- CHAPITRE 2 -
PRINCIPES D'UN REGISTRE EFFICACE
En tant que support d'une publicité efficace,
le registre idéal doit répondre à plusieurs
impératifs. Ces performances doivent refléter les qualités
que nous avons cherché à insuffler à la publicité.
Ainsi le réceptacle sera le catalyseur de la substance et
l'efficacité de la publicité sera renforcée par les
qualités de son contenant. Ainsi l'indexation des avis devra briller par
sa clarté (Section 1). Les règles de résolutions des
conflits de priorité devront viser la plus grande simplicité
(Section 2) et en règle générale le registre devra viser
la plus faible onérosité si ce n'est l'autosuffisance (Section
3).
Section 1 : Clarté : la question de l'indexation
des avis.
1. Indexation en considération de la personne
du constituant : méthode principale. Nous avons eu plus haut l'occasion
d'affirmer que la plus grande part de la publicité des
sûretés réelles mobilière ne pouvait être
faite que sous la forme d'une publicité personnelle. C'est-à-dire
une publicité où l'information publiée dans l'avis serait
associée au nom du constituant. Autrement dit, un avis contient
l'identité du constituant, qu'il soit personne physique ou morale, et le
détail du droit réel qu'il a consenti sur un de ses bien.
Toutefois, une convention de sûreté comprend au minimum deux
parties, un constituant et un créancier garanti. Dès lors, on
pourrait aussi qualifier de publicité personnelle la tenue d'un registre
qui détaillerait les garanties dont un créancier peut
espérer bénéficier. Néanmoins, nous devons nous
garder de cette forme de publicité personnelle, car elle a le
défaut majeur de nuire au respect d'une certaine confidentialité.
Ainsi la CNUDCI nous met elle en garde, « Permettre au public
d'effectuer ce type de recherche (en fonction du créancier garanti)
pourrait être contraire aux attentes raisonnables des créanciers
garantis en matière de confidentialité 234».
La commission développe avec un exemple très simple « un
fournisseur de crédit pourrait effectuer une recherche sur la base de
l'identifiant du créancier garanti pour obtenir les listes de clients de
ses concurrents 235». Ainsi la CNUDCI recommande que le
créancier garanti soit identifié dans l'avis d'inscription, tout
en précisant que cette donnée ne doit jamais constituer un
critère de recherche accessible au public236.
Nous avions évoqué plus haut le
principal défaut de la publicité personnelle. Nous avions
qualifié cette difficulté d'« angle mort de la
publicité personnelle ». En bref, tout sous-acquéreur qui
n'a aucun lien avec le constituant est incapable d'effectuer une recherche
efficace et se retrouve dès lors dans la situation de tiers aveugle
à la publicité. Évoquons à présent une forme
de publicité exempte de ce défaut, la publicité
réelle.
2. Indexation en considération de certains
biens grevés : méthode complémentaire. Là où
l'émission d'une publicité personnelle correspond à un
registre où les indexations des avis seraient faites en fonction de
l'identité de chaque constituant, la publicité réelle
propose à l'inverse d'entrer l'identifiant d'un bien en guise de
critère de recherche. Cette forme de publicité est de loin la
plus agréable pour le sous-acquéreur qui, s'il veut s'assurer
qu'un bien n'est pas grevé, a simplement à entrer son
numéro de série ou tout autre identifiant afin de
234« Guide de la CNUDCI sur la mise en place
d'un registre des sûretés réelles mobilières
», op. Cit., p. 118., paragr. 267.
235Ibid.
236« Guide législatif de la CNUDCI sur
les opérations garanties », op. cit., p. 177, paragr.
81.
lancer une recherche. En général, on
affirme que ce registre est traditionnellement réservé aux biens
de grande valeur. C'est généralement vrai, mais il y a d'autres
critères à prendre en compte. La dangerosité de certains
biens a souvent tendance à forcer le législateur à les
individualiser pour procéder à leurs
répértoriation. On peut prendre l'exemple évident des
armes à feu qui possèdent toutes un numéro de
série. Chacun admettra que la valeur d'un fusil est sans commune mesure
avec le prix d'un navire ou d'un aéronef qui sont les exemples les plus
cités de registre spécial basé sur une publicité
réelle. Pourtant les armes, grand classique des boutiques de prêt
sur gage aux états unis, sont des biens qui pourraient sans
problèmes être incorporés à un registre par
l'indexation de leurs numéros de série. Il en va de même
pour les moteurs et de nombreuses pièces détachées
automobiles qui du fait des exigences en matière de
sécurité doivent être facilement traçables et
identifiables.
C'est pourquoi afin de combler les lacunes de la
publicité personnelle et afin de faciliter l'usage du registre, nous
recommandons qu'une indexation des avis basés sur les biens soit
ajoutée chaque fois que cela est possible. Autrement dit, chaque fois
qu'un bien est facilement identifiable, pour quelque raison que ce soit
(souvent il sera question de logique de sécurité et de
traçabilité), ce bien devrait faire l'objet d'une indexation
réel en sus de l'indexation personnelle. Ainsi un usager du registre qui
aura les caractéristiques techniques d'un bien sous ses yeux, ou qui
tiendra ce bien entre ses mains, sera capable d'effectuer une recherche par
numéro de série sur son smartphone en quelques secondes sans
avoir à se soucier de la personne du constituant.
Pour l'heure, la majorité des registres
fondés sur une indexation réelle sont des registres
spéciaux destinés à des bien spéciaux. On peut
citer l'exemple des immeubles qui sont soumis aux obligations
particulières de la publicité foncière. Or quand on
évoque la question des meubles qui peuvent être attachés
à des immeubles, on comprend rapidement comment ces différents
registres peuvent se chevaucher. Dans le même ordre d'idée, un
navire pourrait faire l'objet d'une inscription dans un registre spécial
et dans le registre global des sûretés réelles
mobilières. Ainsi un registre efficace doit avoir pour objectif une
répartition et une priorisation harmonieuse de l'information entre le
domaine du spécial et le domaine du général. À ce
sujet, la CNUDCI précise que « La coordination soulève
des problèmes complexes, notamment si le registre
spécialisé utilise un système d'inscription par bien
plutôt que le système d'indexation par constituant du registre
général des sûretés recommandé dans le Guide
sur les opérations garanties237 ». Le premier
réflexe pourrait être de recommander une approche unitaire, et
donc une suppression des registres spéciaux au profit d'une convergence
des inscriptions vers le registre général. Cependant, cette piste
doit être écartée, car bien souvent les registres
spéciaux ne poursuivront pas les mêmes objectifs que le registre
général des sûretés réelles
mobilières. Ainsi la CNUDCI souligne que « Ces registres
spécialisés ont généralement des objectifs plus
larges, que la simple publicité des sûretés sur les biens
concernés, notamment l'enregistrement de la propriété ou
des transferts de propriété238 ». Dès
lors, parce qu'il a pour simple vocation d'informer les tiers, contrairement
aux régimes spéciaux destinés à apporter la preuve
de la propriété (ce qui suppose une inscription par
enregistrement de document très lourde et à valeur probatoire) il
semble sage de se plier aux recommandations de la CNUDCI en matière de
priorité des droits inscrits dans ces différents types de
registres. Ainsi la CNUDCI « recommande d'accorder la priorité
aux
237« Guide de la CNUDCI sur la mise en place
d'un registre des sûretés réelles mobilières
», op. cit., p. 26, paragr. 66.
238« Guide de la CNUDCI sur la mise en place
d'un registre des sûretés réelles mobilières
», préc., p. 16, paragr. 37.
droits d'un acheteur ou autre
bénéficiaire d'un transfert concernant lesquels un avis a
été inscrit dans le registre spécialisé par rapport
à une sûreté concernant laquelle un avis a
été inscrit dans le registre général des
sûretés239 ».
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