionnelles à l'acte illicite
dénoncé et toutes les mesures qui ne seraient pas
proportionnelles à l'acte qui est à leur origine seraient
excessives, et donc illicites;
- respecter les principes humanitaires fondamentaux, comme le
prévoient le droit international public et le droit international
humanitaire, selon lesquels il est interdit de prendre ce type de mesures
à l'encontre de certaines catégories de
personnes47;
47Conformément, entre autres, à
l'article 60, paragraphe 5, de la Convention de Vienne sur le droit des
traités. En outre, le paragraphe 4 du même article réserve
les dispositions spécifiques de chaque traité applicable en cas
de violation. Aux termes du droit international humanitaire, l'interdiction de
prendre certaines mesures à l'égard de personnes
protégées est mentionnée dans les articles 46, 47, 13(3)
et 33(3) des quatre Conventions de Genève respectivement et dans
certains articles du Protocole additionnel I, comme les articles 20, 51(6),
54(4). Voir aussi le Quatrième rapport sur la responsabilité des
Etats, chapitre V.C. «Contre-mesures et respect des droits de
l'homme» où le rapporteur observe que «...les limitations
imposées pour des considérations d'ordre humanitaire au droit de
réaction unilatérale à des faits internationalement
illicites ont pris de nos jours (...) une valeur restrictive qui ne le
cède qu'à celle de la condamnation du recours à la
force» (paragraphe 78). Parmi les exemples qu'il cite à l'appui, on
trouve l'arrêt total des relations commerciales avec la Libye
décrété en 1986 par les Etats-Unis, qui ont interdit
l'exportation vers la Libye de tous biens, technologie ou services en
provenance des Etats-Unis à l'exception des publications et des dons
d'articles destinés à soulager des souffrances humaines, tels que
denrées alimentaires, vêtements, médicaments et fournitures
médicales strictement réservées à des fins
médicales (paragraphe 79).
30
- être provisoires et par conséquent cesser
dès que l'Etat en question cesse de violer le
droit48.
Les analyses ci-haut révèlent que les
contre-mesures sont des mesures coercitives et correctives unilatérales,
aux mains des Etats, mais conformes au droit international. Cette
conformité nous l'avons vu, repose sur leur respect des principes
fondamentaux du droit international public. Les contre-mesures respectent et
maintiennent en effet le principe du non usage de la force armée d'une
manière unilatérale dans les relations interétatiques et
les principes de l'égalité et de la souveraineté des
Etats. Ceux-ci ne font d'elles cependant pas une sanction internationale
suivant l'esprit de la Charte, pour le simple fait que la sanction est plus
spécifiquement prise par les instances de décision d'une
organisation internationale à l'encontre de ses membres qui ne
respecteraient pas leurs engagements. En effet, d'après les
rédacteurs de la Charte, on peut parler de sanction que dans le cadre
d'une communauté internationale organisée en vue du maintien de
la paix et capable d'obtenir de ses membres un comportement tendant à ce
résultat. Donc, il serait incorrect dans la société
internationale de qualifier de sanction les mesures prises
unilatéralement par les Etats.
|