WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Pour une publicité efficace des sûretés réelles mobilières.


par Gaëtan Jouve
Université Clermont Auvergne - Master droit privé parcours droit civil 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2 : Simplicité : la question de la priorité des droits.

La question de la priorité est indissociable de la notion d'opposabilité bien qu'il ne faille pas les confondre. Commençons par une définition du champ d'application des règles de la priorité des droits qui nous intéressera au cours de cette section, ensuite il sera temps d'examiner les difficultés de la relation opposabilité/priorité.

1. Définition des règles de priorité et délimitation de leurs champs d'application. « Le concept de priorité est au coeur de tout régime efficace en matière d'opérations garanties240 ». La CNUDCI définit les dispositions relatives au concept de propriété par leurs fonctions. Ainsi les normes relatives à la priorité en matière de sûreté réelle mobilière sont « Le principal moyen par lequel les États résolvent les conflits entre les droits de différents réclamants concurrents sur les biens du constituant241 ». Elle poursuit en décrivant plus particulièrement le contenu de règles de priorité et leurs conséquences juridiques, elle évoque « un ensemble de principes et de règles qui définissent la mesure dans laquelle un créancier garanti peut jouir des effets économiques de sa sûreté sur un bien grevé du constituant par préférence à tout autre réclamant concurrent qui tient ses droits de ce même bien242 ». Nous avons vu précédemment qu'il pouvait tout à fait exister simultanément différents droits réels grevant un même bien au bénéfice de créanciers différent. Permettre l'existence de cette situation est même un critère de la réussite d'un système de publicité des sûretés mobilières. En effet si le système fourni est assez efficace en matière de transparence, il sera possible d'exploiter toute la valeur d'un bien en l'affectant à la garantie de plusieurs créances. Cet achèvement n'est pas une mince affaire Pour obtenir un tel résultat il faut que le système de publicité fournisse aux créanciers garantis des données exactes et précises sur le rang des droits des autres. Comme nous avons pu le montrer précédemment c'est uniquement comme cela que de nouveaux créanciers garantis seront suffisamment rassurés pour venir se greffer en aval des rapports entre le constituant et un premier créancier garanti243.

Nous n'évoquerons pas le cas des ordres juridiques qui ne « traite pas directement du rapport entre les divers créanciers d'un débiteur, mais uniquement du rapport entre le débiteur et un créancier particulier244 ». Car dans la grande majorité des états « le droit des relations entre débiteurs et créanciers a une portée plus large et prévoit aussi plus explicitement la manière dont doivent être régies les relations entre l'ensemble des créanciers d'un débiteur245 ». À notre sens, cette approche doit être saluée en raison de la vision d'ensemble qu'elle apporte. Les droits d'un créancier ayant forcément des conséquences sur les droits d'un autre dans le cadre limitatif du patrimoine d'un unique débiteur, il est bon que le droit se montre réaliste et pragmatique en envisageant cet état de fait. C'est cette approche qui sous-tend la nécessaire discipline collective imposée au

239Ibid.

240« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », préc., p. 191 paragr. 1.

241Ibid.

242Ibid.

243Voir supra.

244« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », op. cit., p. 191, paragr. 2.

245Ibid.

créancier en cas de procédure collective. En France, l'article 2285 dispose ainsi que « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ». Retenons qu'une convention de sûreté est précisément une cause légitime de préférence, ainsi le créancier garanti prévoyant se voit-il accorder le droit de tirer son épingle du jeu en cas d'insolvabilité du débiteur. Toutefois, il est fort probable qu'il ne soit pas le seul à avoir voulu se ménager une garantie. Ainsi « Certains définissent ce concept (la priorité) de manière assez restrictive en ce qu'ils ne l'utilisent qu'en cas de concurrence entre les réclamants qui ont obtenu une préférence en rompant avec le principe d'égalité des créanciers246 ». Cette approche, retenue en droit positif national, ne nous satisfait pas tout à fait. En effet, « la concurrence opposant d'autres réclamants qui ne revendiquent pas de droits sur un ou plusieurs biens appartenant au débiteur (notamment les vendeurs réservataires et les acquéreurs ultérieurs d'un bien du débiteur) n'est normalement pas qualifiée de conflit de priorité247 ». Or comme nous avons pu vanter les mérites d'une approche unitaire du droit des sûretés, nous devons tirer les conséquences de nos propres recommandations. Ainsi faut-il à notre sens, conformément aux recommandations de la CNUDCI, considérer comme relevant des dispositions relatives à la priorité des droits réels tout droit pouvant être amené à entrer en concurrence sur un même bien. Autrement dit, il ne faut pas envisager la question de la priorité uniquement en analysant les relations entre créanciers garantis, mais il faut également analyser la situation du tiers acquéreur comme celle d'un demandeur concurrent à qui il faut attribuer un rang.

Partant de ce postulat, la situation de tout créancier qui peut avoir un droit sur les biens du constituant doit être interrogée et incluse dans une théorie unique de la priorité. Ainsi il sera ici question de la situation du vendeur avec réserve de propriété, de la situation du crédit bailleur, etc. Une chose est sûre un régime efficace de la priorité des droits en matière de sûreté réelle mobilière ne peut pas faire d'impasse s'il entend s'accorder à une approche unitaire de la matière. La CNUDCI recommande que « si un créancier cherche à obtenir une préférence par contrat pour passer outre au principe du gage commun ou à celui de l'égalité des créanciers, l'accord sera considéré comme donnant naissance à une sûreté et les droits des réclamants concurrents seront traités dans le cadre d'un conflit de priorité ». Ainsi semble-t-il essentiel d'en finir avec la figure de propriété sûreté surplombant les conflits de priorité. De toute façon, comme nous avions pu le souligner quand nous avons évoqué l'approche unitaire248, les intérêts en présence249 sont trop importants pour que le législateur laisse ce genre de mécanisme braver toutes les règles imposées aux autres sûretés.

2. La nuance entre ordre des opposabilités et ordre des priorités. La première règle en matière de priorité doit briller par sa simplicité. À ce propos Jean-François RIFFARD énonce que « la CNUDCI fait sienne le principe « prior tempore, potior jure » en disposant

246« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », op. cit., p. 191, paragr. 6.

247Ibid.

248Voir supra.

249Si le créancier garanti rêve de la sûreté parfaite sous les traits d'une propriété sûreté pour déjouer la concurrence de ses pairs, il doit cependant comprendre que cette aspiration n'est pas tenable collectivement. Si une sûreté prend le pas sur les autres, car elle se soustrait au dispositif encadrant la priorité des droits elle sera plébiscitée par l'ensemble des créanciers, annulant par la même occasion l'avantage individuel qu'ils auraient pu en retirer. Cette escalade en termes de compétitivité entre sûretés ne pourra, sur le long terme, que nuire aux règles des procédures collectives. Or ces procédures sont essentielles à la santé économique du pays. Voilà pourquoi on ne peut que s'attendre à ce que les propriétés sûreté trop virulentes soient sanctionnées par le législateur ou la jurisprudence qui se garderont bien de faire jouer à la propriété tous les effets qu'elle devrait pourtant avoir. En matière de procédure collective, nécessité fait loi.

que la priorité entre des sûretés concurrentes sur un même bien est déterminée en fonction de l'ordre d'inscription au registre des sûretés mobilières ou de l'ordre dans lequel ces sûretés sont rendues opposables selon ce qui intervient en premier250 ». Le principe est tout aussi juste qu'efficace. Toutefois, nous devons lui apporter quelques précisions. Premièrement, il apparaît que l'ordre chronologique des inscriptions ne correspond pas tout à fait à l'ordre chronologique de la priorité des droits. Deuxièmement, il ne faudrait pas se laisser aller à confondre simplicité et simplisme. Cette première règle « prior tempore, potior jure » doit nécessairement être tempérée d'exceptions qui peuvent être justifiées tant politiquement qu'économiquement.

La CNUDCI ne reconnaît pas l'inscription comme seule méthode d'opposabilité. Dès lors si l'on adopte cette approche l'ordre chronologique des inscriptions ne doit pas être confondu avec l'ordre chronologique de la priorité des droits. En effet dans ce système un créancier garanti qui utilise des méthodes d'opposabilité telles que la mise en possession ou la prise de contrôle peut tout à fait avoir un droit d'un rang supérieur à celui du créancier qui enregistrera le premier avis relatif à un bien donné sur le registre.

Même si nous ne souhaitons pas la suppression de la dépossession ou de la prise de contrôle en tant qu'emprise matérielle sur les biens grevés (ces mécanismes apportant des effets particuliers que les créanciers peuvent légitimement rechercher). Nous avons déjà eu l'occasion de remettre en cause leur efficacité en matière de publicité. Afin que d'un seul regard sur le registre, n'importe quel utilisateur puisse connaître l'ensemble des droits réels grevant un meuble, nous recommandons que les sûretés avec dépossession fassent également l'objet d'une inscription obligatoire. Autrement dit, l'inscription sur le registre serait la seule manière de prendre rang. Si l'on suppose une inscription facile et gratuite251, cette disposition n'aggrave pas sérieusement la situation des créanciers garantis bénéficiant d'une sûreté avec dépossession. Cette mesure aurait le mérite de rompre avec le caractère lacunaire des informations sur l'opposabilité et la priorité que le registre devra souffrir tant qu'il existera d'autres méthodes d'opposabilité que l'inscription.

Cependant même si on admet l'inscription comme unique méthode d'opposabilité, le premier créancier à rendre sa sûreté opposable aux autres ne sera pas nécessairement le premier créancier en termes de rang. En effet, ce serait sans compter sur la problématique de la perte d'opposabilité. À ce sujet, nous nous accordons à l'avis de la CNUDCI selon lequel « La loi devrait prévoir que, si une sûreté réelle mobilière perd son opposabilité à un certain moment, cette opposabilité peut être rétablie, auquel cas elle prend effet à compter de la date à laquelle elle est rétablie252 ».

Si nous avons clairement exprimé le souhait de voir les propriétés sûreté traitées de la même manière que tous les mécanismes qui pourrait être rangé sous la notion unitaire de sûreté, il nous faut cependant reconnaître qu'un système de priorité chronologique qui ne connaîtrait aucune exception serait à la fois inefficace et injuste. En effet, certaines raisons motivées par des considérations politiques ou économiques s'imposent nécessairement à un système de priorité. Ainsi on imagine mal un système ou les salariés seraient mis au même rang que les créanciers chirographaires. La raison de cette exception est éminemment politique pour ne pas dire morale. Dans le même ordre d'idée, bien que plus discutable, on retrouve les privilèges légaux du fisc. Obéissant à des considérations économiques le guide

250Jean-François RIFFARD, « L'harmonisation internationale des droits des sûretés mobilières : ne ratons pas le train ! », préc., paragr. 15.

251Voir infra., partie 2, titre 1, chapitre 2, Section 3 : faible onérosité, la question du financement.

252« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », op. cit., p. 152, paragr. 47.

fait deux exceptions majeures qui retiendront plus longuement notre intérêt. Le premier privilégié est le « créancier garanti finançant l'acquisition253 » une figure que le guide défini comme « le créancier garanti titulaire d'une sûreté réelle mobilière en garantie du paiement d'une acquisition254 ». L'idée derrière ce terme est que le constituant a besoin d'investir pour pérenniser son activité, et que les prêteurs qui entendent l'aider doivent bénéficier de garanties supplémentaires en raison de l'utilité économique de cette opération. Dans l'approche non unitaire, cet objectif est atteint, notamment en droit français, par l'instrumentalisation de la propriété à des fins de garantie. Ainsi le créancier garanti finançant l'acquisition sera souvent en droit positif national le créancier bénéficiaire d'une réserve de propriété sur la chose ou un crédit bailleur. Comme nous souhaitons que les propriétés sûreté affrontent les règles de priorité sur un pied d'égalité avec les sûretés traditionnelles, nous devons prévoir une nouvelle façon d'inciter les prêteurs à financer les acquisitions de leurs constituants. En termes de solution, le guide propose d'accorder au créancier garanti finançant l'acquisition « une super-priorité lui permettant de primer tout autre créancier ayant antérieurement rendu opposable une sûreté sur biens futurs, à condition qu'il enregistre un avis dans un certain délai à compter de la vente255 ».

La deuxième figure bénéficiant d'une exception notable au principe de la priorité chronologique des droits est l'acquéreur dans le cours normal des affaires. Cette deuxième exception dont nous avons eu l'occasion de vanter les mérites en matière de lutte contre les lacunes de la publicité personnelle se justifie pleinement économiquement, car elle correspond aux attentes raisonnables des parties. Elle se justifie tellement qu'on peut reprocher à la CNUDCI de ne pas lui avoir donné sa pleine mesure. En effet « Selon le Guide, l'acheteur de marchandises dans le cours normal des affaires du constituant va prendre le bien libre de toute sûreté, quand bien même elle lui serait opposable, à moins qu'il n'ait eu connaissance au moment de la vente que celle-ci violait les droits du créancier garanti256 ». Voilà une distinction subtile avec la notion de connaissance effective ! L'acheteur dans le cours normal des affaires prendrait donc les marchandises libres de toute sûreté même s'il a connaissance d'une convention de sûreté les affectant, mais pas s'il a conscience que cette même convention interdisait au créancier de disposer des biens. Nous ne pouvons nous ranger à cette approche qui laisse supposer que la CNUDCI n'a pas tiré toutes les conséquences de ses arguments relatifs à la difficulté d'établir la connaissance de ce genre de faits. Ainsi considérerons-nous que cette précision constitue une inutile complication du système de la priorité des droits dont il faudrait ne pas tenir compte257.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote