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Pour une publicité efficace des sûretés réelles mobilières.


par Gaëtan Jouve
Université Clermont Auvergne - Master droit privé parcours droit civil 2019
  

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- CHAPITRE 1 -

LA NON-INCIDENCE DE LA CONNAISSANCE EFFECTIVE

La CNUDCI fait mention d'états où par exception au principe du droit de suite, « un acheteur de biens meubles corporels obtient ceux-ci libres de toute sûreté s'il les achète de bonne foi49 ». Elle ajoute afin de préciser cette notion que « Dans certains États, l'acheteur est tenu de faire des recherches pour savoir si les biens sont grevés d'une sûreté, tandis que dans d'autres il ne l'est pas50 ». En somme, dans ces états décrits par la CNUDCI la bonne foi d'un acquéreur, dont dépend la question de savoir s'il peut ou non acquérir un bien libre de toute sûreté, serait assimilée à sa connaissance d'une éventuelle sûreté sur le bien en question. Nous commencerons par nous éloigner de cette vision en soulignant le caractère protéiforme de la notion de bonne foi grâce aux débats doctrinaux entourant l'article 2276 du Code civil français (Section 1). Puis nous rejoindrons la critique de la CNUDCI en plaidant pour que connaissance présumée, connaissance effective et bonne foi soit toutes trois écartées de la question de l'opposabilité des sûretés mobilières (Section 2).

Section 1. L'épineuse distinction entre connaissance de la sûreté et bonne foi au sens de l'article 2276.

La CNUDCI a vocation à proposer un droit international efficace et uniforme via ses recommandations dont chaque état est libre de s'inspirer à sa guise. En matière de droit des sûretés, la documentation librement accessible de la CNUDCI est une manne de « soft Law » dans laquelle chaque juriste peut puiser pour mettre son propre droit national à l'épreuve. Bien souvent, la CNUDCI évoquera des états qui adoptent telles ou telles approches, telles ou telles visions, etc. Même si elle ne prend pas la peine de les nommer, chacun pourra reconnaître un portrait plus ou moins précis des ordres juridiques dans lesquels il s'est initié au droit. En l'espèce, le critère de la bonne foi de l'acquéreur nous évoque la vision de la publicité en droit français.

Le droit positif français correspond-il à la description sus-citée ? L'affirmative s'impose en réponse à cette question et cela même si différentes lectures de l'article 2276 s'affrontent sur le terrain de la distinction entre connaissance de la sûreté et bonne foi de l'acquéreur.

Pour certains auteurs, l'acquéreur de bonne foi est une figure intouchable. Du fait de la règle, « en fait de meuble possession vaut titre », ce tiers d'exception pourrait s'extraire de toute règle de priorité et ne souffrir aucun concours quant à ses droits sur la chose. Le rôle de la publicité serait, selon cette interprétation, de faire peser sur lui une présomption irréfragable de connaissance de la sûreté. Dès lors que le créancier garanti aurait observé les formalités obligatoires de publicité, l'acquéreur étant irréfragablement présumé connaître l'existence de la sûreté, il ne serait plus en mesure d'invoquer sa bonne foi et la sûreté lui serait donc opposable en tout état de cause. On remarque que ces auteurs, comme la CNUDCI, assimilent la mauvaise foi d'un acquéreur à sa connaissance d'une éventuelle sûreté. Ainsi pour Guillaume ANSALONI « Dès lors que la publicité est accomplie et que la connaissance du tiers est ainsi réputée, celui-ci ne devrait en principe pas être admis à se retrancher derrière son ignorance pour se prétendre être un possesseur de bonne foi au sens

49« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 210, paragr. 74. 50Ibid.

de l'article 227651 ».

À l'inverse, Romain BOFFA défend l'idée que « bonne foi au sens de l'article 227952 du code civil et connaissance de la sûreté sont deux choses clairement différentes53 ». Pour lui, « Le possesseur qui ignore que son auteur n'est pas le propriétaire du bien, mais qui a pu

avoir connaissance de la sûreté en raison de sa publication ou qui en a réellement connaissance, doit se la voir opposer54 ». Autrement dit selon cet auteur si l'opposabilité

d'une sûreté dépend de la connaissance que peuvent en avoir les tiers, cette même

connaissance ne doit pas être confondue avec la bonne foi au sens de l'actuel article 2276. « Ainsi, lorsque la sûreté est publiée, l'ayant cause se voit opposer la sûreté, non parce qu'il

est de mauvaise foi au sens de l'article 2279 du Code civil, mais parce que sa connaissance

de la sûreté est établie55 ». Pour achever de se convaincre du bien-fondé de cette vision il suffit de se demander de quel « titre » il est question au premier alinéa de l'article 2276.

Quand on considère l'effet acquisitif de la possession de meuble consacré par cette

disposition il paraît pertinent de parler d'usucapion instantané du possesseur de bonne foi. Or qu'usucape l'acquéreur de bonne foi dans le cadre de l'article 2276 sinon la propriété du

meuble ? Ainsi on ne peut voir en cet article un obstacle à l'opposabilité des sûretés dans la

mesure où le créancier garanti, sauf dans le cas des propriétés sûreté, ne vient pas contester le statut de propriétaire du tiers acquéreur. Le créancier garanti cherche seulement à faire valoir

son droit réel accessoire sur la chose de l'acquéreur. Autrement dit, « la possession, entendue

comme un pouvoir de fait sur une chose, permet d'acquérir le droit correspondant aux prérogatives exercées (...). L'exercice de ce pouvoir de fait est sans aucune liaison avec

l'opposabilité de relations accessoires préexistantes, dès lors qu'elles peuvent coexister avec le droit acquis56 ». Or bien évidemment, un droit de propriété peut coexister avec un droit réel accessoire constitué par une sûreté réelle.

Ainsi nous rangerons-nous à l'approche de cet auteur, en droit français c'est la connaissance par les tiers d'une sûreté, fût-elle une connaissance présumée, qui commande son opposabilité.

Il ne faut pas pour autant surestimer l'importance de cette distinction éminemment octogonale. Si la CNUDCI ne fait pas de différence entre bonne foi et connaissance ou

ignorance d'une sûreté, c'est parce qu'elle renvoie dos à dos ces deux approches en leur adressant la même critique. Une critique qui, bien qu'atténuée par le système de la connaissance présumée que nous connaissons, demeure une source de progrès à étudier.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery