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Pour une publicité efficace des sûretés réelles mobilières.


par Gaëtan Jouve
Université Clermont Auvergne - Master droit privé parcours droit civil 2019
  

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- CHAPITRE 3 -

L'APPROCHE GLOBALE ET FONCTIONNALISTE DE LA NOTION DE SÛRETÉ.

Selon Étienne GENTIL, « L'un des reproches qui est fait au régime des sûretés réelles français est son caractère éclaté et disparate, avec de nombreux types de sûretés différents, chacune sujet à son propre régime, à sa propre documentation et à ses propres règles de publicité et/ou d'opposabilité75 ». Outre la première remarque ici faite quant aux manques de lisibilité chroniques qui existe en droit des sûretés français, le propos de cet auteur doit attirer l'attention en raison du lien direct qu'il fait entre l'éclatement de la matière et les difficultés que cela implique vis-à-vis des formalités obligatoires de publicité.

Ainsi apparaît-il qu'un système de la publicité des sûretés réelles mobilières gagnerait grandement en efficacité si l'ensemble de la matière pouvait bénéficier d'une conception unitaire. Autrement dit, il faudrait réunir sous un régime-cadre les différentes garanties existantes afin de les soumettre à un ensemble de normes communes et à des formalités obligatoires de publicité harmonisée.

Partageant ce souhait, dans une certaine mesure, Pierre CROCQ a pu regretter que le législateur n'ait pas su profiter de la réforme de 2006 pour « adopter un droit commun de la publicité applicable au moins à toutes les sûretés réelles mobilières et, si possible, susceptible d'être étendu, en respectant leurs particularismes, aux sûretés sur les fonds ou aux sûretés sur certains meubles incorporels ».

Outre la simple question de la publicité, Jean-François RIFFARD va plus loin et présente, « la caractéristique commune d'être construits autour d'un système unitaire de sûretés mobilières conventionnelles76 » comme un préalable nécessaire à toute harmonisation du droit des sûretés avec les standards internationaux de modernité et d'efficacité.

On remarque que ces deux auteurs sont tous deux favorables à l'harmonisation bien qu'ils l'envisagent à des degrés différents.

En optant pour une approche « purement transsystémique », le groupe 6 de la CNUDCI, dont Jean-François RIFFARD est membre depuis 2002, a donné naissance à un modèle pragmatique et fonctionnel d'efficacité en matière de sûreté mobilière. Ce modèle est détaillé dans les divers documents de la CNUDCI que nous avons pu citer au cours de cette étude. Lors du présent chapitre, nous nous prononcerons en faveur d'un degré d'harmonisation maximale. Nous nous intéresserons au champ d'application des recommandations de la CNUDCI, à savoir le modèle « de la sûreté unique dont le régime est suffisamment large et souple pour couvrir l'ensemble des hypothèses de sûretés réelles mobilières77».

Afin d'obtenir ce résultat : une sûreté unique assortie de formalités obligatoires de publicité invariable, Jean-François RIFFARD propose deux méthodes. La première consiste en la consécration d'un numerus clausus, la sûreté dont le régime est défini par la loi, étant la seule reconnue78 (Section 1). La seconde « englobante » et « téléologique » fait appel à la « théorie générale de ce qui constitue une sûreté mobilière79» propre à la vision

75Étienne GENTIL, « problématique des investisseurs finance et droit des sûretés », Revue d'économie

financière, association d'économie financière, 2018, n° 129, p. 106.

76Jean-François RIFFARD, « L'harmonisation internationale des droits des sûretés mobilières : ne ratons pas le

train ! », préc., paragr. 3.

77Ibid., paragr. 9.

78Ibid.

79Ibid. paragr. 4.

fonctionnaliste de la matière (Section 2). Elle revient à lier inextricablement l'application du nouveau régime à la fonction de sûreté, si bien qu'aucun mécanisme futur naissant pour remplir cette utilité économique ne saurait échapper à l'unité. La première approche est la plus facile à mettre en oeuvre, là où la seconde, malgré les difficultés qu'engendrent tout bouleversement révolutionnaire, semble être la plus adaptée sur le long terme.

Section 1. L'unification nationale, l'approche unitaire par soustraction.

À la question : « Pour quelles raisons, par exemple, un nantissement de fonds de commerce devrait-il être nul s'il n'est pas enregistré dans les trente jours de sa création80 (...) alors que ce n'est pas le cas pour d'autres sûretés ?81 », le juriste peine à fournir une réponse cohérente. Et pour cause, comme le fait remarquer Étienne GENTIL « Ces différences de régime ont des fondements essentiellement historiques ».

La sûreté spéciale semble être la réponse toute trouvée du législateur à chaque fois qu'une difficulté se présente en la matière. Ainsi il faut rappeler que les gages et les nantissements spéciaux « n'avaient été antérieurement créés que parce que le gage supposait la dépossession82».

Bien conscients de la nuisance que représente cette prolifération de régimes spéciaux, même les auteurs les plus modérés s'accordent à souhaiter la suppression des mécanismes les plus archaïques. Ainsi l'association Henri Capitant recommande de « tirer les conséquences de la modernisation du droit commun du gage opérée en 2006 en supprimant des régimes spéciaux rendus inutiles (warrant hôtelier, warrant industriel, gage commercial, etc.)83 ».

Toutefois, la soustraction ne suffit pas. Comme le fait remarquer Jean-François RIFFARD, « C'est là une démarche classique, et donc rassurante, mais qui présente le risque de voir ce numerus clausus être par la suite contourné par la pratique, voire remis en question par le législateur lui-même84 ». Autrement dit, on aura beau obtenir de haute lutte la suppression de tel ou tel mécanisme désuet, rien n'empêchera le législateur d'en créer de nouveaux. En effet, personne n'avait demandé la consécration du gage des stocks avec dépossession et pourtant le législateur l'a fait. En outre, la pratique a su démontrer son imagination en termes de mécanisme de garantie inovant. Voilà pourquoi, la seconde approche, apparaît comme une solution plus durable.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon