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Pour une publicité efficace des sûretés réelles mobilières.


par Gaëtan Jouve
Université Clermont Auvergne - Master droit privé parcours droit civil 2019
  

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Section 2. La présomption de connaissance de la sûreté, un pis-aller à un véritable critère objectif.

Si les éloges que la CNUDCI fait des systèmes où la bonne foi de l'acquéreur fait échec au droit de suite du créancier garanti sont rares, ils sont de surcroît critiquables. Ainsi la CNUDCI souligne qu'« Un argument en faveur de cette approche est que la notion de « bonne foi » est connue de tous les systèmes juridiques et qu'elle a déjà été très souvent

51 Guillaume ANSALONI, « Sur l'opposabilité du gage sans dépossession de droit commun », préc., paragr. 18. 52Romain BOFFA écrit en 2007, c'est donc à l'ancien article 2279 qu'il fait référence. Aujourd'hui, la règle « en fait de meubles possession vaut titre » loge à l'article 2276 du Code civil (depuis le 19 juin 2008).

53Romain BOFFA, « L'opposabilité du nouveau gage sans dépossession », Recueil Dalloz, 2007, p. 1161, paragr. 19.

54Ibid.

55Ibid. paragr. 14.

56Ibid. paragr. 12.

appliquée au niveau tant national qu'international57 ». Nous émettons un doute à ce sujet, en nous accordant à la démonstration de Romain BOFFA, nous concluons que la notion de bonne foi est sujette à interprétation. Dès lors, nous nous intéresserons qu'au critère de la connaissance de la sûreté par le tiers, un critère qui fait moins débat que la notion de bonne foi. Car si la bonne foi est certes universellement partagée au sein des différents ordres juridiques elle n'en demeure pas moins protéiforme.

Démontrons brièvement pourquoi il faut exclure la bonne foi du débat de l'opposabilité. Interrogeons-nous. Pour être de mauvaise foi, suffit-il que l'on contracte en pleine connaissance de l'existence d'une sûreté ou faut-il nécessairement que l'on contracte en sachant que l'on bafoue une interdiction d'aliéner stipulée par ladite sûreté58 ? Évidemment, la réponse des différents ordres juridiques ne sera pas unanime, la réponse apportée par la CNUDCI relevant elle-même d'un parti pris dommageable quant à un idéal d'harmonisation des droits des sûretés.

Maintenant que nous avons mis la bonne foi à l'écart, analysons le corps de la critique proposé par la CNUDCI. En droit français un acheteur de biens meubles corporels obtient ceux-ci libres de toute sûreté s'il n'avait pas connaissance de la sûreté les grevant. Toutefois, cette situation d'apparence intenable ne se présentera que rarement dans la mesure où l'accomplissement des formalités obligatoires de publicité emporte une présomption de connaissance de l'acte par les tiers. Cette fiction bien commode est de la même veine que l'adage bien connu, « nemo censetur ignorare lege », ainsi en France chaque consommateur devrait avoir une connaissance exhaustive des formalités de publicité affectant les biens qu'il achète.

Si l'on met de côté la pesanteur économique écrasante que cette règle suppose59, le fait que la publication d'une sûreté entraîne une présomption de connaissance des tiers60 est sans doute un progrès vers l'objectivité, étant donné que cette disposition évite au moins de rechercher au cas par cas si untel était au courant de la constitution d'une sûreté à tel instant. Or c'est justement ce caractère subjectif, minimisé par la présomption de connaissance, que la CNUDCI reproche aux régimes des opérations garanties des états qui procèdent ainsi : « Les règles de priorité qui dépendent de la connaissance subjective peuvent compliquer le règlement des conflits, rendant ainsi plus incertain le rang de priorité des créanciers garantis et réduisant l'efficacité du système61 ».

Toutefois si la règle de la publicité emportant présomption de connaissance minimise

57« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 210, paragr. 75.

58« Selon le Guide, l'acheteur de marchandises dans le cours normal des affaires du constituant va prendre le bien libre de toute sûreté, quand bien même elle lui serait opposable, à moins qu'il n'ait eu connaissance au moment de la vente que celle-ci violait les droits du créancier garanti », Jean-François RIFFARD, « L'harmonisation internationale des droits des sûretés mobilières : ne ratons pas le train ! », Revue de Droit bancaire et financier, LexisNexis, mars 2016, n° 2, dossier 11, paragr. 16.

C'est une critique que l'on put faire à la CNUDCI. Bien qu'elle dénonce toute la subjectivité de l'exception à l'opposabilité des droits réels qui reposent sur la connaissance du tiers, elle n'a pas su totalement évacuer la notion de bonne foi de son régime de la publicité des opérations garanties. Nous reviendrons sur ce regrettable ajout plus tard dans nos développements relatifs à la question de la priorité des droits, grâce à la critique qu'en a fait Jean-François RIFFARD. Voir infra., (note 245).

59On ne peut pas décemment attendre que chacun se conforme à cette fiction. Bien plus raisonnable et pragmatique est la règle de l'acquisition libre de tout droit réel dans le cadre du cours normal des affaires. Une exception recommandée par la CNUDCI que nous aurons largement l'occasion de détailler plus avant dans nos développements.

60La publicité personnelle d'une sûreté entraîne à minima une présomption de connaissance de la sûreté par tous les ayants cause à titre particulier du constituant. Autrement plus complexe est la question de l'opposabilité de la sûreté aux sous-acquéreurs successifs.

61« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 225, paragr. 126.

les inconvénients de ce critère éminemment subjectif, elle ne les supprime pas. On peut aisément s'en convaincre en constatant que le texte prévoyant les modalités de publicité des gages sans dépossession demeure « silencieux sur le point de savoir si la connaissance effective du gage par le tiers permet de remplacer le défaut d'accomplissement de la publicité62 ». Un tel questionnement est, sans nul doute, vecteur de conflit.

Voilà pourquoi il faut distinguer les systèmes de publicité reposant sur la présomption de connaissance des tiers dès l'inscription et les systèmes où cette connaissance en tant que critère subjectif problématique est tout simplement indifférente. Ainsi la CNUDCI rappelle que « Le principe de la connaissance présumée vaut uniquement dans un régime de priorité autorisant un tiers qui n'a pas effectivement connaissance de l'existence d'une sûreté à prendre le bien libre de cette dernière63 ».

En nous rangeant aux recommandations de la CNUDCI, nous considérons qu'un système efficace de la publicité des sûretés réelles mobilière ne devrait pas se référer à la connaissance (qu'elle soit effective ou présumée) de la sûreté pour en conditionner l'opposabilité et la priorité. L'inscription d'une sûreté devrait avoir vocation à la rendre opposable vis-à-vis de tous les tiers en mesure d'accéder au registre de la publicité des sûretés réelles mobilière.

Autrement dit dans un système de la publicité idéale « la publication de la sûreté doit avoir pour effet de la rendre opposable erga omnes et le défaut d'accomplissement de cette formalité doit inversement avoir pour effet de la rendre inopposable aux tiers le tout sans qu'il n'y ait jamais à se poser la question de l'ignorance ou de la connaissance effective de la sûreté par les tiers.64 »

62Romain BOFFA, « L'opposabilité du nouveau gage sans dépossession », préc., paragr. 22.

63« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 156 paragr. 5.

64Pierre CROCQ, « Sûretés mobilières : état des lieux et prospective », Revue des procédures collectives, n° 6, LexisNexis, Nov. 2009, dossier 18, paragr. 20.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault